Polycarpe est un saint et martyr qui vivait sous les Antonins. Il était évêque de Smyrne (aujourd’hui Izmir, en Turquie). Son ardeur à évangéliser suscitait la fureur des païens et des Juifs. Il fut traîné devant le proconsul qui le pria d’abjurer. Polycarpe refusa et fut conduit aux bêtes féroces, dans l’arène mais là il obtint d’être brûlé vif car il en avait eu la vision. Ce fut chose faite.
Gustave Flaubert en avait fait son saint tutélaire car Saint Polycarpe «avait coutume de répéter en se bouchant les oreilles et s’enfuyant du lieu où il était : « Dans quel siècle, mon Dieu ! m’avez-vous fait naître. » Tous les 23 février ou presque, Flaubert faisait des agapes en son honneur.
Dans son essai Le monde selon Flaubert, Michel Winoch passe en revue les passions et les détestations du Normand. En toute liberté. Bien des fois mal inspiré, livrant son sentiment sans trop de nuances sur ce qu’il repoussait, les idées et les pratiques « de droite », il semble désormais gagné par une mesure, une équanimité qui tiennent probablement à ses 84 printemps.
Winock aime Flaubert, il le connait à fond, ce pur réactionnaire qui vomissait son temps. Pour le tenir à distance, le conjurer, il partait dans des rires ‘hénaurmes ».
Il avait disséqué la bêtise, il en avait fait l’inventaire (Le dictionnaire des idées reçues). Ayant décrété que la vie était une « ignoble farce », ayant constaté que « l’humanité a la rage de l’abaissement moral », il avait pris ses distances.
Pour échapper à la laideur, il lui restait l’histoire, l’art et, un temps, les voyages. De ceux-ci, il tirait une source d’énergie qui le portait dans son « gueuloir » de Croisset.
Sa vie mondaine et littéraire, il la conduisait en farceur, ce thème devenu désuet et qui désigne celui qui dit et fait des bouffonneries. Il avait fait le tour des postures, des petitesses, des infamies. Il lui restait, pour se consoler, un cercle restreint d’amis, au premier rang desquels Maupassant, son fils spirituel et la formidable George Sand.
La vie politique le navrait. Il avait vu passer la monarchie rondouillarde et rentière de Louis Philippe, le second empire cupide et vulgaire, les républiques restaurées, celle de 1848 clonée et celle de 1870, mal née. Il avouait : « Je suis un très mince républicain ». Il bouffait du curé et du socialiste. Plutôt anarchiste, le Gustave, de droite serait-on tenté d’ajouter, si ce qualificatif avait encore un sens.
Passez par Winock pour retrouver Flaubert et placez-vous sous les auspices de Saint Polycarpe, c’est tout le mal que je vous souhaite.
Jean-Joël Brégeon
* Michel Winock, Flaubert, Gallimard, 2013.
* Le Monde selon Flaubert, Tallandier, 2021
Crédit photos : DR
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Une réponse à “Saint Polycarpe, priez pour nous !”
« Dans quel siècle, mon Dieu ! m’avez-vous fait naître. »
me voilà répétant ce que st polycarpe disait !
la liberté d’opinion en occident (même trump a vu son compte twitter fermé, en france ils envoie en prison un professeur de médecine qui ose être non conformiste, embastille un écrivain, en flandre idem pour une banderole anti islamisatio; quant à la sécurité, tous les jours un nouveaumeurtre de policier, d’agression de personne agée ou de simple pékin dans la rue; etc.