Réunification de la Bretagne, défense du Breton et du Gallo, statut de résident : pour quoi faire ? [L’Agora]

Ainsi donc, la société bretonne serait unanime. Élus, associations, politiques se précipitent à quelques semaines des élections régionales et départementales pour clamer leur amour et leur attachement viscéral à la Bretagne.

Ici, un référendum sur la réunification de la Bretagne auquel tout le monde votera favorablement bien entendu, là une montée au créneau contre le jacobinisme du Conseil Constitutionnel (et son illégitimité, étant non élu) qui entend déclarer la guerre aux langues régionales, Breton et Gallo en tête.

Là encore, un statut de résident à créer, pour permettre à la jeunesse bretonne et aux plus précaires de pouvoir espérer accéder à l’immobilier en Bretagne, sans subir la spéculation immobilière provoquée par l’arrivée de populations nouvelles et au pouvoir d’achat bien plus élevé que les Bretons.

Un beau programme que tout cela, certes. Encore faudrait-il que ceux qui valident et prétendent porter ces propositions nous expliquent pourquoi ils veulent les mettre en place.

Car bien souvent, les mêmes qui œuvrent à la mise en place de ces propositions travaillent aussi (et financent même, avec les deniers publics) à un changement de société tel que ces revendications bretonnes n’auront, dans le futur, absolument plus aucun sens.

  • Est-il sérieux de se prétendre défenseur de la réunification bretonne et des langues de Bretagne lorsque dans le même temps, on œuvre au quotidien à l’arrivée de populations extraeuropéennes sur le territoire breton, arrivée progressive, mais qui commence à se voir et à compter, y compris dans les moyennes villes bretonnes ?
  • Est-il vraiment honnête de prétendre défendre le Breton et le Gallo en Loire-Atlantique, tout en ayant mis en place depuis plusieurs décennies, les conditions pour qu’aujourd’hui, il y ait plus de locuteurs parlant une langue extra-européenne dans ce département que de locuteurs en langue bretonne ou en Gallo ?
  • Est-il vraiment plausible d’espérer « protéger l’immobilier » en Bretagne, alors que l’on participe à la métropolisation progressive de notre région, Nantes, Rennes et Brest s’étendant sans arrêt au détriment de la Bretagne périphérique, au détriment des moyennes villes ?

Car quel est le programme à la fin ? Que voulons-nous ? Voulons-nous une Bretagne réunifiée, de Brest à Clisson, mais qui connaissent les mêmes maux, bien réels, qui gangrènent d’autres territoires métropolitains, et qui font que les communautés se séparent, que les gens ne souhaitent plus vivre ensemble, que la fracture s’opère de plus en plus radicalement entre les citoyens ? Est-ce vraiment cela le souhait de nos acteurs pour demain, en Bretagne, terre qui jusqu’ici était une terre où il faisait plutôt bon vivre, car justement relativement épargnée des maux qui rongent nos voisins ?

Les impôts bretons doivent-ils, en plus de financer la métropolisation extrême de Rennes et de Brest, y ajouter celle de Nantes, avec là encore, tous les maux qui vont avec (Bétonnisation, pollution, hyperconsommation, augmentation massive de la population, trafics en tout genre, embourgeoisement des centres urbains, ghettoïsation des quartiers et des périphéries, villes de moins en moins sûres…) ?

La défense des langues de Bretagne, elle aussi, est primordiale, parce que ces langues constituent l’essence et l’âme d’un peuple. Elles permettent justement de nous distinguer des autres. De nous en séparer aussi (si l’on prétend à l’universel, alors parlons anglais, et basta). De faire communauté. Mais pense-t-on réellement que l’arrivée toujours plus importante de masses immigrées, avec leurs bagages culturels, leurs langues, leurs identités, sur notre terre, bénéficiera aux communautés linguistiques autochtones de Bretagne ?

Vous pourrez généraliser l’enseignement bilingue à toute la Bretagne, si vous vous retrouvez au final à enseigner le Gallo au Blosne, le Breton à Pontanézen dans des classes où les autochtones sont minoritaires, alors vous vous bercez d’illusions. Vous vous mentez à vous même, parce que vous faites passer l’enseignement d’une langue au-dessus de l’appartenance culturelle, identitaire, ethnique, constitutive d’un peuple.

Vous ne construirez pas une Bretagne bretonne avec un nombre de plus en plus important de fidèles d’Erdogan, de fils d’opposants à Bachar el Assad, mélangés aux enfants adoptés d’Haïti et aux fils de l’Afrique noire que les élus de Bretagne s’empressent de faire venir chez nous à grand renfort de subventions, c’est-à-dire avec votre argent. Vous construirez autre chose. Mais qu’il serait mensonger de vouloir continuer à appeler cet ensemble « inclusif » comme ils disent, Bretagne.

Ce mythe de la « Bretagne terre d’accueil, refuge des exilés du monde entier » chantée par des bardes bretons dans les années 70 à une époque où le monde n’avait rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui (comparez la démographie mondiale actuelle et celle de 1970) est révolu. Et encore ne s’agissait-il que d’un mythe, car quels Bretons, hormis quelques explorateurs, quelques marins, quelques familles ont vraiment voyagé à travers le monde dans l’Histoire ? Et quels peuples ont été accueillis en quantité sur nos terres ?

Libre à ceux qui veulent y croire d’y œuvrer individuellement — et c’est sans doute très noble d’accueillir chez soi temporairement un vrai réfugié fuyant la guerre — mais vouloir imposer à toute une population une utopie qui, généralisée dans les faits, se traduit partout par une descente aux enfers de plus en plus prononcée, relève de l’acte quasi criminel. Faut-il vraiment attendre que la Bretagne — et c’est déjà le cas dans certaines zones — rencontre quotidiennement les mêmes problèmes qu’à Paris, Lyon ou Marseille, pour éventuellement se poser la question du lendemain ? Sont-ce ceux qui alertent depuis des années les responsables de la situation, ou bien ceux qui y ont contribué ?

En conclusion, oui bien sûr, il faut réunifier la Bretagne. Mais en finir dans le même temps avec le règne des trois métropoles qui dicteraient, avec leurs émissaires dans les collectivités, la pluie et le beau temps dans la région. Il faut la réunifier, mais si vous confiez les clés de la réunification à ceux-là même qui œuvrent (ou qui acceptent sans rechigner, ou par peur d’affirmer les choses telles qu’elles sont) à la disparition lente et progressive de ce peuple, alors vous foncez dans le mur. À toute vitesse. Et d’autant plus vite si dans le même temps, vous n’avez de cesse de rapprocher — ce que font nos élus actuellement — Paris de la Bretagne.

Oui il faut généraliser, partout, l’enseignement du Breton et du Gallo, pour que ces langues fassent partie intégrante non pas d’un « folklore » ou d’un « plan de sauvegarde des vieilles langues autochtones », mais bien de la Renaissance d’un peuple qui, par une façon de penser, de s’exprimer, de voir et de décrire le monde, d’agir, de construire le futur, se distingue précisément de tous les autres qui l’entourent.

Enfin, bien entendu, il faut créer un statut de résident en Bretagne, et pouvoir définir ainsi, en changeant la Constitution française, qui est Breton, qui ne l’est pas. Qui est prioritaire sur les achats immobiliers en Bretagne, qui ne l’est pas, je me suis déjà exprimé dessus à ce sujet. Mais encore une fois, ce ne sont pas à ceux qui ont amené la Bretagne au bord du précipice (nous ne sommes sans doute pas encore tombés aussi bas que d’autres régions françaises), à ceux qui ont échoué, de décider de la destinée d’un peuple dont l’avenir doit se conjuguer, aussi, avec la Civilisation Européenne qui l’a enfanté.

La Bretagne deviendra demain ce que ses fils et ses filles décideront d’en faire. Encore faut-ils qu’ils reprennent les choses en main, en s’éloignant des mirages portés par ceux-là mêmes qui au quotidien, sont en train de la pousser dans un précipice dont nous pourrions ne plus jamais sortir.

Evit ar vro. Betek an trec’h !

Julien Dir

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Une réponse à “Réunification de la Bretagne, défense du Breton et du Gallo, statut de résident : pour quoi faire ? [L’Agora]”

  1. patphil dit :

    quoi ? un référendum, demander son avis au peuple, mais c’est de l’antiparlementarisme

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