La justice nord-irlandaise est revenue cette semaine sur le « massacre de Ballymurphy » en 1971, reconnaissant que les 10 victimes étaient toutes des civils innocents.
Le gouvernement nord-irlandais a admis hier soir que les personnes qui ont péri dans le massacre de Ballymurphy « étaient totalement innocentes ». Il a été établi que l’armée avait fait un usage injustifié de la force et qu’elle était responsable de neuf des dix décès survenus en août 1971. Aucune des personnes tuées n’était membre d’un groupe paramilitaire, ne possédait une arme ou ne représentait une menace.
Des proches en liesse ont salué le « verdict historique », tandis que la ministre de la Justice, Naomi Long, a lancé des appels pour que le gouvernement présente des excuses.
« Nous avons vu à quel point les excuses présentées à l’occasion du Bloody Sunday ont été importantes pour les familles de cette région, et j’encourage le gouvernement à reconnaître le courage des familles de Ballymurphy par une déclaration similaire« , a déclaré Mme Long. Hier soir, le secrétaire d’État à la NI, Brandon Lewis, a déclaré : « Il est clair que ceux qui sont morts étaient totalement innocents de tout acte répréhensible ».
Le massacre de Ballymurphy désigne la mort de onze civils causée par le régiment de parachutistes de l’Armée britannique à Belfast, en Irlande du Nord, entre le 9 et le , au cours de l’Opération Demetrius. Ce massacre est aussi appelé Belfast Bloody Sunday, en référence à un autre massacre de civils par le même bataillon, quelques mois plus tard
Dans la matinée du , les forces de l’ordre lancent l’Opération Demetrius. Le plan était d’arrêter et interner toute personne soupçonnée d’être membre de l’Armée républicaine irlandaise provisoire. Le régiment de parachutistes chargé de l’opération est le même que celui responsable ultérieurement du Bloody Sunday dans Derry, le .
En réaction à l’arrivée des troupes britanniques, des scènes de panique ont lieu dans les quartiers catholiques et des barricades sont érigées. La population se prépare pour une émeute et certains jeunes confectionnent des cocktails Molotov, mais l’utilisation d’armes à feu n’est pas prévue. Le quartier protestant voisin n’est séparé alors que par une barrière de moins de 2 mètres de haut : des heurts ont lieu entre les deux communautés, avec des jets de pierre et quelques tirs au fusil de chasse, faisant au moins un blessé. L’armée s’interpose pour faire cesser les heurts. Les catholiques proches de la rue Singmartin quittent alors leur maison. Les tirs mortels commencent peu avant la tombée du jour. Selon la déclaration des soldats du régiment parachutiste, ils ont répliqué à des tirs de militants républicains alors qu’ils entraient dans la zone de Ballymurphy. Cependant, aucune arme n’est retrouvée sur les cadavres.
Six civils ont été tués le :
- Francis Quinn, âgé de 19 ans est abattu par un tireur d’élite en allant porter secours à un homme blessé
- Fr. Hugh Mullan, âgé de 38 ans, prêtre catholique, abattu par un tireur d’élite en allant porter secours à un homme blessé.
- Joan Connolly, âgée de 50 ans, abattue alors qu’elle tournait le dos à la base militaire.
- Daniel Teggart, âgé de 44 ans, porteur de 14 impacts de balles. La plupart des balles ont probablement été tirées alors qu’il était allongé au sol car elles sont rentrantes dans le dos.
- Noel Phillips (20), abattu alors qu’il tournait le dos à la base militaire.
- Joseph Murphy (41), blessé alors qu’il tournait le dos à la base militaire. Il est ensuite emprisonné par l’armée, et déclare peu avant de mourir de ses blessures avoir été battu et s’être fait tirer dessus en prison. Une deuxième balle découverte à l’exhumation de son corps en semble confirmer ses dires.
Un civil a été tué le , et quatre autres le :
- Edward Doherty, âgé de 28 ans, abattu alors qu’il marchait le long de Whiterock Road.
- Jean Laverty, âgé de 20 ans reçoit une balle dans le dos et une autre dans la jambe.
- Joseph Corr, âgé de 43 ans, reçoit plusieurs balles et meurt de ses blessures le .
- Jean McKerr, âgé de 49 ans, est blessé par balles alors qu’il se tenait devant une église. Il meurt de ses blessures le .
- Paddy McCarthy, âgé de 44 ans, meurt d’une crise cardiaque pendant l’interpellation. Selon sa famille, les militaires lui auraient mis le canon d’une arme dans la bouche et appuyé sur la détente, l’arme ayant été préalablement déchargée.
Sur le conflit nord irlandais, lire également notre interview de Billy Hutchinson, soldat et militant unioniste/loyaliste ayant participé à la construction de l’accord du Vendredi Saint.
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