Faut-il se réjouir de la victoire des nationalistes en Écosse ? Une fois passée l’euphorie d’un week-end triomphant notamment chez ceux qui espèrent que la Bretagne, un jour, connaitra le même destin que l’Écosse, ou que la Catalogne, ou que le Pays de Galles, arrêtons-nous un instant sur les conséquences à venir de ce vote.
Un décalage entre l’ADN des partis indépendantistes et celui de leurs électeurs
De prime abord, voir un parti nationaliste/indépendantiste l’emporter lors d’élections en Europe ne peut que réjouir ceux qui, comme moi, estiment que l’Europe politique ne pourra se construire que dans le respect de l’expression des peuples qui la composent, et donc des nations qui composent l’Europe, c’est-à-dire des patries charnelles. L’Europe politique ne peut passer que par la fin du centralisme et du jacobinisme d’inspiration française, sinon elle ne se fera jamais, et l’Europe des régions semble comme une évidence.
Il y a toutefois un bémol à tout cela, qui ne doit pas conduire à une forme de naïveté, qui peut s’avérer dangereuse : le SNP écossais, tout comme le Plaid Cymru au Pays de Galles, tout comme le Sinn Féin en Irlande, c’est à dire, les trois principaux partis nationalistes dans ces trois pays, ont tous épousé une rhétorique de gauche progressiste, pas fermée vis-à-vis de l’extrême gauche. Ils cochent toutes les cases des lubies sociétales actuelles qui gangrènent l’Europe (accueil des migrants, propagande LGBT, désacralisation de la famille traditionnelle, promotion d’une société dite « inclusive », nous l’avions déjà démontré dans un article consacré au Plaid Cymru).
Mais faute d’avoir une autre offre politique nationaliste digne de ce nom (finalement, le terrain est occupé par ceux qui veulent bien le prendre), les électeurs votent pour ce qui leur apparait comme étant l’opportunité d’obtenir l’indépendance de leur pays. Un peu comme un électeur du Rassemblement national votera RN, car il est persuadé que la finalité de ce parti, c’est de mettre radicalement fin à l’immigration ou de « faire le ménage » dans le pays, ce qui laisse apparaitre une méconnaissance du fond de ces partis respectifs.
Il y a donc un profond décalage entre le vote des électeurs et l’ADN de ces partis nationalistes, en Irlande, au Pays de Galles, en Écosse. Un décalage qui se constate d’ailleurs si l’on regarde en détail les cartes des votes nationalistes en Écosse et au Pays de Galles.
Chez nos frères gallois, le vote Plaid Cymru est majoritaire à l’Ouest et au Nord Ouest du Pays de Galles, c’est-à-dire dans les régions les plus rurales, les plus gallophones, celles qui possèdent le moins d’immigrés, et sans doute le moins de populations visées par les lubies sociétales du Plaid Cymru. Les populations à qui parle le Plaid Cymru – hormis sur la question de l’indépendance – sont des populations qui se retrouvent majoritairement dans les grands centres urbains (ici Cardiff, Swansea) et qui votent ou bien travaillistes, ou bien conservateurs.
Le nationalisme gallois semble donc porté principalement par des personnes qui, sociétalement, ne se différencient nullement des conservateurs unionistes ou des travaillistes, mais qui, bénéficiant de l’étiquette nationaliste, marquent des points et touche une population qui se fait « flouer » d’une certaine façon sur le fondement de son vote.
En Écosse, si vous regardez là encore la carte, on observe une alliance entre les territoires ruraux, qui sont largement favorables au SNP, et les grands centres urbains qui fabriquent et distillent le nationaliste « inclusif » version Nicola Sturgeon. Seul le sud de l’Écosse, c’est-à-dire la bordure frontalière avec l’Angleterre, vote unioniste, ainsi que quelques circonscriptions à Glasgow, Aberdeen ou Édimbourg).
Il ne s’agit pas ici d’un vote surprise, puisque le SNP progresse sans arrêt depuis des années.
Il n’en demeure pas moins qu’il y a là encore à l’évidence un décalage entre l’ADN du SNP, nationaliste, mais immigrationniste, inclusif, et la réalité des terres du nord et du nord-ouest de l’Écosse, qui votent nationalistes et dans lesquelles la vie est traditionnelle, et où ni Netflix, ni les lobbys du moment n’ont de prise. L’électorat bobo progressiste du SNP à Glasgow et à Édimbourg est à des années-lumière de l’électorat à Loubcroy ou à Fort William qui n’a sans doute jamais vu ni un immigré, ni un « LGBTQ+ » de sa vie.
N’oubliez jamais qu’en Bretagne, le vote RN a commencé à monter, non pas parce que les Bretons sont devenus subitement des amoureux de la famille Le Pen, mais parce que le taux d’immigration, et ses conséquences ont augmenté. Tant que la Bretagne est belle, pourquoi donc voter pour y « remettre de l’ordre » ? Malheureusement trop souvent, on attend que les maux soient déjà bien installés pour commencer à vouloir chercher des solutions pour les traiter.
L’éleveur des moutons dans les montagnes écossaises qui vote SNP, vote parce qu’il est nationaliste écossais, pas parce que Nicola Sturgeon voudrait un jour créer des pissotières pour transsexuels dans les toilettes publiques de Glasgow.
Il faut se réjouir de la victoire des nationalistes
« Le régionalisme, c’est le gauchisme » diront certains observateurs français, indécrottables jacobins. D’une part, il ne s’agit pas de régionalisme, mais de nationalisme, puisqu’il est bien question de nations, de peuples qui font le choix de s’émanciper d’une tutelle historique.
D’autre part, si l’on prend l’exemple de l’Écosse ou du Pays de Galles, certes, les deux partis indépendantistes cités plus haut veulent imposer des lubies sociétales, qui ne doivent se débattre que dans de petits cénacles d’initiés, avant malheureusement d’être imposées à tout un peuple. Mais que ce soit les travaillistes ou les conservateurs, il n’y a qu’à observer l’état de déliquescence, d’effondrement, de l’Angleterre aujourd’hui, transformée ethniquement, religieusement, terre désormais de censures, d’interdits et même de persécutions pour les dissidents politiques… pour se rendre compte que, eux aussi, ont fabriqué une société à devenir monstrueux.
Ce ne sont donc ni le nationalisme charnel, ni l’unionisme, et cela que ce soit en France, au Royaume-Uni, ou encore en Espagne, qui auraient dans leur ADN la prédestination au suicide. Car toute indépendante que soit l’écosse demain, ou tout attaché à l’Angleterre que reste le Pays de Galles, ces nations sont en train de se suicider, et leurs peuples d’accepter leur suicide, comme les nôtres en France, et partout en Europe de l’Ouest, du fait, à la fois d’une immigration de remplacement progressif, et des projets de « société inclusive » destinés à effacer les hommes, les femmes, les identités, les langues, les cultures, les religions, les modes de vie…
Finalement encore une fois, le SNP écossais, comme le Plaid Cymru, ne sont que des partis « dans l’air du temps ». Et ils ne font qu’occuper la chaise vide laissée, faute de courage politique notamment, par les autres. Il n’y a qu’à voir comment, au Pays basque, le PNV, de droite, dirige la région depuis de nombreuses années, pour s’apercevoir qu’il n’y a pas un modèle unique de nationalisme. Mais des modèles qu’il convient, pour ceux qui espèrent encore sur le plan politique, de forger.
En Bretagne, pour revenir à ce qui nous concerne, si une certaine gauche donne la sensation de dominer le mouvement nationaliste breton (y compris par la terreur politique, c’est à dire par le fait d’accabler ceux qui, éventuellement, n’épouseraient pas leurs idées « progressistes » ou de faire la chasse aux opposants politiques en manifestation), elle ne le fait que parce qu’il n’existe pas de mouvement politique qui s’en distingue réellement, qui lui fasse face sans regarder en tremblant dans ses chaussettes.
Le Parti Breton est l’exemple même du petit parti politique terrifié à l’idée de subir les remontrances d’une certaine gauche ou extrême gauche sur certains sujets clivants. En continuant ainsi, à ne pas vouloir se démarquer, il ne parviendra jamais – malgré des idées intéressantes sur d’autres thématiques moins centrales – à dépasser un plafond de verre que ne peuvent pas dépasser ceux qui ne font que de la copie conforme et conformiste.
Faut-il se réjouir de la victoire des nationalistes en Écosse ? Oui, certainement, car il faut toujours se réjouir de la victoire de partis qui, y compris s’ils paraissent à des années-lumière dans leur programme, possèdent un ADN profondément identitaire et enraciné.
Quoi qu’en dise Nicola Sturgeon, l’électeur nationaliste écossais vote d’abord parce qu’il est le fils de William Wallace, pas parce qu’il est fier d’être le concitoyen de Humza Yusaf, ministre de la Justice voulant traquer les dissidents jusqu’à leur domicile. Quoiqu’en disent quelques idéologues (qui pour le moment tiennent encore les manettes) le vote indépendantiste/nationaliste est le vote pour faire triompher le localisme et l’enracinement sur le globalisme et le nihilisme.
Et en Bretagne, que faire désormais ? Il y a sans doute urgence à créer ou à encourager le lancement d’une structure politique, futuriste, qui assume de vouloir quitter la République française sous tous ses aspects, tout en oeuvrant activement, aux côtés des Français, des Européens, à permettre que demain, les générations qui suivent restent maîtresses sur notre sol et ne disparaissent pas, submergées par des civilisations démographiquement plus nombreuses, ou effacées par les partisans acharnés de la négation de l’être humain.
Yann Vallerie
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2 réponses à “Faut-il se réjouir de la victoire des nationalistes en Ecosse ? [L’Agora]”
Bravo pour cette analyse étayée et nuancée.
Au siècle précédent, le SNP a siphonné les électeurs conservateurs en Ecosse. Au 21e siècle, il a siphonné les travaillistes. Par-dessus le marché, il réussit une conjonction d’électeurs qui n’aiment pas la société actuelle : ceux qui trouvent que c’était mieux avant et ceux qui croient que ça serait mieux après. Le fait que tout ce monde-là parvienne — pour le moment — à coexister montre au moins une chose : le sentiment national est extrêmement puissant.
A-du a grenn ! Hogen daoust ha n’eo ket re ziwezhat ?