Il faut se méfier de ce que raconte Jean-Michel Blanquer. En paroles, il est favorable à la langue bretonne. En actes, il lui est hostile. Autre constatation : les députés marcheurs bretons sont capables de « désobéir »… D’où l’opération sournoise diligentée par le ministre de l’Éducation nationale. Comme le dit si bien Paul Molac : « Oui, il y a un problème avec Jean-Michel Blanquer » (Le Télégramme, Bretagne, mercredi 31 mars 2021).
Il l’avait dit : « Vive les langues régionales, vive le breton ! » Mais aussi : « J’encourage aussi bien à l’école publique que privée, les initiatives pour la promotion du breton ». Et surtout : « Nous avons un partenariat très constructif avec Diwan pour son développement ». C’était Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, qui s’exprimait ainsi dans un entretien accordé au Télégramme (lundi 11 janvier 2021). Mais cette bonne volonté a été de courte durée ; on l’a constaté lors de l’examen en seconde lecture par l’Assemblée nationale de la proposition de loi présentée par Paul Molac (Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion). « Jean-Michel Blanquer est très opposé à cette loi », constate Yves Daniel (LREM), député de Châteaubriant. « Il a lancé un appel entendu par soixante députés pour qu’ils saisissent le Conseil constitutionnel », poursuit-il (Le Télégramme, Bretagne, mardi 27 avril 2021).
Grâce au Canard enchaîné, nous connaissons les dessous de l’histoire. « Le 8 avril, la proposition de loi du député breton Paul Molac, du groupe Libertés et Territoires, est adoptée à une large majorité en deuxième lecture à l’Assemblée : 247 pour, 76 contre. Du côté de la République en marche, 100 députés s’y montrent favorables et 57 défavorables. Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, accuse le coup, lui qui avait bataillé contre une disposition majeure du texte : celle autorisant les professeurs des établissements publics à enseigner, pendant « une grande partie du temps scolaire », dans une autre langue que le français (…) Un autre point de cette loi dite « Molac » heurte une partie des élus de la majorité parlementaire. Il s’agit de l’obligation faite aux maires de payer un forfait scolaire pour les enfants suivant un enseignement dans une école privée bilingue à l’extérieur de leur commune, quand cette dernière ne propose pas de cours en langue régionale. Qu’à cela ne tienne ! Battu à l’Assemblée, le ministre de l’Éducation fomente sa revanche, épaulé par la vice-présidente des députés macronistes : Aurore Bergé. Ni une ni deux, elle s’évertue à rameuter 60 députés de la majorité – seuil pour déposer une saisine devant le Conseil constitutionnel. Tandis que la conseillère parlementaire de Blanquer, Constance Jacquin, rédige, discrètement, une première version du recours. Dès l’annonce de la saisine rendue publique, le 22 avril au soir, la boucle Télégram des députés macronistes s’échauffe. « La guerre est déclarée visiblement. Dont acte. », lance le député breton Yannick Kerlogot. »
Effectivement, très investi dans ce texte de loi, Yannick Kerlogot (LREM), député de Guingamp, a voté contre la consigne de son groupe parlementaire sans état d’âme : « C’était le texte du mandat pour moi. Les langues régionales, c’est mon ADN. On ne met pas en cause la primauté de la République en défendant les langues régionales, bien au contraire. Celle-ci est renforcée lorsqu’elle assume ses différences » (Ouest-France, Bretagne, 10 – 11 avril 2021).
Rappelons que sur les 26 députés marcheurs de Bretagne, 22 ont « désobéi » en votant contre l’avis du gouvernement, quatre n’ont pas pris part au vote (Mustapha Laabid, Valérie Oppelt, Sophie Errante et Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale). Quatre députés MoDem (sur cinq) ont également « désobéi ». Ce qui fait dire à Florian Bachelier (LREM) député de Rennes – Saint-Jacques-de-la –Lande et premier questeur de l’Assemblée nationale : « La Bretagne rassemblée peut tout, surtout quand elle se défait de la tutelle des partis. C’est valable à Paris, en Bretagne, comme à Rennes » (Ouest-France, Bretagne, 10 -11 avril 2021). Du temps de René Pleven, on disait la même chose au CELIB.
Devenu une star en Bretagne, reconnu par tous les élus de droite et de gauche, Paul Molac a réussi l’œuvre de sa vie. Mais les jacobins ne sont pas de cet avis. Le député de Ploërmel évoque ainsi le « problème » de la France insoumise : « Ce sont des étatistes. Ils préfèrent la langue de l’État, qui est aussi celle des bourgeois, à la langue du peuple. Parce que pour eux, l’État est au-dessus de tout. Ils ont des discours sur l’égalité qui me font rigoler : l’égalité sociale oui, mais l’égalité territoriale, ils s’en foutent ! » (magazine Bretons, mai 2021). Qu’en pensent Pierre-Yves Cadalen et Marie-Madeleine Doré-Lucas, qui conduiront la liste LFI aux élections régionales de juin ? S’ils organisent des réunions publiques, la question leur sera posée… Ils pourraient même être chahutés !
Bernard Morvan
Crédit photo : Jérémie Barande/Wikimedia (cc)
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