Quand on a eu quelques ennuis judiciaires, comme c’est le cas de Mustapha Laabid, on ne cherche pas à se faire de la publicité ; on joue la discrétion, on se contente de toucher son indemnité parlementaire (7 300 euros/brut mensuel) et on ne raconte pas des bobards ; pourtant c’est ce qu’il a fait avec le vote des langues régionales.
Mustapha Laabid (LREM), député de la circonscription de Rennes – Bruz, s’était rendu célèbre dans une affaire d’abus de confiance où il avait été condamné à huit mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité. Il avait encore fait parler de lui en votant en première lecture contre le projet de loi visant le « séparatisme » islamiste, car il avait estimé ce texte « inutile et dangereux » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, jeudi 18 février 2021). Il s’est fait remarquer une nouvelle fois au Palais-Bourbon avec le vote concernant la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (jeudi 4 avril 2021). En effet, le lendemain du vote du texte en seconde lecture, Mustapha Laabid expliquait avoir voté en faveur du texte « à distance », retenu chez lui, à Rennes, pour des raisons personnelles. Mais l’Assemblée nationale n’en a aucune trace (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, mercredi 14 avril 2021).
« Je n’ai pas voté physiquement la loi, mais je l’ai votée avec mon cœur. »
Un journaliste de Ouest-France, Yann-Armel Huet, s’est donné la peine de vérifier auprès de l’Assemblée nationale ce qu’il en était exactement. Réponse : « Il n’a pas voté. Ni lors du vote en première instance, ni lors du vote en seconde instance. Il pouvait donner procuration à un autre député, mais en l’occurrence son nom n’apparaît nulle part dans le scrutin. » Toujours aussi gonflé, l’intéressé répond : « Je n’ai pas voté physiquement la loi, mais je l’ai votée avec mon cœur. C’est une très belle victoire pour la Bretagne. Et j’appuie ce texte à 200%. Qu’est-ce que ça change si j’ai appuyé sur le bouton, ou pas ? » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, mercredi 14 avril 2021).
Effectivement, en lisant et relisant l’analyse du scrutin, Mustapha Laabid n’apparaît nulle part. Bien sûr, il a le droit de rétorquer que d’autres députés de Bretagne n’ont pas participé au vote ; eux aussi se sont défilés : Valérie Oppelt (LREM, Nantes – centre , Luc Geismar (MoDem, Nantes – Carquefou), et Sophie Errante (LREM, Vertou). Pourtant, M. Laabid a commis une erreur en ne s’intéressant pas aux débats qui ont accompagné l’examen de ce texte. En bon Marocain, c’était pour lui une occasion inespérée de plaider la cause de l’arabe et de la langue berbère. Pourquoi ne les enseigne-t-on pas dans les quartiers baptisés « prioritaires » ? Ce faisant, il se serait rendu populaire auprès de la communauté marocaine qui représente « plus de 50 000 » ressortissants dans les douze départements qui dépendent du consulat de Rennes (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, vendredi 3 août 2018). Puisque sa carrière politique en France est cuite, il pouvait ainsi préparer sa reconversion au Maroc. Ce qui lui procurerait une belle carte de visite : Mustapha Laabid, député à la Chambre des représentants, ancien député à l’Assemblée nationale. « Républicain » en France, « royaliste » au Maroc. Difficile de faire mieux en matière d’acrobatie.
En examinant les résultats du vote portant sur la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales, on constate qu’aucun député de Bretagne n’a osé voter contre, personne ne s’est abstenu, seuls trois personnages de Loire-Atlantique n’ont pas pris part au vote – comme Laabid. C’est la réussite d’un long travail engagé par Paul Molac (Ploërmel, groupe libertés et territoires) avec patience et détermination.
Sur les 76 députés qui ont voté contre, on trouve bien sûr des jacobins glorieux comme Jean-Luc Mélenchon et ses copains de la France insoumise ; il faudra rappeler ce point à Pierre-Yves Cadalen qui dirige la liste LFI aux prochaines élections régionales en Bretagne. Mais il ne faut pas oublier la catégorie des jacobins honteux, comme Marine Le Pen qui a préféré ne pas participer au vote avec ses « camarades » du Rassemblement national. Là encore, il faudra interroger Gilles Pennelle qui conduira la liste du RN aux élections régionales sur la position de son parti sur la question de l’avenir de la langue bretonne.
Bernard Morvan
Crédit photo : Circo3501/Wikimedia (cc)
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