En 2014, François Hollande avait songé à fusionner la Bretagne (4) avec les Pays de la Loire. S’il avait réussi, la question de la capitale régionale se serait posée immédiatement. Nantes l’aurait emporté mais, pour ne fâcher personne, on aurait maintenu à Rennes les services régionaux existant alors ; on les aurait baptisés « antennes ». Autant dire que le grand objectif qui était de réaliser des économies aurait été un échec.
Des « machines » sans queue ni tête
Samedi 23 janvier 2021. Le Premier ministre Jean Castex installe à Colmar la Collectivité européenne d’Alsace, nouvelle collectivité territoriale née de la fusion des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. À la grande satisfaction des élus alsaciens, M. Castex a profité de l’occasion pour critiquer sévèrement le découpage régional de 2015 initié par François Hollande, alors président de la République (Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions). Si, grâce à Jean-Yves Le Drian, la Bretagne (4) a pu échapper à un mariage forcé avec les Pays de la Loire – ce qui était prévu au départ – plusieurs nouvelles régions ressemblant à des « machines » sans queue ni tête ont vu le jour : Alsace – Champagne Ardenne – et Lorraine (Grand Est) ; Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes (Nouvelle Aquitaine) ; Auvergne et Rhône-Alpes ; Languedoc Roussillon et Midi-Pyrénées (Occitanie)…
Depuis 2015, aucun ministre, ni a fortiori le chef du gouvernement, n’avait critiqué ouvertement « ces immenses régions dont certaines ne répondent à aucune légitimité historique et surtout pas aux besoins croissants de nos concitoyens pour une action publique de proximité » (Le Figaro, lundi 25 janvier 2021).
Une réforme pour faire des économies
Il n’est pas inutile de revenir sur le pourquoi et le comment de ces fusions. Bien entendu, il s’agissait de répondre au dogme des réformes structurelles réclamées par la Commission européenne. Avec un objectif exposé par André Vallini, secrétaire d’État à la réforme territoriale : « La réforme territoriale va permettre des économies » (Le Parisien, 17 décembre 2014). Ce dernier estime en effet que « sur un budget global des collectivités territoriales de 250 milliards d’euros, il est raisonnable d’estimer que l’on peut gagner, grâce à des économies d’échelle, des suppressions de doublons et des mutualisations de moyens, entre 5 et 10% ». Car Vallini en est convaincu : « Pour une fois, sortons du « court –termisme » qui empêche trop souvent les réformes courageuses (…) Cet immobilisme, nous allons le vaincre, et François Hollande comme Manuel Valls sont bien décidés à avancer. » (Le Nouvel observateur, 19 juin 2014).
Pour vendre le grand dessein de François Hollande, qui voulait alors supprimer les départements et diviser par deux le nombre des régions, le secrétaire d’État avait utilisé un argument massue : cela permettra de réaliser « entre 12 et 25 milliards d’euros d’économies » ; il disait tenir l’estimation des « meilleurs spécialistes » (Le Figaro, 9 mai 2014), sans préciser lesquels. Certes « les économies, on les mesurera à terme, dans cinq à dix ans, et après avoir réformé toutes les strates territoriales » (Ouest-France, mercredi 2 juillet 2014). Ces affirmations laissent sceptiques ceux qui suivent la question de près. C’est le cas de Anne-Marie Escoffier, sénateur radical (ADSE) : « Nous avons tous lu dans la presse nationale et entendu de la bouche de différents ministres quel était le montant des économies à attendre de cette réforme territoriale : 25 milliards d’euros, puis 15 milliards d’euros, puis entre 12 et 25 milliards, enfin 10 milliards seulement, sur la base d’un effort global de réduction des dépenses des collectivités locales de 5% à 10% » (Sénat, séance du jeudi 3 juillet 2014).
Pas le moindre euro d’économie…
En réalité, comme il n’était question ni de diminuer le nombre des fonctionnaires travaillant pour les régions – « seules les équipes des présidents de région disparaîtront », explique l’économiste Nicolas Bouzou (Le Figaro, 1er– 2 août 2015) – ni de supprimer les différents organismes qui dépendent des conseils régionaux et qui doublonnent, la fusion des régions ne pouvait pas produire de miracles en termes d’économies. Pourtant André Vallini annonçait que les « économies les plus importantes découleront des fusions de structures : ainsi, sur les services généraux départementaux (5 milliards d’euros) et régionaux (2 milliards d’euros), la réduction du nombre de régions et la suppression des départements dans leur forme actuelle permettront, à terme, des économies d’échelle importantes » (Le Figaro, mercredi 6 août 2014). Mais ce n’était que vœu pieux comme on s’en rend compte aujourd’hui. « De fait la Cour des comptes avait souligné, dans un rapport de 2019, l’absence de gains d’efficience liée à la réforme des régions. « Hormis la région Nouvelle-Aquitaine, (…) les régions fusionnées ont affiché très tôt leur souhait de préserver leur équilibre territorial. Cette volonté s’est traduite par le maintien des sites situés dans les chefs-lieux des anciennes régions. » Le rapport de la Direction générale des collectivités territoriales, publié début février 2021, souligne, quant à lui, que « les dépenses totales de fonctionnement se trouvent en définitive au même niveau en 2019 qu’en 2015, que ce soit dans les régions fusionnées ou pour les autres régions ». En d’autres termes, la réforme n’a jamais permis de réaliser le moindre euro d’économie » (Le Figaro, vendredi 5 mars 2021). Les experts de l’agence de notation Standard &Poors l’avaient annoncé dès le départ. Faire passer le nombre de régions de 22 à 13 en 2016 « ne devait pas générer d’économies d’échelle » de nature « à modifier significativement leur trajectoire budgétaire dans les prochaines années » (Le Figaro Économie, mercredi 23 septembre 2015).
Bernard Morvan
Crédit photo : Florian David/Wikimedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Régions : Jean Castex croit à la « légitimité historique »”
Moi je regrette ma région Picardie, pour la proximté entre les bassins de vie et leurs habitants (Noyonnais, Ponthieu, Vimeu, Vermandois, Thiérache, Soissonnais, Valois, Laonnois.
J’ai quitté tous organismes s’étant reconvertis en « Zozos de France » chers à Bertrand (et à l’écologie et au contribuable)
Si, encore, on avait eu, comme nom attendu, Nord-Picardie
Grand Est c’est encore bien pire : comment y ont évolué les frais de déplacement des élus ?
Je crois que des énarques auto-proclamés intelligents, nous avaient annoncé là des économies