Une coordination d’associations de défense de l’environnement et des animaux a publié un manifeste à destination du gouvernement français visant à demander la « protection forte », c’est-à-dire dénuée de toute intervention humaine, des 10 % d’espaces naturels de l’Hexagone.
Biodiversité : l’intervention humaine en question dans les espaces naturels
C’est une proposition qui ne manque pas d’ambition émanant de la Coordination « Libre Évolution » lancée sous l’impulsion des associations Animal Cross, ASPAS, Forêts sauvages ainsi que de l’association Francis Hallé pour la forêt primaire : exclure toute intervention humaine sur 10 % du territoire français dans l’optique de protéger la biodiversité avec une pleine naturalité de ces lieux.
La demande, adressée aux pouvoirs publics sous la forme d’un manifeste et soutenue par la Fondation 30 Millions d’Amis, l’est aussi par plusieurs parlementaires, qui ont déposé en ce sens 5 amendements au projet de loi de lutte contre le dérèglement climatique.
Au mois de février dernier, l’association Francis Hallé pour la forêt primaire rappelait déjà sur son site que « l’avenir des forêts est aujourd’hui plus que jamais incertain », soulignant qu’en parallèle « les voix qui s’élèvent pour proposer de nouvelles méthodes de gestion plus respectueuses des cycles naturels sont de plus en plus nombreuses ».
À peine plus de 1 % du territoire bénéficiant d’une protection « forte »
Le manifeste des associations, notamment cosigné par l’écrivain Sylvain Tesson et la navigatrice Isabelle Autissier, rappelle que, sur les 8 millions d’espèces animales et végétales sur Terre, environ 1 million (selon un rapport de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) sont aujourd’hui menacées d’extinction. Une situation d’autant plus alarmante qu’elle « n’a jamais eu lieu auparavant dans l’histoire de l’humanité ».
Autre point alarmant, parmi les 5,9 millions d’espèces terrestres estimées, plus de 500 000 ne bénéficient plus de l’habitat naturel nécessaire à leur survie à long terme. En outre, le recul du monde sauvage face à la pression humaine favorise l’émergence de nouveaux pathogènes.
En France métropolitaine, moins de 1,54% du territoire terrestre bénéficie d’une protection dite « forte ». Toutefois, même cette portion la plus protégée du pays n’échappe pas à la présence humaine, qu’il s’agisse de la chasse, de cotation forestière ou du pastoralisme. Les auteurs du manifeste indiquent ainsi que « seuls 0,6% du territoire terrestre métropolitain français assurent la libre expression des processus naturels ».
Protection de la biodiversité : quelles mesures concrètes ?
Sur le plan politique cette fois, les actes suivent bien souvent difficilement les paroles et les déclarations d’intention. Le président de la République Emmanuel Macron annonçait par exemple en 2019 que la part des aires marines et terrestres protégées devrait être portée à 30%, « dont un tiers d’aires protégées en pleine naturalité » [NDLR : devenues depuis « en protection forte »] d’ici 2030. L’objectif a même entériné dans la stratégie Biodiversité de la France et de l’Union Européenne 2020-2030.
Cependant, la mise en application de cette volonté aurait dû se traduire par un durcissement de la réglementation concernant ces espaces. Aussi, les signataires du manifeste redoutent « les artifices de langage », rappelant que « la protection forte ne doit pas être un consensus mou qui ne nous ferait en rien gagner la bataille de la biodiversité. »
C’est donc dans l’optique de voir ces 10 % du territoire métropolitain réellement protégés que les associations exhortent les pouvoirs publics à renforcer concrètement la « protection forte ». « Arrêtons de vouloir maîtriser et exploiter la totalité des espaces et des écosystèmes ; laissons, en certains lieux, la nature prendre la direction qu’elle souhaite, préconisent-elles. Sans intervention humaine, quelle qu’elle soit, la forêt se reconstitue, la faune revient et retrouve sa densité naturelle sans qu’il soit besoin de la réguler. », martèle le manifeste.
Sera-t-il entendu par l’exécutif français ? L’élaboration de Biodiversité 2030, la Stratégie nationale pour la Biodiversité sur laquelle plongera le gouvernement tout au long de l’année 2021 nous le dira.
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