La synchronisation du sommeil au sein des couples français refléterait en partie la situation socioprofessionnelle de ces derniers. Les employés et les ouvriers ne seraient ainsi pas les plus gâtés pour ce qui est du temps passé à dormir avec leur conjoint.
Sommeil : des nuits à l’image des jours ?
Sommeil et condition sociale, voilà une corrélation plutôt insolite, qui a toutefois fait l’objet de plusieurs travaux. Par exemple, une étude réalisée en 2018 dans différents pays européens avait rapporté que les difficultés à dormir étaient proportionnelles à la précarité d’une situation professionnelle (risque de perdre son emploi, difficultés financières, manque de bien-être au travail…). Capucine Rauch, une chercheuse à l’Ined (Institut national d’études démographiques) a publié un article sur le sujet au début de ce mois d’avril. Son étude a ainsi consisté à analyser le sommeil des couples par le prisme de leurs conditions de vie.
Citée par Alternative économiques, elle indique que son ambition à travers ces travaux était de « montrer pourquoi le sommeil est le miroir de la journée ». Avec un rappel utile à la clé : « Jusqu’à récemment, on a eu tendance à délaisser l’étude du sommeil en sociologie parce que c’est vu comme quelque chose de passif, sur lequel les gens n’auraient pas de prise. Mais, en fait, cela peut être une activité très contrainte par les horaires de travail ».
Quant au sommeil au sein des couples, il a donc été impacté par les évolutions sociétales des dernières décennies, et tout particulièrement par l’arrivée des femmes sur le marché du travail et l’augmentation du nombre de foyers où les deux membres sont actifs.
Une désynchronisation ayant progressé
Dans sa publication, Capucine Rauch souligne que, si les conjoints synchronisent leur sommeil dans la majorité des couples, cette synchronie n’est pas identique dans toutes les classes sociales. Il s’avère que ce sont les couples d’employés et d’ouvriers qui ont le sommeil le plus désynchronisé.
Entre le milieu des années 1980 et la fin des années 2000, la désynchronisation du sommeil a augmenté dans presque toutes les classes sociales avec, en cause, l’allongement du temps d’écoute de la télévision. Mais cette hausse généralisée n’en a pas pour autant réduit les différences de synchronisation du sommeil face aux horaires de travail, lesquels demeurent le principal facteur explicatif de ces différences.
En moyenne, la synchronisation du sommeil au sein des couples français serait de 78 % selon l’étude. Soit, par exemple, huit heures de sommeil simultané pour les deux conjoints sur une nuit de 10 heures.
Sommeil des couples et situation socioprofessionnelle
Mais la synchronie du sommeil n’est pas identique dans toutes les classes sociales : 82 % du sommeil des couples de cadres homogames est synchronisé quand ce n’est le cas que de 73 % du sommeil des couples d’ouvriers homogames par exemple, parfois soumis aux horaires de travail décalés. De prime abord cette différence de 10 points peut sembler faible, mais au regard de la forte synchronisation du sommeil de la population française, elle n’est pas anodine.
Autre différence à relever parmi ces résultats, la durée du sommeil, variant elle aussi en fonction de la catégorie sociale. Les femmes ouvrières homogames dorment en moyenne 20 minutes de plus que les femmes cadres homogames, les ouvriers homogames une demi‑heure de plus que les hommes cadres homogames.
En revanche, le temps de sommeil commun aux conjoints ne diffère pas significativement entre ces deux catégories de couple. Le supplément de sommeil des ouvriers par rapport aux cadres résulte donc surtout dans un allongement de la durée de sommeil solitaire des conjoints : la désynchronisation des cadres homogames dure en moyenne 1 h 45, quand celle des employés homogames dure en moyenne 2 h 45 et celle des ouvriers homogames 3 h 00.
À noter enfin que les données ci-dessus tiennent également compte des journées non travaillées. La chercheuse à l’origine des travaux considère que les écarts en matière de synchronisation du sommeil en fonction des catégories socioprofessionnelles seraient encore accrus si l’on excluait les jours de repos.
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