Les déchets de poissons utilisés pour la consommation humaine pourraient connaître une nouvelle vie en remplaçant, après transformation, le plastique traditionnel, polluant et non-biodégradable. Un nouveau matériau qui ne dégagerait par ailleurs pas d’odeurs de poisson une fois finalisé…
Des déchets de poissons comme alternative au plastique ?
Des chercheurs canadiens de l’Université Memorial de Terre-Neuve travaillant sur une alternative au plastique polluant ont découvert un matériau biodégradable dérivé de déchets de poissons. Ces derniers pourraient alors être utilisés dans la réalisation de divers produits tels des emballages ou encore des vêtements.
Selon le groupe de scientifiques, qui doit présenter ses résultats le 8 avril prochain lors d’une conférence de presse en ligne de l’American Chemical Society (ACS), les têtes, les arêtes, la peau et les viscères de poissons initialement destinés à terminer parmi les ordures pourraient être transformés en une matière ayant la capacité de remplacer les polyuréthanes dérivés du pétrole brut. Ces plastiques sont omniprésents dans notre vie quotidienne puisqu’on les retrouve aussi bien dans les chaussures que dans les vêtements en passant par les réfrigérateurs et les matériaux de construction.
Aussi, en ayant recours à une solution alternative visant à recycler les déchets de poissons, il serait alors possible de disposer d’un matériau beaucoup plus écologique car facilement décomposable tout en permettant de limiter les déchets des usines de transformation de poissons.
De l’huile extraite de restes de saumon
Si des études antérieures avaient déjà mis au point des méthodes de production de plastiques à partir de déchets de poisson, les dernières recherches vont plus loin en déterminant comment le matériau pourrait être décomposé à nouveau à la fin de sa vie utile. Pour produire ce « plastique alternatif », les chercheurs ont utilisé l’huile extraite de morceaux de saumon laissés après que la chair ait été enlevée et transformée pour la consommation humaine.
Ils ont mis au point un moyen de convertir l’huile de poisson en un polymère de type polyuréthane, en ajoutant d’abord de l’oxygène à l’huile de manière contrôlée pour former des époxydes, des molécules similaires à celles de la résine époxy. Ensuite, du dioxyde de carbone a été ajouté aux époxydes et les molécules résultantes se sont combinées avec des amines, composés chimiques contenant de l’azote, pour former le nouveau matériau.
Pour Francesca Kerton, professeur de chimie à la tête de l’équipe de chercheurs, « il est important que nous commencions à concevoir des plastiques avec un plan de fin de vie, qu’il s’agisse de la dégradation chimique qui transforme le matériau en dioxyde de carbone et en eau, ou du recyclage et de la réutilisation ».
Un matériau à base de poissons… qui ne sent pas le poisson
Quant aux potentielles conséquences olfactives de cette transformation, la scientifique précise : « Lorsque nous commençons le processus avec l’huile de poisson, il y a une légère odeur de poisson, mais au fur et à mesure des étapes, cette odeur disparaît. »
Depuis l’été dernier, le groupe de chercheurs canadiens a modifié ce processus pour simplifier et accélérer la décomposition du plastique dérivé de l’huile de poisson. Aussi, des expériences ont démontré que le nouveau matériau pourrait se biodégrader facilement en cas de besoin.
Au cours de l’une d’elles, des morceaux de plastique ont été trempés dans l’eau, certains avec de la lipase, une enzyme qui décompose les graisses de l’huile de poisson. Au microscope, les chercheurs ont alors constaté une croissance microbienne sur les échantillons, y compris ceux qui avaient été placés dans de l’eau ordinaire. De quoi en conclure que ces résultats constituaient un signe encourageant concernant la capacité de biodégradation de ce nouveau matériau.
Des déchets de poissons dans nos futurs vêtements ?
Les scientifiques canadiens ont aussi précisé qu’ils avaient l’intention d’étudier comment ce matériau pourrait être utilisé dans des applications réelles, comme les emballages ou les fibres pour les vêtements. Selon Mikhailey Wheeler, une autre chercheuse de l’Université Memorial de Terre-Neuve ayant travaillé sur le projet, ce plastique de substitution pourrait ainsi constituer une petite révolution en permettant de « changer la façon dont les plastiques sont fabriqués, à partir des déchets que les gens jettent tout simplement ».
Les polyuréthanes sont traditionnellement fabriqués à l’aide de pétrole brut et de phosgène, un gaz toxique, et le processus génère des isocyanates, qui sont de puissants irritants pour les yeux et les voies gastro-intestinales et respiratoires, avec parfois pour conséquences de graves crises d’asthme.
En outre, le produit final ne se décompose pas facilement dans l’environnement et la biodégradation limitée qui se produit peut libérer des composés cancérigènes. Des recherches antérieures ont permis de produire des polyuréthanes à partir d’huiles végétales pour remplacer le pétrole, mais les chercheurs ont indiqué que ces produits n’étaient pas sans inconvénients, car les cultures, souvent du soja, nécessitent des terres et des ressources.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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