Les violences se poursuivent en Irlande du Nord depuis plusieurs jours maintenant.
Bastion loyaliste après bastion loyaliste, à chaque fois, on retrouve des dizaines de jeunes et de moins jeunes qui attaquent, dans leurs quartiers, les forces de police de la PSNI. Si l’affaire des funérailles d’une ancien militant de l’IRA (présence de membres du Sinn Féin en période de confinement, sans poursuites engagées, ce qui est vécu comme un deux poids deux mesures par les unionistes)) a servi de prétexte au déclemenchent des hostilité, en fond, c’est le protocole, les conséquences du Brexit, mais à terme, la peur de disparaitre, qui pousse une partie des jeunes loyalistes d’Irlande du Nord à se révolter actuellement.
Nous avons recueilli sur places plusieurs témoignages de jeunes et moins jeunes loyalistes ou unionistes, pour recueillir leurs points de vue sur la situation. « Ces émeutes sont le cri de rage d’une jeunesse qui a peur pour son avenir et pour son identité » nous indique John, 27 ans, de Shankill, bastion loyaliste de Ouest Belfast (son prénom a été modifié parce que la situation est particulièrement tendue sur place, y compris entre factions rivales loyalistes). « Nous sommes enfermés depuis des mois. Beaucoup de gens perdent leur travail. On a l’impression d’être abandonnés y compris par ceux qui sont censés nous représenter. La colère montait depuis longtemps. Il faut qu’ils nous écoutent à Stormont (parlement nord irlandais) sinon ça va dégénérer ». A Shankill, pas encore d’incidents, et encore, tendu mais existant, un dialogue avec les forces de police (un à un, les bastions loyalistes d’Irlande du Nord annoncent refuser désormais de parler avec la police). ILa répression qui a suivi les célébrations de la victoire des Glasgow Rangers en championnat d’Ecosse, avec notamment des participants à ces célébrations de rue qui ont été exposés, publiquement, par les forces de l’ordre et les médias (une certaine presse britannique est spécialisée dans la délation, l’affichage de photos compromettantes…) n’a pas aidé au dialogue dans le quartier.
Notre contact nous indique qu’avant toute chose donc, il y a la peur de disparaitre. « Si ça continue comme ça, on va perdre notre identité. Mais nous, nous sommes fiers de notre culture et de notre histoire. Et nous la défendrons, comme les anciens l’ont fait avant nous. Quis Serabis, ça semble clair non ? ». Quis Separabis (Qui nous séparera ?) fait référence à l’ancienne devise du Gouvernement d’Irlande du Nord (jusqu’en 1972) puis de l’UDA, Ulster Defense Association, groupe paramilitaire loyaliste au rôle majeur durant les Troubles, la guerre civile irlandaise.
Même son de cloche et de colère avec ce témoignage recueilli, du côté de Sandy Row, au centre (sud) de Belfast, d’un ancien combattant loyaliste pour le coup (UVF), aujourd’hui la soixantaine bien tassée. « Il faut comprendre ces gamins. Qui peut leur reprocher ? Ici, il commence à ne plus y avoir beaucoup d’espoir en l’avenir. Je n’ai pas envie que mes petits enfants vivent les mêmes choses que nous avons vécu. Il faut tourner la page de la violence définitivement. Mais si les dirigeants n’écoutent pas la colère, quelle solution il leur reste ? Je ne peux pas condamner ce qu’il se passe. Beaucoup de jeunes ne font plus confiance à la police » nous dit-il, tout en s’affirmant aujourd’hui « favorable à un dialogue entre les communautés. Il faut que nous puissions tous vivre ensemble y compris en Ulster. Mais cela passe par le respect de la culture unioniste et de notre engagement vis à vis de la couronne britannique. Ce n’est pas négociable, c’est notre vie »
Les prochaines semaines vont être déterminantes pour la paix en Irlande du Nord. Les appels au calme qui se multiplient dans toute la classe politique ne suffisent pour l’instant pas à calmer les unionistes, qui attendent, pour beaucoup, des actes, des décisions concrètes. Difficile de contenter à la fois les Républicains, les nationalistes irlandais, mais aussi les unionistes. Il va pourtant falloir trouver des solutions, rapidement, pour que l’été qui arrive ne soit pas un été de violences dans une Irlande du Nord qui n’a pas besoin de cela, à peine plus de 20 ans après la fin de la guerre civile…
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