Ce mardi, après des semaines de demandes réitérées des élus des communes avoisinantes, la Préfecture a fini par donner le top de l’évacuation des zadistes du Carnet – une cinquantaine sur cette île artificialisée de la Loire qu’ils entendaient protéger contre l’implantation d’une zone industrielle consacrée aux énergies renouvelables. Cependant, évacués, les zadistes ont peut-être gagné – la zone industrielle du Carnet a du plomb dans l’aile, comme d’autres projets du Sud-Loire qui suscitaient une opposition organisée, du Surf Park à l’implantation d’Amazon.
Deux décisions judiciaires enjoignaient aux zadistes de quitter les lieux – une le 5 février à la demande du grand port maritime et une autre du 12 à la demande du conseil départemental. Mais le peu d’empressement à offrir le concours de la force publique – autrement dit les 400 gendarmes qui ont intimé l’ordre aux zadistes présents de quitter les lieux à partir de 6h45, sans interpeller personne, et après avoir contrôlé les identités de tout le monde – devrait mettre la puce à l’oreille des élus locaux.
Le Carnet : les travaux retardés d’un an (au moins)
Promise à l’heure des vaches grasses, la zone industrielle du Carnet risque d’avoir désormais un peu de retard. Le 4 novembre dernier le grand port de Nantes Saint Nazaire annonçait retarder d’un an les travaux sur les 100 hectares du site, pour compléter les études de la faune et de la flore, jugées peu sérieuses par les opposants – des zadistes, mais aussi des riverains, des élus… ainsi que le Conseil scientifique régional du Patrimoine Naturel de la région Pays de Loire qui a constaté que « la plupart des analyses s’appuient sur des données récoltées il y a plus de dix ans » avant de donner un avis défavorable au projet.
Présentée comme indispensable à l’industrie nazairienne et au parc éolien offshore il y a encore quelques mois, cette zone industrielle voit ses travaux retardés d’un an par un trait de plume. C’est dire de son utilité réelle.
« Et dans un an, si le projet redevient d’actualité, les zadistes n’auront qu’à recommencer », s’inquiète un riverain. « Les bords de Loire sont très étendus et très difficiles à surveiller, personne ne peut réellement les empêcher de s’installer quand et où ils le veulent. En revanche, on peut les virer plus vite ou nous laisser les virer, mais ça le pouvoir ne voudra jamais s’y résoudre, quitte à voir plantés systématiquement tous les projets. Ils vont préférer ne rien pouvoir faire que de laisser les citoyens assurer l’ordre eux-mêmes ».
Montbert : la base logistique d’Amazon a du plomb dans l’aile
Mais surtout, d’autres projets qui suscitaient des oppositions – notamment de militants de la gauche politique ou écologistes – semblent eux aussi à l’arrêt. Le plus connu de tous, Amazon à Montbert, est au point mort. A part un permis de construire déposé en avril 2020, il n’y a plus de son ni d’image, et la communauté de communes a demandé au géant du e-commerce de préciser ses intentions… probablement sans illusions. D’autant qu’Amazon n’a pas non plus déposé le dossier pour l’enquête publique.
Amazon ira là où on lui déroulera le tapis rouge… ce qui n’est pas le cas à Nantes, dont le bassin d’emploi peut aussi aisément compenser les emplois promis à Montbert – jusqu’à 1500 à terme, mais qui pourraient être bien amoindris par l’impact des nouvelles normes sanitaires post-Covid et le développement de l’automatisation dans la logistique. Il existe déjà aux Pays-Bas des entrepôts logistiques ou six opérateurs surveillent des machines qui remplacent 600 manutentionnaires et ne connaissent ni roulements, ni pauses café ou clope.
Il existe cependant un comité en faveur de l’implantation de la plateforme, qui revendique 1500 membres, « riverains de la plateforme », et dont la pétition en faveur du projet a recueilli 1200 signatures. Mais ce comité des « pour » est nettement moins visible et dispose de moins de relais médiatique que les « anti », il est vrai principalement nantais et plutôt de gauche (Insoumis, EELV, extrême-gauche), alors que les alentours de Montbert sont périurbains voire ruraux et de droite.
Surfpark, centrale à bitume Colas, nouvelle prison : d’autres projets contestés à l’arrêt
Bouguenais fait reculer Colas et la centrale à enrobés
A Bouguenais, la municipalité – qui a basculé à droite en juin 2020 – s’oppose à l’implantation de la centrale à bitume de Colas et a refusé le permis de construire. Sur le site de la ville de Bouguenais, Mme le maire, Sandra Impériale, publie la réponse du patron de Bouygues, dont dépend Colas : « nous prenons acte de votre refus de permis de construire, non sans une certaine surprise, car ce projet, initié depuis deux ans, nous semblait avoir l’assentiment des décideurs locaux. Nous sommes à votre disposition […] pour vous rencontrer de nouveau afin d’évoquer les solutions possibles pour relocaliser notre agence et notre industrie ».
Alors que « des communes du département se sont montrées favorables [pour] accueillir la centrale à bitume sur leur territoire », d’après la mairie de Bouguenais, cette dernière a demandé à Nantes Métropole de modifier le zonage du terrain de la carrière des maraîchères pour y empêcher à l’avenir des implantations industrielles polluantes… préjudiciables à l’environnement, certes, mais aussi à la valeur des biens dans une commune certes moins réputée que celles du Vignoble, mais qui se trouve dans la première couronne de Nantes. Entretemps, le projet de nouvelle prison, toujours à Bouguenais, a été abandonné encore en 2018.
Surfpark : au moins un an de retard
Et le Surfpark à Saint-Père en Retz aura du retard, prévient le porteur du projet ce 23 mars. Alors que quatre opposants dont l’agriculteur – proche de l’extrême gauche – Yoann Morice ont été jugés en correctionnelle ce 23 mars à Saint-Nazaire pour occupation illicite et violences volontaires, quand ils ont tenté d’établir une ZAD sur le site du projet, et qu’un agriculteur favorable au Surf Park avait été blessé à la tête lors d’une échauffourée, Stéphane Bouchonneau, désormais seul porteur du projet, annonce sur France Bleu un an de retard… et des ajustements.
La crise est aussi passée par là, ainsi que les nouvelles normes sanitaires, le déclin profond de l’industrie touristique et du sport de loisir. « Dans l’immédiat, on est en stand-by. Les élus sont toujours motivés pour nous accueillir, mais c’est dommage, il y a toujours des gens pour s’y opposer », botte en touche le porteur du projet, qui annonce « des techniques moins gourmandes » et donc un nouveau projet, de nouvelles études, et un report aux calendes grecques. Adieu aussi, probablement, aux trente emplois promis par le SurfPark.
Louis Moulin
Illustration : DR
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