Johanna Rolland (PS), maire de Nantes, a des ambitions nationales. Participer activement à la prochaine campagne présidentielle la fait saliver. Ce sera « porte-parole » du candidat soutenu par le PS. Ce qui revient à abandonner les dossiers nantais à ses adjoints et à son directeur de cabinet. Une forme de sous-traitance…
Johanna Rolland (PS) est une femme fort occupée : maire de Nantes, présidente de Nantes métropole, et présidente de l’association France urbaine (association des maires de grandes villes et communautés urbaines). Mais il faut croire que cela ne suffit pas à son bonheur. À moins que ce second mandat en tant que maire ne lui cause déjà ennui et désir d’aller respirer ailleurs. Avec la routine, le charme de la fonction disparaît…
Avant tout une héritière…
Elle a donc accepté de devenir porte-parole du PS durant la campagne présidentielle de 2022. « Johanna Rolland a dit oui sur le principe, dans la logique d’un rassemblement de la gauche sociale et écologique », souligne-t-on dans son entourage (Presse Océan, mercredi 3 mars 2021). « Johanna a su moderniser la politique en s’appuyant sur le concept des situations vécues. Nous avons besoin de son talent pour nourrir notre projet », assure Olivier Faure, le premier secrétaire du PS (Le Monde, mardi 2 mars 2021). Il aurait pu ajouter que le maire de Nantes est d’abord une héritière, placée sur le trône par Jean-Marc Ayrault ; elle n’a pas eu à se battre pour s’installer à l’hôtel de ville. Quant au « talent », elle en a fait la démonstration lors des dernières élections municipales en s’alliant au second tour avec les écolos, ce qui lui a permis de l’emporter facilement – là encore, sans effort particulier. Mais ce qui ressemblait fort à une promenade de santé à Nantes prendra l’allure d’un parcours du combattant à l’échelon national ; un combat féroce auquel la dame Rolland n’est pas habituée.
Fort logiquement, les oppositions nantaises critiquent. « Elle assurait qu’elle serait maire à temps plein. Elle a visiblement oublié cet argument de campagne », ironise Julien Bainvel (LR). « À quoi bon être porte-parole sans candidat, sans projet ? Participera-t-elle à un rassemblement de la gauche ? Je lui souhaite bon courage… » se moque Mounir Belhamiti (LREM). Son utilité : représenter un saut générationnel et envoyer des signaux aux écologistes (Presse Océan, jeudi 4 mars 2021).
Quelques observations simples s’imposent. Comme il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée, comment compte-t-elle concilier ses activités nantaises (hôtel de ville et métropole) avec une responsabilité nationale prenante ? Qui dit porte-parole dans une campagne présidentielle, dit présence quotidienne à Paris ; avec des interventions régulières dans les télés et les radios, ainsi que des déclarations dans la presse. Se farcir les journalistes est un sacerdoce… Donc, pendant ce temps, elle délaissera les citoyens nantais. Pourtant, ce sont eux qui lui ont fourni un « job » et qui lui assurent un salaire…
La question des dépenses
Autre question : comment compte-t-elle financer les dépenses engendrées par ses activités de porte-parole ? Où atterrissent les factures liées à son confort et à ses déplacements ? La liste est facile à établir : SNCF, taxi, hôtel, restaurant, coiffeur, maquillage, vêtements… Les retrouvera-t-on dans le compte de campagne de son candidat ou bien s’arrangera-t-elle pour « faire cadeau » d’un certain nombre de ces frais –en douce – à la Ville de Nantes ou bien à Nantes métropole ? À la vérité, tous les grands candidats fonctionnent de la même manière : on planque une partie des dépenses ici et là afin de ne pas dépasser le plafond (collectivités territoriales, associations, entreprises…) Sans oublier la caisse noire pour les « faux frais »… Ainsi, Jerôme Lavrilleux, qui fut directeur de campagne adjoint de Nicolas Sarkozy en 2012, raconte que 17 000 euros mensuels de frais de maquillage pour le candidat n’ont « été pris en compte nulle part » (Marianne, 5 mars 2021).
Des sondages peu encourageants
« Johanna Rolland affiche pour l’heure son soutien à la maire de Paris Anne Hidalgo, qui tête le terrain » (Presse Océan, jeudi 4 mars 2021). Son côté désintéressé et « bonne copine » mérite d’être salué. En effet, pour l’instant, Mme Hidalgo n’est pas ce qu’on peut appeler un « bon cheval ». C’est ce que montrent les sondages portant sur les intentions de vote pour la présidentielle. Dans l’hypothèse de la gauche divisée, elle n’obtient que 8%. Dans l’hypothèses PS et Verts réunis, et sans Arnaud Montebourg, elle monte à 16% (IPSOS, L’Obs, 4 février 2021). Donc pas question d’être qualifiée pour le second tour. Il paraît qu’Anne Hidalgo a certifié à son entourage que si elle ne se trouvait pas à 12% en septembre, « c’est mort » (Aujourd’hui en France, dimanche 7 mars 2021) ; la carrière de « porte-parole » de Johanna Rolland risque alors d’être écourtée. Et retour à la case départ à la mairie de Nantes avec des sujets passionnants : délinquance dans les quartiers, cohabitation avec les écolos, remous au sein du PS…
Bernard Morvan
Photo : Mathieu Delmestre /Flickr (cc)
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