La presse nantaise l’a révélé samedi matin : la police judiciaire a perquisitionné jeudi dernier les locaux du Voyage à Nantes. Legs de l’époque Ayrault, cette société publique locale (SPL) dirigée par Jean Blaise appartient à Nantes Métropole (68 % du capital) et à d’autres collectivités locales. Nantes lui a confié, entre autres, la gestion du château des ducs de Bretagne, de l’office de tourisme et des Machines de l’île. Elle organise aussi chaque été l’opération de promotion du tourisme qui porte son nom. Pour l’ensemble de son œuvre, Nantes Métropole lui a versé 17,5 millions d’euros de subventions en 2019.
Pourquoi cette perquisition dans une institution aussi vénérable ? Le Voyage à Nantes fait l’objet d’une enquête judiciaire provoquée par la publication d’un rapport de la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire fin 2017. Breizh-info l’avait signalé à l’époque. La Chambre s’était surtout alarmée des conditions de construction du Carrousel des mondes marins, l’une des attractions des Machines de l’île conçues par François Delarozière et Pierre Orefice.
Un budget moins carré qu’il n’en a l’air
Informé de la perquisition par Le Voyage à Nantes, Presse Océan montre une certaine mansuétude dans le rappel des faits : « La Chambre a estimé que le ‘pilotage de l’opération’ avait été ‘insuffisant’ : ‘Bien que le budget alloué ait été globalement respecté, le suivi de l’opération aurait dû être davantage fiabilisé’. Selon les magistrats financiers, le Voyage à Nantes n’a ‘pas toujours respecté les obligations légales, réglementaires ou contractuelles’.»
C’est prendre au premier degré un euphémisme comme les chambres régionales des comptes en pratiquent volontiers. La réalité est plus sévère. À propos du budget, d’abord, la Chambre ne savait pas tout. Son contrôle portait sur les années 2011 et suivantes. Or à cette date, la construction du Carrousel était déjà bien avancée, et le budget avait été révisé à 11,9 millions d’euros au lieu des 6,4 millions acceptés par Nantes Métropole à l’origine. Ce budget « globalement respecté » avait en fait dérapé de près de 50 %.
Point final pour le projet de l’Arbre aux Hérons ?
Quant aux « obligations légales, réglementaires ou contractuelles » pas toujours respectées, la Chambre notait « de nombreuses insuffisances » : des décomptes généraux irréguliers pour les neuf marchés de travaux, une absence de décompte général pour les huit marchés de services, un marché d’études confié à l’association La Machine (dirigée par François Delarozière) en infraction à l’ordonnance n° 2005-649, l’absence de nombreux documents indispensables, des paiements irréguliers notamment au profit de l’association La Machine… Il y avait largement de quoi justifier une enquête judiciaire. La justice n’est pas toujours rapide, mais elle fait son chemin.
L’affaire tombe mal pour Johanna Rolland, présidente de Nantes Métropole. Après le Carrousel des mondes marins, elle voudrait faire construire une nouvelle attraction touristique, l’Arbre aux Hérons. Confié au même duo, Pierre Orefice et François Delarozière. Nantes Métropole a signé avec eux ces dernières années pour plusieurs millions d’euros de contrats d’étude. Attribués de gré à gré au nom de leur vocation « artistique », ceux-ci n’ont donné lieu à ce jour à aucune réalisation concrète. Les suspicions qui entourent désormais le Carrousel des mondes marins ne favoriseront pas ce nouveau projet, déjà très en retard sur son calendrier initial.
Et au même moment se profile un autre scandale potentiel touchant également un fleuron touristique de Nantes, la Folle Journée…
Illustration : le chantier du Carrousel des mondes marins en 2011. Photo Breizh-info, droits réservés
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.