Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : « La paix interviendra lorsque la Grande-Bretagne établira un calendrier visant à son retrait définitif d’Irlande » [Interview]

Le Republicain Sinn Féin ou RSF (en irlandais : Sinn Féin Poblachtach) est un parti politique républicain irlandais en Irlande actuellement dirigé par Seosamh Ó Mhaoileoin. Un parti qui se revendique comme étant l’héritier du Sinn Féin fondé en 1905, qui a pris sa forme actuelle en 1986, à la suite d’une scission du Sinn Féin. L’organisation se considère comme le tenant du républicanisme irlandais originel, rejetant notamment l’accord du Vendredi Saint et le traité anglo-irlandais

Nous en avions interviewé son chargé des relations internationales Diarmuid Mac Dubhglais, début 2020. Mais alors que la situation semble se tendre au Nord, et que dans toute l’île, le confinement asphyxie totalement l’économie, nous avons voulu prendre la température auprès des Républicains historiques.

Entretien à lire ci-dessous.

Breizh-info.com : Que pensez-vous des déclarations de l’ancien président du Républican Sinn Féin, Des Dalton, sur les « dissidents républicains qui nuisent au républicanisme » ?

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : Des Dalton a souligné que ce qu’il avait dit était une opinion personnelle et non celle du Sinn Féin Poblachtach. Il n’avait jamais fait cette déclaration lors de nos réunions, que ce soit en personne ou sur les médias sociaux. Lorsqu’il a donné l’interview, il était bien conscient qu’elle n’était pas conforme à notre politique et il est dommage qu’il n’ait pas parlé à certains de nos dirigeants avant.

Breizh-info.com : La situation semble très tendue dans le Nord de l’Irlande avec la question du Protocole et des conséquences du Brexit. Comment interprétez vous le message adressé par les organisations loyalistes qui indiquent ne plus valider les accords du Vendredi Saint de 1998 dans ces conditions ?

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : Le fait que le retrait des loyalistes du soutien à l’accord du Vendredi saint intervienne en même temps que la rupture par le gouvernement de Westminster de son accord international avec l’UE est en soi une indication de la façon dont les politiciens de Westminster peuvent influencer, éteindre et allumer les agressions loyalistes.

En tant que républicains, nous avons longtemps souligné les liens évidents entre les bandes armées loyalistes et les services de sécurité et les politiciens britanniques. Bien sûr, cela a été nié pendant des décennies, mais ces dernières années, l’establishment britannique a admis qu’il avait armé et contrôlé les loyalistes et nous avons vu plusieurs articles et reportages sur la façon dont les services de sécurité étaient associés à ces de gangs de tueurs au nom de l’État britannique.

Il semblerait par ailleurs surtout que les loyalistes soient à la recherche d’un nouveau financement de leurs communautés en raison d’un ralentissement de l’économie. Par le passé, les loyalistes ont souvent invoqué le manque d’aide financière et l’oppression de leur culture pour obtenir des fonds dans le cadre des « dividendes de la paix ».

Breizh-info.com : Quelles sont les solutions pour maintenir la paix dans le futur ? Quelles solutions les Républicains irlandais, sont vous faites partie, préconisez ?

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : La raison du conflit en Irlande doit être bien comprise : il s’agit de l’occupation d’une partie de l’Irlande. Ce n’est donc PAS que les catholiques détestent les protestants. Cela peut vous apparaitre simpliste, mais la paix interviendra lorsque la Grande-Bretagne établira un calendrier visant à son retrait définitif d’Irlande.

Breizh-info.com : Les trafics de drogue et la guerre des gangs semblent au centre des activités des paramilitaires dans le nord. Quelles solutions pour éviter que la jeunesse ne bascule dedans ?

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : Je ne dirais pas que les paramilitaires sont tous assimilables à des gangs de trafiquants de drogues, mais il est certain que certains sont impliqués et que d’autres sont en conflit avec ces gangs.

Depuis des années, nous, les Républicains, dénonçons la facilité avec laquelle les gangs de dealers peuvent s’installer dans une région, vendre de la drogue, et écoper, lorsqu’ils sont traduits en justice, de peines légères. Il est clair pour tout observateur qu’à un niveau élevé, le trafic de drogue est toléré, voire facilité par la police. En tant que républicains, nous essayons d’éduquer nos jeunes pour qu’ils ne s’engagent pas ou ne s’impliquent pas dans ces gangs. C’est une tâche évidemment difficile compte tenu de la richesse apparente des trafiquants et du fait que nous sommes condamnés par la police et les médias comme des indésirables et de mauvais modèles.

Breizh-info.com : Il y a plusieurs petits partis politiques en Irlande, comme Alliance Freedom Party ou The National Party, qui réclament la fin du confinement, et indiquent que c’est un danger pour l’Irlande. Est-ce que le RSF est en accord avec eux sur ce constat ?

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : Nombreux sont ceux qui, dans les deux juridictions, considèrent le confinement comme un danger, et ce pour des raisons différentes. Cela dit, certains essaient d’utiliser cette crainte et d’autres comme un outil pour obtenir un soutien pour leurs partis ou écoles de pensée respectifs.

Pendant le confinement de mars à juillet 2020, beaucoup de ceux qui crient maintenant le plus fort n’ont été vus nulle part et n’ont fait aucune déclaration à la presse. Tandis que d’autres, dont Sinn Féin Poblachtach, ont adopté une approche de désobéissance prudente. Nous avons tenu une table d’alimentation pour les sans-abri et les affamés dans le centre ville, nous avons commémoré nos morts patriotes à travers l’Irlande pour Pâques et lors d’autres journées commémoratives.

Concernant les deux partis que vous citez, nous sommes fondamentalement en désaccord politique avec ces partis. Notre républicanisme remonte à plusieurs générations alors que certains d’entre eux se sont convertis très récemment à l’idée même d’utiliser ce terme et ont une vision déformée de ce que les pères fondateurs de la lutte Irlandaise envisageaient. Certains d’entre eux reconnaissent les 26 comtés comme étant la République d’Irlande, alors que nous savons que la République doit être l’ensemble de l’Irlande.

Breizh-info.com : Pouvez vous nous parler des conséquences économiques liées au confinement, pour les Irlandais ?

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : Les effets sur la population ont été profonds et seront durables, je les diviserai ainsi :

  • Les politiciens, pour la plupart, n’ont pas été affectés, ils continuent à percevoir leur plein salaire, il est clair qu’ils ont toujours des coiffeurs et des maquilleurs qui s’occupent de leur apparence et enfin le bar et le restaurant de Leinster House (le Parlement irlandais) ont été ouverts alors que les autres autour ont été fermés à tous, laissant beaucoup de gens sans lieu de rencontre.
  • Les propriétaires de petites entreprises, ont pour beaucoup fermé leurs portes pour définitivement. Ils se sont retrouvés avec des loyers, du chauffage, de l’éclairage et d’autres factures à payer tout en se voyant refuser (pour la plupart) l’autorisation de mener des affaires et de faire tourner leurs affaires. Les entreprises plus grandes et internationales peuvent absorber ou compenser ces pertes. De nombreux petits pubs et restaurants ont payé des dizaines de milliers d’euros pour se conformer aux nouvelles initiatives en matière de sécurité, ils ont acheté de nouveaux stocks de nourriture et de boissons pour juillet 2020, mais l’État les a de nouveau fermés.

Breizh-info.com : Comment expliquez-vous la persistance du confinement y compris avec un faible cas de Covid-19 en Irlande ?

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : Les décisions des responsables politiques des 26 comtés (NDLR : officiellement la République d’Irlande) n’ont rien prévu, n’ont pas d’objectifs clairs. Ils ont jugé que les vêtements n’étaient pas essentiels, donc les magasins de vêtements sont fermés mais les sex-shops sont ouverts. Ils ont dit que les gens ne devraient pas se rassembler en groupes de plus de 6 personnes, mais un professeur peut s’asseoir dans une salle pleine d’élèves pour la journée. Au départ, ils ont dit que les enfants étaient des « super-disperseurs » de corona, et qu’ils devaient donc être tenus à l’écart des personnes âgées, mais maintenant ils disent que les enfants sont plus résistants.

Breizh-info.com : Dernière question : Quelle est la position du RSF vis à vis du mouvement Black Lives Matter, qui a tenté de s’implanter en Irlande ? Est-ce une conséquence de l’immigration en Irlande, puisque si l’on regarde votre histoire, vous n’avez jamais colonisé quiconque…

Diarmuid mac Dubhghlais (Republican Sinn Féin) : Vous avez raison de dire que l’Irlande n’a pas eu de passé colonial. Mais en tant que peuple opprimé depuis des siècles, on peut dire que nous avons une compréhension collective et de l’empathie pour ceux qui sont opprimés. Notre solidarité de longue date avec la Palestine et d’autres peuples opprimés et colonisés, en témoignent, par exemple.Comme beaucoup le savent déjà, notre langue, notre religion et notre culture ont été mises hors la loi par le colonisateur à un moment donné au cours des siècles. Et elles sont toujours menacées.

Black Lives Matter est né aux États-Unis, où de nombreuses personnes de couleur non armées ont été tuées par la police en toute impunité, ce qui leur a donné le statut de personnes opprimées aux États-Unis. Ce mouvement a trouvé un écho auprès de nombreux Irlandais qui, comme je l’ai dit, ont une affinité avec les peuples opprimés.

En tant qu’organisation politique, le Sinn Féin Poblachtach ne considère pas l’immigration de personnes venant de l’étranger et demandant l’asile comme un danger, et nous avons une politique d’immigration. En tant que nation, nous avons été envahis, notre langue, notre culture et notre religion ont été mises hors la loi, nous avons émigré vers d’autres pays en grand nombre et un nombre considérable de personnes ont immigré au cours de ce que l’on a appelé les « années du Tigre celtique ». Tout au long de ces événements et de ces siècles, nous avons conservé notre identité, notre culture et notre langue, et je suis sûr que nous pourrons les conserver à l’avenir.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : breizh-info.com
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