À Washington, les plans militaires pour le Moyen-Orient ne sont pas clairs. Le discours agressif de M. Biden est resté le même depuis sa campagne électorale, avec une forte propension à garantir les intérêts américains dans cette région. Cependant, le secrétaire d’État Antony Blinken a fait des déclarations disant qu’il n’y a actuellement aucun intérêt américain à mener des opérations et des interventions trop coûteuses. Pendant ce temps, l’escalade américaine dans le nord-est de la Syrie se poursuit et crée des incertitudes pour l’avenir.
Après l’attaque de la base d’Ain al-Asad en Irak, le porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, a déclaré : « Si nous estimons qu’une réponse supplémentaire est justifiée, nous agirons à nouveau de la manière et au moment de notre choix ». Cette déclaration est curieuse si l’on considère les promesses de Blinken.
Des réponses seraient-elles nécessaires pour une attaque qui n’a fait pratiquement aucune victime ? Il est nécessaire de souligner que l’attaque de la base américaine en Irak n’est pas le fruit du hasard.
Auparavant, le 25 février, les forces américaines avaient bombardé des installations d’une milice chiite irakienne en Syrie. Des attaques mutuelles ont été signalées depuis longtemps, et celle du 3 mars était certainement la plus légère et la plus inoffensive de toutes. Cependant, la rhétorique américaine consistera désormais à dire que cette attaque « justifie » de nouvelles mesures – cette « justification » est simplement due à l’attention médiatique exagérée accordée à cette affaire.
Selon la plupart des experts, une réponse américaine passerait certainement par une nouvelle attaque contre les bases ennemies installées en Syrie. Les attaques hors de Syrie sont, la plupart du temps, des mesures exceptionnelles, car c’est en Syrie que les mouvements stratégiques sont les plus fréquents. Mais, en attendant l’annonce de « la grande riposte », les États-Unis ont déjà mené de nouvelles attaques en Syrie – et aucune attention médiatique n’a été accordée à cela en Occident. Les cibles des attaques les plus récentes étaient les milices Kataib Hezbollah et Kataib Sayyid al-Shuhada. Le nombre de victimes de ces représailles est encore incertain.
Entre-temps, sur le plan de la politique intérieure américaine, on assiste à une forte levée de boucliers en faveur de mesures plus sévères et plus efficaces contre les ennemis de Washington aux États-Unis. En particulier, les démocrates radicaux affirment que l’attaque est clairement financée et dirigée par l’Iran. Le département d’État, devant traiter des questions stratégiques plutôt qu’idéologiques, évite de prendre des mesures impétueuses, ce qui provoque l’irritation des mondialistes.
Les mondialistes ont soutenu Biden sur la base de ses promesses de sauvegarder les agendas occidentaux sur toute la planète – et ils l’exigent vraiment du nouveau gouvernement. Pour certains représentants de l’élite américaine, Biden a été inefficace jusqu’à présent. Dans un récent article de NBC News, Mark Dubowitz, PDG de la Fondation pour la défense des démocraties, déclare : « Nous n’allons pas préjuger de son action ». Le porte-parole du département d’État, Ned Price, a utilisé cet euphémisme classique de Washington la semaine dernière pour éviter de répondre à une question sur le degré de culpabilité de l’Iran et de ses milices chiites dans les récentes attaques à la roquette contre une base militaire américaine dans le nord de l’Irak. « (…) Pourquoi l’administration Biden ne fait-elle pas le lien entre la République islamique d’Iran et ses mandataires – et ne fait-elle pas davantage pour dissuader publiquement ce comportement ? Est-ce simplement parce que la nouvelle administration est encore en train de trouver ses marques après seulement un mois de mandat ? »
Ce clash nous ramène à la question que tous les experts ont posée au moment des promesses de Biden : Est-ce que les USA ont vraiment la force de retrouver leur hégémonie mondiale ? L’élite idéologique qui a pour mission d’apporter (la voie américaine de) la démocratie » aux quatre coins du monde réclame à cor et à cri des guerres, des interventions, des sanctions, des blocus et des représailles sans fin.
Ceux qui mettent en œuvre ces mesures appellent au calme et réclament la fin des opérations trop coûteuses qui ne font que stresser les troupes et ôter la vie aux Américains. Cet affrontement n’est pas prêt de s’arrêter. La stratégie idéologique du gouvernement est attachée à des objectifs qui nécessitent des mesures qu’elle ne peut pas mettre en œuvre seule – et ceux qui sont en mesure de mettre en œuvre ces plans veulent visiblement les éviter car ils connaissent leurs conditions réelles et savent que toutes les précautions sont nécessaires lorsqu’il s’agit d’opérations militaires.
De leur côté, les forces armées veulent également réagir – la seule différence avec les démocrates est que les militaires connaissent réellement le terrain. La présence militaire américaine dans le nord-est de la Syrie augmente de jour en jour. Le 6 mars, des avions américains ont atterri sur la base militaire d’Al-Shaddadah, transportant une vingtaine de caisses contenant des missiles. De nouveaux soldats y ont également débarqué. Visiblement, la violence va s’intensifier dans la région et il n’y a pas de bonnes prévisions pour l’avenir proche.
Alors que les démocrates appellent à une action contre l’Iran, les militaires s’inquiètent de l’augmentation de la violence en Syrie en tant que guerre par procuration contre Téhéran et les milices chiites. L’aile idéologique du gouvernement Biden devra se conformer à la réalité matérielle et comprendre que les circonstances actuelles ne permettent pas une augmentation générale de la puissance d’agression américaine.
Par Lucas Leiroz (Via Infobrics, traduction breizh-info.com)
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine