Mardi 2 mars, Emmanuel Macron a lui-même annoncé à quatre des petits-enfants d’Ali Boumendjel que leur grand-père, dirigeant nationaliste du FLN algérien, Front de libération nationale, avait été « torturé et assassiné » par l’armée française pendant la guerre d’Algérie en 1957. Ce même jour le président algérien rappelait que son pays « ne renoncerait jamais à sa mémoire ».
Quelles autres initiatives ont déjà été prises par Emmanuel Macron en ce domaine? Qui étaient cet Ali Boumendjel et ce Maurice Audin qui apitoient le Président de la République ? Quel fût le contexte de ces événements ? Quel a été le parcours de son mentor Benjamin Stora? Que préconise t-il dans son rapport ? N’y aurait-il pas d’autres victimes à prendre en compte ? Quels résultats attendre de cette démarche ?
Quelles autres initiatives d’E. Macron sur la guerre d’Algérie ?
En recevant les petits-enfants d’un militant FLN, ennemi de la France, pour dénoncer l’action de l’armée sans en évoquer le contexte, Emmanuel Macron confirme ses prises de position précédentes sur le dossier algérien.
Dès février 2017, alors candidat à la présidentielle en déplacement à Alger, il avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». Il avait omis de rappeler que la France avait envahi Alger en 1830 pour faire cesser les attaques de nos navires et la mise en esclavage des prisonniers français par les pirates qui régnaient dans ce territoire. Il n’existait pas de nation algérienne.
Toujours en 2017, à Alger, Emmanuel Macron avait déposé une gerbe devant le Mémorial du Martyr à la gloire des combattants FLN.
En 2018, il avait rendu visite à la veuve de Maurice Audin, mathématicien, membre du Parti communiste algérien et militant anticolonialiste, pour déclarer qu’il était « mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France », une nouvelle fois sans replacer ce fait en situation.
Puis, mi 2019, il va confier à Benjamin Stora la mission de lui établir un rapport sur la question de l’Algérie. Celui-ci le lui remettra le 20 janvier dernier. Il contient de nombreuses préconisations censées permettre d’établir de nouvelles relations avec ce pays et avec la communauté d’origine algérienne immigrée en France.
Le 8 novembre 2020, il a autorisé le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, à déposer à Alger une nouvelle gerbe au « monument des martyrs de la guerre de libération ».
Qui était Ali Boumendjel?
Issu d’une famille paysanne, il est le fils de l’un des premiers instituteurs kabyles. Brillant élève, il décroche une bourse qui lui permet d’entrer au collège Duveyrier de Blida, où il rencontre de futurs dirigeants du nationalisme algérien ( Abane Ramdane, Benyoucef Benkhedda ). il fait des études de droit et devient avocat.
Simultanément, il s’engage comme son frère Ahmed dans le mouvement nationaliste en devenant journaliste à L’Égalité. Dès 1946, il adhère à l’UDMA, Union démocratique du manifeste algérien. Avocat des nationalistes, à partir de 1955, il fait partie du FLN et assure la liaison entre les deux mouvements.
Son frère, Ahmed Boumendjel (1906-1984), fut membre du CNRA, Conseil National de la révolution algérienne, négociateur à Evian et ministre de 1962 à 1964
Ali Boumendjel est arrêté le , pendant la bataille d’Alger. Il aurait été exécuté quarante-trois jours après son arrestation, le 1957, selon l’aveu du général Aussaresses, unique témoignage public sur le sujet.
Ali Boumendjel n’était donc pas un simple avocat mais un militant actif du FLN, lequel FLN était responsable de multiples attentats et assassinats.
Qui était Maurice Audin?
Maurice Audin, né en 1932, fait des études de mathématiques à Alger. Dès , il est recruté comme assistant du professeur René de Possel.
Maurice Audin adhère au PCA, Parti communiste algérien, en 1951, membre de la cellule Langevin de l’UEC, Union des étudiants communistes, et milite pour l’indépendance de l’Algérie.
Le PCA est interdit le devient clandestin et coopère avec le FLN.
La famille Audin participe à certaines opérations illégales : en , Maurice organise, avec sa sœur et son beau-frère, l’exfiltration clandestine à l’étranger de Larbi Bouhall, premier secrétaire du PCA
En , Maurice Audin héberge un autre dirigeant communiste, l’ouvrier métallurgiste Paul Caballéro, au moment où celui-ci doit être soigné par un médecin, Georges Hadjadj, membre du Parti.
Le , il est arrêté à son domicile. Cela advient après l’attentat FLN du Casino de la Corniche le 8 morts et 92 blessés. Il mourra pendant sa détention.
Maurice Audin était donc impliqué dans le combat du FLN.
Quel fût le contexte de leur exécution?
Dès le début de l’insurrection nationaliste, attentat et assassinat seront deux armes du combat FLN.
Le , à Palestro, une embuscade et l’exécution d’appelés avec mutilation des cadavres provoquera une grande émotion et une volonté du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin.
Le chef du FLN à Alger en 1956 est Abane Ramdane, une relation d’Ali Boumendjel. Après l’exécution de deux condamnés à mort le 19 mars 1956, Abane Ramdane diffuse un tract proclamant : « Pour chaque maquisard guillotiné, cent Français seront abattus sans distinction ». Du 20 au 22 juin, 49 personnes sont tuées ou blessées dans les rues lors de 72 attentats. Puis, Yacef Saadi crée le Réseau bombes, Le 30 septembre 1956, deux bombes explosent au Milk Bar et à la Cafétéria, faisant 4 morts et 52 blessés.
Le gouvernement décide de réagir. Ce sera l’affrontement, dit bataille d’Alger, en 1957. Le 4 janvier 1957, le président du Conseil Guy Mollet décide de confier au général Massu les pleins pouvoirs civils et militaires, lors d’une réunion à Matignon où sont présents Robert Lacoste, le Gouverneur général d’Algérie, et plusieurs ministres : Maurice Bourgès-Maunoury, Christian Pineau, Paul Ramadier, Max Lejeune, Louis Laforêt.
François Mitterrand, garde des sceaux, est chargé par le Conseil des ministres de défendre le projet de loi remettant les pouvoirs spéciaux à l’armée devant l’Assemblée Nationale.
Deux relations d’Ali Boumendjel sont des responsables FLN d’Alger :
– le responsable politique et financier et membre du CCE durant la première phase de la bataille d’Alger est Abane Ramdane
– le responsable politique et membre du CCE durant la première phase de la bataille d’Alger est Benyoucef Benkhedda.
Concernant les militants communistes, comme Maurice Audin, il ne faut pas oublier qu’en 1956, l’appelé du contingent, l’aspirant Henri Maillot, communiste, a déserté en volant un camion d’armes qu’il a donné à un groupe de maquisards communistes sous la responsabilité d’un membre du bureau clandestin du PCA, Abdelkader Babouau, armes avec lesquelles ils tueront des militaires français.
L’arrestation d’Ali Boumendjel et de Maurice Audin répondaient donc à la mission confiée au général Massu de mettre fin aux attentats meurtriers, ce qu’il a accompli.
Quel a été le parcours de Benjamin Stora?
Benjamin Stora, né en 1950 à Constantine, est professeur à l’université Paris XIII. Ses travaux traitent de la colonisation française et de l’immigration.
Il a de multiples casquettes à ce titre : président du conseil d’orientation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, membre du conseil d’administration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Il est également membre du conseil scientifique de la DILCRA, délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
En juillet 2020, Emmanuel Macron le charge d’établir un rapport sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » pour permettre « la réconciliation entre les peuples français et algérien ».
Ses multiples fonctions sont à mettre en regard de ses engagements politiques.
De 1968 à 1984, Benjamin Stora est membre du groupe Alliance des jeunes pour le socialisme, l’organisation de jeunesse du mouvement trotskyste OCI, Organisation communiste internationaliste, dirigée par Pierre Lambert. Il fait partie du comité directeur de l’OCI de 1977 à 1984. Il est permanent de l’OCI de 1976 à 1981.
Benjamin Stora est un des fondateurs du syndicat étudiant l’UNEF-ID, lors du congrès de Nanterre en 1980, qui mobilise des militants trotskystes lambertistes, adhérents de l’OCI, et des socialistes.
Avec l’ensemble du secteur jeunesse de l’OCI, Benjamin Stora rejoint le Parti socialiste en 1985 pour le courant « Convergences socialistes »,
En 2012, Benjamin Stora a soutenu la candidature de François Hollande qu’il lui est arrivé de conseiller. Ainsi, il aurait contribué à l’accusation de la police française d’avoir, le 17 octobre 1961 lors de la manifestation interdite du FLN à Paris, commis » un massacre » des participants. Déjà, en 2011, le candidat François Hollande avait participé à une commémoration de cet évènement en sa présence.
Pouvait-on attendre un rapport équilibré sur ce sujet sensible d’un militant aussi engagé que Benjamin Stora?
Que préconise son rapport?
Dans la droite ligne de ses convictions idéologiques, ce rapport est essentiellement une dénonciation de l’action de la France qui doit faire repentance. Les victimes du FLN sont largement mésestimées.
D’après son entourage, Emmanuel Macron aurait promis de réaliser la plupart de la trentaine de «préconisations» de Benjamin Stora. Parmi elles, figureraient la refonte des programmes scolaires, l’accessibilité des archives, la panthéonisation de la militante pro FLN Gisèle Halimi, la construction d’une stèle en hommage à l’Émir Abdelkader.
Au préalable, des discussions auront lieu avec les membres d’une future commission, sous la présidence de Benjamin Stora. À la tête de cette structure, l’historien sera notamment «chargé d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie». «Certaines mesures seront franco-algériennes, et d’autres seront franco-françaises
Dans l’immédiat, le chef de l’État aurait décidé de «présider lui-même» trois événements : la journée nationale des harkis, le 25 septembre 2021, une commémoration de la manifestation FLN de 1961 le 17 octobre prochain, le 60e anniversaire des accords d’Évian, le 19 mars 2022.
A l’exception de cette journée des Harkis, les victimes du FLN sont peu prises en compte.
Quand E. Macron pensera t-il aux victimes au service de la France?
Certes, le communiqué présidentiel conclut, plus généralement, qu’« aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté », mais on y cherche en vain quelque allusion aux crimes et au terrorisme pratiqués par le FLN.
Quand entreprendra t-il une même démarche que celle accordée aux proches d’Ali Boumendjel et Maurice Audin, qui ont combattu la France, pour les familles de Pieds noirs enlevés, disparus, égorgés, massacrés par le Front dit de « Libération national », pour celles des militaires morts ou blessés au combat, pour celles des français musulmans?
Quand parlera t-il de la période extrêmement meurtrière et douloureuse entre le cessez le feu, consécutif aux accords d’Evian, le 19 mars 1 et la proclamation d’indépendance du
André Aussignac, ancien appelé du contingent en Algérie, a raconté son arrestation par le FLN et les conditions de sa détention dans une entrevue télévisée avec le journaliste Kristian Autain de France 2 en 2002.
Selon ce dernier, à la question : « les Français seront-ils protégés par l’armée française après l’indépendance ? », le président De Gaulle a répondu : « Il n’en est pas question. Après l’autodétermination le maintien de l’ordre public sera l’affaire du gouvernement algérien et ne sera plus le nôtre. Les Français n’auront qu’à se débrouiller avec le gouvernement ». 3 000 Français (civils ou militaires) ont été enlevés par le FLN et demeurent disparus selon un reportage de mars 2005 réalisé par les journalistes Stéphane Lippert et Claude Pfaffmann de France 3.
S’ajoute à ce sombre bilan le massacre des harkis et des français musulmans qui avaient choisi la France. Emmanuel Macron demandera t-il au gouvernement algérien de reconnaitre leur responsabilité en ce domaine comme il le fait lui-même pour les victimes FLN?
Quels résultats attendre de cette démarche?
Dans diverses déclarations d’Emmanuel Macron et de son entourage, il entendrait obtenir une « réconciliation des mémoires », sortir « du déni et du non-dit », « regarder l’histoire en face » et « reconnaître pleinement » les blessures de chacun . « Le chantier qui est devant nous est le chantier d’une génération. Nous devons absolument l’ouvrir maintenant si l’on veut espérer qu’il puisse être réglé « .
Pour lui : « Aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la Guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté« .
« Il leur a également dit sa volonté de poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années pour recueillir les témoignages, encourager le travail des historiens par l’ouverture des archives, afin de donner à toutes les familles des disparus, des deux côtés de la Méditerranée, les moyens de connaître la vérité ».
« Regarder l’Histoire en face, reconnaître la vérité des faits ».
Ces intentions fort louables sont-elles crédibles quand c’est le très partial Benjamin Stora, qui est son conseiller, et quand le président algérien maintient que son pays « ne renoncerait jamais à sa mémoire« ?
Jean Theme
Crédit photos :DR
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4 réponses à “Guerre d’Algérie : Seules les victimes pro FLN apitoieraient-elles Emmanuel Macron?”
Dans ses reportages Benjamin Stora parle au nom des français d’Algérie, mais ses ancêtres ne viennent pas de France ni d’Europe, ils sont natifs d’Algérie. Je conçois que vous ne puissiez pas le dire dans l’article…
Très bon article qui remet les pendules à l’heure , mais toute la publicité faite à Benjamin Stora , qui est un imposteur , est scandaleuse !
Ali Boumendjel, en tant qu’un des responsables du FLN est coupable de monstrueux assassinats, non pas que de Français pieds noirs, mais aussi de soldats de l’armée Française, et aussi, dramatique histoire de village entiés de musulmans, des mechtas ou ils tuaient hommes, vieillards et enfants qui ne les soutenaient pas dans leurs combats!, à l’époque j’ai vu les photos affichées par l’armée Française, elles sont disponibles maintenant car plus archivées, mais qui va aller les voir? c’étaient des horreurs, femmes eventrées, vieillards égorgés et enfants jetés dans des fours! et on va plaindre mr Boumendjel? Mr Macron n’en est plus à une ignominie! Il ne connait même pas l’histoire de son propre pays!
En 14 mois (1956-57) 751 attentats sont perpétrés dans Alger et sa banlieue qui font 314 morts plus de 900 blessés(hommes,femmes,enfants,européens et musulmans) :Milk-bar.terminal d’AirFrance,Grande Poste, stade d’El-Biar et de Belcourt .Le Casino de la Corniche.etc…Pour Macron et les siens ils considèrent que le FLN avait le droit de massacrer des innocents , et insultent l’armée qui n’aurait pas eu le droit d’éliminer une des têtes pensantes de ces massacres …même si elle avait pour mission de protéger des citoyens français.