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Yann Le Bohec : « L’armée romaine a fonctionné, depuis sa naissance jusqu’au début du IVe siècle, sur un principe simple : la qualité » [Interview]

Les éditions Tallandier viennent de publier dans la collection Texto « Les guerres romaines », livre signé Yann Le Bohec.

L’histoire de Rome est inséparable de ses guerres. De 509 à 338 av. J.-C., la cité mena un « struggle for life ». Puis, elle s’empara, de 338 av. J.-C. à 106 ap. J.-C., de tout le bassin méditerranéen, et elle finit par contrôler un domaine immense. En 406-410 ap. J.-C., elle le perdit. Ce livre présente les guerres que Rome a gagnées grâce à un outil militaire exceptionnel, et celles qui ont été perdues. Il montre la supériorité des techniques de combat, de l’armement, de l’organisation et d’un art du commandement sans faille, qui s’est peu à peu éteinte au sein d’un empire confronté à de nouveaux ennemis. 

Il s’agit d’un travail colossal de Yann Le Bohec, qui présente également aux lecteurs des batailles moins connues, des guerres oubliés, tout en décortiquant les faits d’armes majeurs de l’armée romaine, du milieu du 8ème siècle avant JC jusqu’à la chute de l’empire romain.

Nous nous sommes entretenus avec l’auteur pour faire découvrir l’ouvrage aux lecteurs.

Breizh-info.com : Comment est-ce que l’Historien que vous êtes s’y est pris pour livrer une synthèse fournie s’étirant sur plus d’un millénaire au sujet des guerres romaines ?

Yann Le Bohec : Un facteur a rendu possible cette enquête, mon âge (77 ans) et donc mes antécédents. J’ai enseigné l’histoire romaine depuis 1970 jusqu’en 2011 et, chaque fois que je préparais un cours, je faisais des lectures et j’accumulais des fiches ; en plus, j’achetais régulièrement des livres bien choisis (j’ai une bibliothèque d’environ 1500 livres d’histoire romaine). Bref, j’étais « sérieux » (là, je me moque un peu de moi) et de toute façon j’ai toujours pris plaisir à apprendre. Depuis 2011, je ne donne plus de cours, sauf parfois des conférences, et j’utilise le temps gagné à lire encore et encore, et à écrire. J’ai rencontré toutes les périodes de l’histoire romaine à un moment ou à un autre, dans ces cours et ces lectures, également dans des jurys de concours, des colloques, etc.

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui fait la caractéristique de l’armée romaine lors de sa fondation ? Y’a-t-il une continuité de cette armée dans l’histoire de l’Empire romain ? Qui pouvait intégrer l’armée romaine ?

Yann Le Bohec : L’armée romaine a fonctionné, depuis sa naissance jusqu’au début du IVe siècle, sur un principe simple : la qualité. C’est l’élément de continuité. On constate l’application de ce principe justement dans le choix des recrues, dans la désignation des jeunes gens qui étaient appelés : ils devaient tous être des hommes libres. Les citoyens romains servaient dans les légions, c’est-à-dire dans les unités combattantes, en première ligne. Les libres non citoyens étaient requis pour la marine et les unités auxiliaires. Les esclaves, en revanche, ne pouvaient pas porter les armes. Les marxistes, autrefois, disaient que cet interdit s’expliquait par la peur que suscitaient ces gens. Aucun texte ne le dit. En revanche, il est clair que les esclaves étaient jugés indignes de porter les armes.

Breizh-info.com : Vous évoquez « une milice de paysans qui a fini par dominer le monde ». Cela parait incroyable…

Yann Le Bohec : Ce n’est pas si incroyable que vous le dites. D’abord, il faut se rappeler que 90% des humains, jusqu’à la Révolution industrielle, vivaient de la terre et à la campagne. Ensuite, il y a eu un « miracle romain ». Les Italiens de la Renaissance ont réussi à produire les peintures les plus belles qu’a connues l’histoire de l’humanité ; les Italiens de l’Antiquité ont réussi à organiser l’armée la plus efficace qu’a connue l’histoire de l’humanité. Bien sûr, elle a fini par être vaincue puis anéantie. Mais elle a su bâtir un empire, le conserver pendant des siècles et laisser des regrets de sa disparition pendant longtemps.

Breizh-info.com : Qui furent les adversaires de Rome les plus coriaces lors de ces siècles de guerres ? Comment l’armée romaine était-elle perçue par les autres peuples ?

Yann Le Bohec : Pendant les premiers siècles de son histoire, Rome a été constamment menacée par ses voisins, Étrusques et Latins notamment ; elle a dû mener un véritable « struggle for life ». Puis elle a affronté les Puniques ou Carthaginois, les Grecs, les Iraniens appelés aussi Parthes ou Perses, et enfin les Germains. Les Romains passaient pour des gens arrogants et des pillards. Mais tous étaient plus ou moins pillards.

Breizh-info.com : En quoi les guerres menées par Rome ont-elles été fondamentales dans la construction et l’expansion de l’Empire romain ?

Yann Le Bohec : Question simple et facile. Un empire doit être conquis, et une conquête doit être faite par une armée.

Breizh-info.com : Pourriez-vous revenir quelques instants sur les guerres menées par Rome en Armorique, et l’opposition rencontrée ?

Yann Le Bohec : Certes. César a combattu les Vénètes du Morbihan, mes ancêtres, en 56 avant J.-C. Il voulait les soumettre et il a exigé des otages, qu’il a reçus d’ailleurs. Puis le sénat de ce peuple a demandé que les otages soient rendus et, devant le refus du proconsul, a retenu prisonniers des ambassadeurs romains. D’où la guerre. Les Vénètes ont inventé une forme de guérilla très rare, appelée « la déception » : ils enfermaient leurs soldats dans une ville de bord de mer, ils laissaient les Romains faire de gros travaux de siège, puis ils profitaient de la marée haute pour fuir. Finalement, ils ont accepté une rencontre sur mer ; ce fut une des rares batailles navales de cette époque. Et ils ont été vaincus. César a fait exécuter tous les sénateurs et il a réduit en esclavage tous les combattants survivants. J’ai écrit un article, paru dans les actes d’un colloque, sur ce conflit : « Vénètes contre Romains », la déception, Actes du colloque du CRUSUDMA (samedi 7 février 2009), Revue internationale d’histoire militaire, 85, 2009, p. 81-90.

Breizh-info.com : Spécialiste que vous êtes de Rome, de son empire, de son armée, comment expliquez-vous l’effondrement de l’empire romain et de facto, de son armée ?

Yann Le Bohec :  L’effondrement de l’armée romaine s’explique par un ensemble de facteurs, en gros par l’affaiblissement des Romains et par le renforcement des Germains. Les ennemis sont devenus de plus en plus efficaces : les Germains se sont constitués en ligues, ce qui leur permettait de disposer de forces plus nombreuses, et ils ont adopté la tactique des Romains. L’État s’étant appauvri, les soldats romains étaient mal payés et les meilleurs réussissaient à fuir le service militaire.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Yann Le Bohec : « L’armée romaine a fonctionné, depuis sa naissance jusqu’au début du IVe siècle, sur un principe simple : la qualité » [Interview]”

  1. gabrielle sagette dit :

    Ce sont les « empereurs romains » qui ont coulé l’empire, influencés de plus en plus par les moeurs levantines ! ça ce professeur devrait le savoir !

  2. JEAN LEMARCHAND dit :

    bof, la plupart des historiens expliquent par l’immigration des mercenaires germains et par l’intrusion des valeurs chrétiennes la chute de l’empire. Ainsi que par un certain nombre d’autres facteurs comme la décadence de la classe dirigeante.
    Par ailleurs, V.D. Hanson dans son livre passionnant « Carnage et culture », attribue aux valeurs de liberté occidentale les conquêtes et victoires remportées par notre civilisation sur les autres peuples de la planète . Romains, guerriers conquérants, certes, mais pas que…

    • Kerfanch dit :

      L’intrusion du christianisme est un argument souvent avançé, certes. Mais comment un israélite a pu imposer son culte au coeur de l’empire ? Ben il était citoyen romain, le Saul de Tarse. Donc le problème c’est l’immigration extra-européenne qui était galopante depuis que la république romaine avait soumis la Grèce et les possessions héllèniques héritées des conquêtes d’Alexandre, à savoir Anatolie, Mésopotamie, Egypte…
      Sans oublier les territoires pris aux carthaginois en Afrique du nord, peuplés de berbères, ancêtres de nos maghrébins actuels qui nous enrichissent tellement.
      Là pour le coup, les germains n’étaient pas le plus gros problème, c’est l’importation de peuplades, de cultes et de valeurs orientales qui a détruit Rome.
      Au 21e siècle ces mêmes peuplades détruisent l’Europe.
      L’histoire est un éternel recommencement.

  3. Marnostr dit :

    Les termes berbères(autochtones) et maghrébins(colons arabo-musulmans) renvoient à deux réalités culturelles et civilisationnelles différentes. Pour ce qui est du processus de destruction de l’Europe, il n’est pas seulement le fait de la doctrine mahométane, mais également une conséquence de l’action subversive du marxisme culturel contre l’Occident d’une manière générale ainsi que de l’ambition hégémonique mondiale d’une oligarchie (financière, BigTech, BigPharma, média mainstream, etc) qui perçoit la cohésion des peuples comme un obstacle.

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