Les éditions La Mécanique Générale (Ring) publient « Comme des Lions », livre de l’historien et écrivain Dominique Lormier, qui rend hommage à l’armée française et à son sacrifice en Mai-Juin 1940. Un sacrifice, une histoire, des combats finalement peu connus du grand public, qui n’a en tête que la défaite, mais pas les combats qui l’ont précédé.
La défaite de mai-juin 1940 reste, aujourd’hui encore, une plaie mal cicatrisée dans la conscience nationale : elle évoque la débâcle, l’exode, l’armistice. Au malheur s’ajoute la honte, car une opinion très répandue veut que l’armée française ait subi cette déroute sans combattre. De fait, le sujet est tabou, comme s’il s’agissait d’un secret de famille honteux.
Et pourtant… Sait-on qu’en 45 jours de lutte intense, l’armée allemande déplora 30 à 50 % de ses chars et avions hors de combats (détruits ou endommagés) ? Que la première bataille de chars de la Seconde Guerre mondiale, à Hannut, fut un succès tactique français ? Que la bataille de Stonne fut surnommée par les militaires allemands » le Verdun de 1940 » ? Qu’à Landrecies, deux chars lourds français détruisirent une centaine de blindés allemands en une journée ? Que le général de Gaulle, commandant la 4e division cuirassée, enfonça à Abbeville les positions allemandes, mais ne put exploiter son succès faute de réserves suffisantes ? Que l’opiniâtre résistance des troupes françaises à Calais, Boulogne, Lille et Dunkerque permit de sauver le corps expéditionnaire britannique de la capture, et donc de sanctuariser la Grande-Bretagne ? Que sur la Somme et l’Aisne, les troupes françaises, luttant à un contre trois, repoussèrent les assauts allemands en divers endroits ? Que sur la Loire, 2 200 soldats français, dont les célèbres Cadets de Saumur, bloquèrent 40 000 soldats allemands ? Qu’au moment de l’armistice, 45 des 53 gros ouvrages de la ligne Maginot restaient invaincus, après avoir tenu en échec toutes les attaques ennemies ? Que dans les Alpes et la vallée du Rhône, les soldats français repoussèrent les offensives allemandes et italiennes ? Et, surtout, que 462 000 soldats français et allemands furent tués ou blessés en seulement 45 jours ?…
Dans ce livre captivant, qui suit minutieusement l’évolution des troupes sur le terrain, pointe les erreurs du commandement français, en retard d’une guerre, et s’appuie sur de nombreux témoignages de soldats français et allemands, le grand historien Dominique Lormier rend un hommage tardif, mais ô combien mérité à ces héros méconnus.
Historien et écrivain, Dominique Lormier est l’auteur de plus de 160 ouvrages. Lieutenant-colonel de réserve, il est également membre de l’Institut Jean Moulin et chevalier de la Légion d’honneur.
Nous l’avons interrogé sur cet ouvrage, réédité et augmenté.
Breizh-info.com : Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a amené à sortir un livre d’histoire chez un éditeur plutôt connu pour ses excellents polars ou ses livres « chocs » niveau sociétal ?
Dominique Lormier : Les éditions Ring lancent une collection d’ouvrages historiques mettant en valeur le courage français à travers les siècles, afin de lutter contre le masochisme national, hérité de mai 1968 et la francophobie de l’historiographie anglo-américaine. Il s’agit cependant d’éviter deux écueils : le dénigrement systématique et l’apologie béate. Ces ouvrages reposent sur la rigueur historique, évitent l’anachronisme, tout en s’ouvrant à un public assez large. J’ai été contacté par Raphaël Dargent (excellent historien) et David Serra (excellent éditeur), sans oublier sa précieuse collaboratrice Laura Magné, pour débuter cette nouvelle collection.
En ce qui me concerne, je lance cette collection avec mon best-sellers Comme des lions, mai-juin 1940 : le sacrifice héroïque de l’armée française, ouvrage paru en 2005 aux éditions Calmann-Lévy et sortant en poche aux éditions La Mécanique Générale le 25 février 2021 (version livre poche des éditions Ring). Il s’agit d’une édition augmentée et définitive en tome 1. Le tome 2 de Comme des lions devant sortir en format normal (éditions Ring) en mai 2021, portera sur l’épopée des troupes françaises dans les sables du désert d’Afrique en 1941-1943. Puis viendra la publication d’un tome 3, mettant en avant la bravoure des troupes françaises durant les campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne en 1944-1945. Ainsi nous aurons un panorama complet des combats menés par les armées françaises durant la Seconde Guerre mondiale, démontrant par les faits et les chiffres l’apportant important de la France dans la défaite de l’Allemagne. Enfin, je dois sortir chez Ring un livre sur les Mythes et légendes de la guerre 39-45, qui doit balayer de nombreux clichés.
Breizh-info.com : On sent dans vos travaux historiques comme une « obsession » de la défaite française de 1940. Expliquez-nous ?
Dominique Lormier : Venant du côté de mon père d’une famille issue du nord-est de la France, j’ai été durant l’enfance fasciné par les récits de cette campagne de mai-juin 1940, avec notamment les souvenirs de guerre de mon grand-père, Lucien Lormier, ingénieur mobilisé dans l’aviation ; ainsi que ceux de mon grand-oncle maternel, le commandant Prosper Albert Dorison, aviateur en mai-juin 1940, puis héros de la France libre (FAFL), ayant terminé la guerre avec la Légion d’honneur, la croix de guerre et la médaille militaire. D’autre part, je me suis passionné très tôt sur cette période controversée de mai-juin 1940, dont l’historiographie anglo-américaine a donné une image très négative des soldats français, présentés comme des lâches sans honneur, alors que les soldats et les officiers allemands soulignent la résistance acharnée des troupes françaises en mai-juin 1940, dont notamment le général Rommel. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, en 45 jours de combats, on dénombre 30 à 50 % des chars et des avions allemands détruits ou endommagé, contre une armée français prétenduement en pleine débandade…
Breizh-info.com : Dans « Comme des Lions », vous rendez hommage d’une certaine façon à ces soldats français, quasi oubliés de l’histoire et qui ont pourtant livré des batailles importantes et héroïques contre les Allemands…..C’était important de les réhabiliter aux yeux du grand public ?
Dominique Lormier : Oui, il est important de rendre hommage aux 290 000 soldats français tués ou blessés en mai-juin 1940. Les Français sont encore hantés par cette défaite qui n’est pourtant pas honteuse. La résistance acharnée des troupes françaises à Lille, Boulogne, Calais, Dunkerque et ailleurs permet à 400 000 des 450 000 soldats britanniques, présents en France en mai 1940, de rejoindre la Grande-Bretagne et de sanctuariser le Royaume Uni. D’après les généraux britanniques Brooks, Montgomery, Alexander, Dempsey et Winston Churchill, sans Dunkerque il n’y aurait pas eu le 6 juin 1944. Les 400 000 soldats britanniques professionnels sauvés en mai-juin 1940 vont former l’ossature des troupes alliées qui débarqueront en Normandie en juin 1944. De son côté, le général allemand Guderian estime qu’à Dunkerque s’est joué en grande partie le sort de la guerre, en condamnant l’Allemagne à la guerre sur deux fronts (contre les troupes alliées de l’Ouest et l’armée soviétique), qui sera fatale à Hitler et ses généraux. L’historien américain Walter Lord va dans le même sens. Il est l’un des rares grands historiens américains à rendre hommage au rôle crucial joué par les troupes françaises en mai-juin 1940. Il convient de le souligner. L’historien français Claude Quétel porte le même jugement au sujet de Dunkerque et ses retombées stratégiques sur le long terme.
Breizh-info.com : Quels ont été les principaux faits de gloire de l’armée française en 1940 ? Les grands hommes dans la défaite ?
Dominique Lormier : Ils sont dévoilés dans mon livre Comme des lions mai-juin 1940 (tome 1), avec les combats acharnés de La Horgne, de Stonne, de Monthermé, de Dinant, d’Hannut-Gembloux, de Flavion, de Landrecies, des Flandres, de la Somme, de l’Aisne, de la Loire, des Alpes, etc… Des chefs valeureux, comme Giraud, Prioux, De Gaulle, De Lattre de Tassigny, Mordant, Molinié, Lanquetot, Molinié, La Laurencie, Olry, Abrial, Janssen, Beaufrère, Buisson, les officiers et cadets de Saumur, les pilotes de l’armée de l’air, les marins à Dunkerque, etc… Ils sont très nombreux.
Breizh-info.com : Avec le recul de l’historien que vous avez, comment la défaite militaire a-t-elle été possible ? Quels sont les détails qui ont littéralement changé le cours de l’histoire ?
Dominique Lormier : La défaite est possible du fait des erreurs de nombreux politiques français, comme notamment Blum et Daladier mais pas uniquement, sans oublier surtout certains chefs militaires français, britanniques et belges. Le commandement français est pourtant prévenu, par ses services de renseignement, une semaine avant l’offensive allemande du 10 mai 1940, que l’effort principal de la Wehrmacht se fera dans les Ardennes. Or le général Gamelin, commandant en chef de l’armée française, ne fait rien pour rien pour renforcer cette partie du front, pourtant défendue par des divisions de second ordre, sous-équipées en canons antichars et antiaériens. Il disperse également l’excellente 7e armée du général Giraud et ses 3 puis 4 divisions cuirassées, se privant ainsi de sa réserve stratégique pour une contre-offensive pouvant mettre en danger la percée allemande dans les Ardennes et sur la Meuse, et renverser ainsi la situation en sa faveur.
La défaite française de 1940 est avant tout celle d’une partie des « élites », dépassées par les événements. Il y a également l’audace du plan allemand, la meilleur organisation tactique et stratégique des forces allemandes, la supériorité numérique et technique de son aviation.
Cependant si la campagne de 1940 est une défaite tactique pour la France, elle est également une défaite stratégique sur le long terme pour Hitler, qui doit diviser ses forces en 1941 pour lutter à la fois contre les Britanniques et les Soviétiques. Si l’armée britannique avait été capturée en France en mai-juin 1940, Churchill aurait été contraint de signer une paix séparée avec Hitler. L’élite de l’armée britannique se trouvait en France en mai 1940. Sans oublier que l’aviation britannique perd environ 900 de ses avions en mai-juin 1940. Mais la Lutfwaffe perd 1 400 avions contre les aviations françaises et britanniques durant la même période (sans oublier 900 avions français détruits).
En juin 1944, sur les 350 divisions allemandes disponibles, 60 % se trouvent engagées contre l’armée soviétique et 40 % contre les Alliés américains, britanniques, français et autres à l’ouest, de la Norvège aux Balkans, en passant par la France et l’Italie. Si Hitler avait contraint Churchill à signer une paix séparée en juin 1940, il aurait pu engager la quasi totalité de ses 350 divisions contre les 380 divisions soviétiques. Le sort de la guerre aurait connu une fin bien différente.
Il est important d’avoir toujours un regard panoramique sur l’Histoire, afin de voir sur le long terme la suite des événements historiques et de ne pas s’enfermer dans une vision réductrice, partisane et sectaire.
Propos recueillis par YV
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Une réponse à “Dominique Lormier : « Il est important de rendre hommage aux 290 000 soldats français tués ou blessés en mai-juin 1940 » [Interview]”
bref on a pas utiliser la 7 eme compagnie a temps et pis c’est tout !