Louis Saillans a été commando marine. Il a travaillé pour les opérations spéciales pendant dix ans, notamment en Afrique et au Moyen Orient.
Il vient d’écrire un livre qui s’intitule Chef de guerre (aux éditions Mareuil) et qui fait le récit de son engagement quotidien dans l’armée, notamment contre les ennemis désignés par la France. Durant près d’une décennie, il a participé à des opérations militaires en Afrique et au Moyen-Orient visant à libérer des otages, capturer des responsables djihadistes ou neutraliser des terroristes. Grâce aux notes prises au cours de ses missions et à des documents d’archive auxquels il a eu accès, il dévoile la réalité des missions des forces spéciales avec la plus grande exactitude.
Il retrace également dans cet ouvrage le parcours des soldats de ces unités, passés par une sélection drastique durant laquelle ils ont subi les pires épreuves physiques et psychologiques. À travers une narration d’une rare lucidité, il décrit le quotidien de ces hommes devenus des guerriers, la fraternité d’arme, les coulisses des opérations spéciales et la face cachée de la lutte contre le terrorisme. Un témoignage unique, qui permet de mieux comprendre le travail de ces combattants de l’ombre prêts à sacrifier leur vie pour sauver la nôtre et maintenir la paix.
Nous l’avons interrogé sur son parcours, sur son récit.
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Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à intégrer l’armée française ? Puis les commandos marine ?
Louis Saillans : J’ai eu la volonté de servir très tôt. De plus, c’est quelque chose qui était très important pour mes parents et qu’ils m’ont inculqué dès mon adolescence. L’armée m’a ensuite attiré car elle offrait la possibilité de servir et présentait de nombreuses opportunités. J’ai pu entrer sur concours pour entamer un cursus de pilote puis bifurquer vers les commandos marine. Je n’aurai jamais pu avoir un parcours aussi riche en dehors de l’armée. Je suis encore très reconnaissant de cette chance que l’armée m’a offerte.
Breizh-info.com : Quelles sont les principales qualités et compétences nécessaires pour mener à bien les différentes missions qui vous ont été confiées ?
Louis Saillans : Il faut avoir les idées claires, du caractère, un sens de la loyauté et une confiance importante envers ses chefs et ses hommes. Cet ensemble forme une grande machine humaine très efficace et résiliente pour faire face à des situations très difficiles.
Contrairement à ce qui est à la mode aujourd’hui, l’armée est une hiérarchie de compétences par excellence. Elles pousse les meilleurs vers le haut et écarte les moins bons dans la poursuite de l’intérêt supérieur de la patrie. Les forces spéciales peuvent devenir des ensembles très souples et habiles, un peu à l’image d’une start-up, mais pour laquelle la hiérarchie reste très présente (malgré le tutoiement par exemple).
Breizh-info.com : Vous avez encadré de jeunes soldats qui étaient sous vos ordres. Estimez- vous que la formation militaire en France est toujours bonne ? Que les moyens mis pour former et pour armer sont également bons ? Les soldats français sont-ils par ailleurs formés géopolitiquement ? Un historien comme Bernard Lugan est-il lu et enseigné ?
Louis Saillans : La formation est encore très bonne, et nous n’avons jamais manqué de moyens. Chez les FS, nous avons en plus l’avantage de tester et de voir arriver de nouvelles technologies très régulièrement, ce qui est intellectuellement très stimulant.
La géopolitique est un sujet intéressant, et nous sommes sensibilisés aux conflits que nous menons. De manière plus pragmatique, il n’y a que 24h dans une journée, et nos journées sont déjà bien occupées! Ce genre de formation se fera spécifiquement avant un départ en mission, de manière ponctuelle. Enfin, comme je le disais plus haut, un soldat doit avoir confiance dans ses chefs pour combattre sereinement. Alors nous nous en remettons à nos chefs pour prendre les bonnes décisions géopolitiques.
Quant à Bernard Lugan, il a été retiré des enseignements de St Cyr, mais reste une référence pour beaucoup de spécialistes africains.
Breizh-info.com : Vous avez été notamment vous battre en Afrique. Quels sont vos souvenirs les plus marquants ?
Louis Saillans : J’aime beaucoup l’Afrique. C’est un univers à part entière, des civilisations très différentes. Mais c’est aussi une terre qui subit beaucoup de conflits. Les missions que j’ai pu effectuer là bas sont toutes de très bons souvenirs, même si parfois je suis las de voire ces conflits s’allonger dans le temps.
Lors d’une de mes missions, mon équipe a capturé un homme chez lui, dans sa maison, en pleine nuit. Nous sommes rentrés puis ressortis sans réveiller sa famille, hormis un jeune enfant qui est resté immobile durant toute l’opération. J’ai encore le souvenir d’enjamber les corps endormis lorsque je suis sorti de la maison.
Breizh-info.com : En tant que soldat de terrain, estimez vous que la France fait aujourd’hui vraiment le nécessaire pour combattre le terrorisme islamiste ? N’est-ce pas paradoxal de prétendre le combattre hors de nos frontières tout en le laissant s’installer, pour d’autres raisons, en Europe ?
Louis Saillans : La France accomplit son devoir de protéger les populations qui ont demandé notre secours. Je suis très fier d’avoir participé à cette action au sein de l’armée française. Mais nous touchons à une limite humaine, qui est celle de gagner les cœurs et les esprits. Les pays du Sahel sont des pays du tiers monde. Le niveau de vie, d’éducation et le niveau sanitaire sont incroyablement bas. Les gens dorment dans la rue, ont faim et ne savent pas lire. Le financement de leurs états ne mène à aucun changement, car l’argent est mal géré ou tout simplement détourné.
Si rien n’est fait pour changer cet état de fait, je crains que le conflit ne s’enlise. Alors que la construction de routes, d’écoles et d’hôpitaux serait un signal fort envers les populations et permettrait, à juste titre, de rallier les populations à notre cause.
Aucune guerre de guérilla n’a été gagnée en maintenant la population dans une pauvreté extrême.
Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à quitter l’armée française, la mort dans l’âme comme vous l’écrivez ? Quel conseil donneriez vous à des jeunes qui, aujourd’hui, veulent s’engager ?
Louis Saillans : Je dirai à un jeune de s’engager, et d’avoir confiance. On retrouve dans la plupart des unités cette relation féodale dans la hiérarchie, d’homme à homme, où la parole donnée a encore une valeur fondamentale. L’armée est un sanctuaire dans lequel l’honneur n’est pas mort.
Pour ma part, j’aurais aimé continuer ce combat, mais je me sens aujourd’hui le devoir de lutter dans un autre champ, plus difficile selon moi qui est celui des idées. Je souhaite y apporter mon point de vue, celui d’un homme qui connaît la réalité du combat contre l’Islam radical.
Je pense que nous devons aujourd’hui retrouver le sens de la responsabilité et réinvestir le sens du devoir en chacun de nous pour lutter contre le nihilisme ambiant qui fait place nette au salafisme.
Propos recueillis par YV
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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