Nous vous proposons ci-dessous un hommage rendu par William Stroock, auteur, au célèbre Rush Limbaugh, animateur hors pair depuis plusieurs décennies d’une émission de radio conservatrice aux USA, précurseur de l’avènement de la presse conservatrice et, après elle, alternative. Farouche critique de Barack Obama et fervent supporteur de Donald Trump, l’influent polémiste est décédé des suites d’un cancer du poumon à l’âge de 70 ans.
Rush Limbaugh est mort la semaine dernière après une année de lutte contre le cancer du poumon. Limbaugh, Rush pour ses fans, était un géant de la radio américaine. Pendant plusieurs décennies, Limbaugh a diffusé trois heures par jour, cinq jours par semaine, chaque semaine – même après avoir perdu l’ouïe dans les années 2000.
Limbaugh est allé au studio autant qu’il a pu pendant les dernières phases de son cancer, faisant ce qu’il aimait jusqu’à sa mort. Il a fait cela en équipe réduite, parlant souvent à l’improviste avec rien de plus que quelques notes et une pile de coupures de journaux pour guider la direction de l’émission.
Le Rush Limbaugh Show avait un format simple. L’animateur commençait par un monologue, lisait des coupures de presse intéressantes, excentriques et drôles. Puis Rush prenait les appels des auditeurs puis débattait avec. L’émission de Limbaugh a attiré 10 à 20 millions d’auditeurs chaque jour pendant des années.
La recette du succès de Limbaugh ? Son conservatisme, fait unique à l’époque dans la galaxie médiatique aux USA. Lorsque le Rush Limbaugh Show a débuté en 1988, les médias américains étaient dominés par les trois principaux réseaux de télévision, les agences de presse, une poignée de journaux importants et CNN. Tous avaient un parti pris libéral, du moins c’est ce que pensaient les conservateurs. Le Rush Limbaugh Show a été rendu possible par l’abrogation par l’administration Reagan de la Fairness Doctrine, qui obligeait les diffuseurs à montrer de multiples points de vue politiques. Limbaugh a alors rendu son émission résolument conservatrice, tout en déclarant donner la parole à tous dans son émission, contrairement aux autres radios américaines.
M. Limbaugh a brisé le monopole de l’Establishment sur l’information et a jeté les bases des médias conservateurs à venir. Au début des années 90, il a fait une version télévisée de son émission de radio. Certains soirs, Rush avait de meilleures audiences que les talk shows de fin de soirée. Roger Ailes a produit l’émission et a ensuite dirigé Fox news, qui a été diffusée pour la première fois en 1996 avec le slogan « We report ». You Decide ». Ont suivi The Drudge Report, qui a révélé le scandale Monica Lewinsky, la blogosphère de droite, et enfin des sites d’information conservateurs en ligne comme Breitbart (un ancien de Drudge), le Daily Caller, et Townhall notamment…
Jusqu’à l’arrivée de Limbaugh, il y avait à la télévision une poignée d’universitaires conservateurs bien connus comme William F. Buckley et George Will. Mais le conservatisme intellectuel de Limbaugh n’était pas lié à une élite. Ce dernier a démocratisé le conservatisme, il a fait du populisme d’une certaine façon..
Il n’était pas intéressé par les questions académiques conservatrices évoquant juste la nécessité d’une politique conservatrice réussie, basée sur le modèle de Ronald Regan, avec des réductions d’impôts, la déréglementation et une armée forte. Dans son émission, il se payait fréquemment les démocrates et les libéraux, apportant quotidiennement des histoires d’extrême-gauche loufoques et de politiquement correct. Il se moquait impitoyablement d’eux et a inventé le terme « féminazi » pour décrire les féministes sans humour. Limbaugh a également fait du mot « libéral » un mot vulgaire, synonyme de citadins prétentieux avec beaucoup de diplômes universitaires et d’argent. Aujourd’hui, les personnes de gauche et du centre préfèrent se qualifier de « progressistes ».
La gauche détestait Limbaugh pour cela.
Tout au long des années 90, ils ont traité Limbaugh et ses fans de « robots abrutis » racistes et fanatiques, selon la terminologie de Rush. La semaine dernière, la gauche s’est même moquée de la mort de Limbaugh (certains militants ont même posté des « Rest in Piss » sur Twitter). Les grands médias ont méprisé le format même de cette radio populaire, et cela alors qu’en 2004, une version de gauche du Rush Limbaugh Show appelée Air America a été lancée. Parmi ses animateurs figurait le comédien et futur sénateur Al Franken. Malgré une attention massive de la part des grands médias, la radio a fermé définitivement en 201 car Al Franken et d’autres animateurs libéraux n’ont jamais pu reproduire la formule de Limbaugh.
Malgré le fait que les grands médias aient qualifié Limbaugh d’homme blanc colérique, il n’était pas du tout colérique. Au cours de plus de 30 ans de carrière dans la radiodiffusion, il était clair pour tous ceux qui prenaient la peine d’écouter que Limbaugh passait un bon moment. Il se vantait même de sortir du lit le matin et d’avoir hâte d’aller travailler. L’enthousiasme de Limbaugh était contagieux et constituait la clé de son succès. Il abordait également le travail avec humour. « Le talent est un don de Dieu » déclarait Rush.
Une chose est certaine, la mort de Limbaugh laissera un énorme trou dans le paysage médiatique conservateur.
William Stroock (via Infobrics, traduction et adaptation breizh-info.com)
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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