Tout ce qui favorise l’autonomie de la Bretagne va dans le bon sens. À chaque Breton conscient et organisé d’y apporter sa contribution. Mais il y a « autonomie » et « autonomie ». C’est ce qu’il faut expliquer à Gael Briand, rédacteur en chef du Peuple breton à propos d’Arkéa.
Le Peuple breton (N° 685, février 2021) nous livre un article curieux ; on a l’impression de lire un communiqué pondu par le service communication d’« Arkéa ». Ce plaidoyer envers le groupe bancaire oublie de parler du Crédit mutuel de Bretagne, des sociétaires propriétaires de la banque, du mutualisme et des dérives de l’équipe Denis – Le Moal. Pourtant il y a là un beau sujet d’enquête pour les limiers du Peuple breton ; le lecteur apprécierait en effet d’en savoir davantage sur les salaires royaux que s’octroient les dirigeants d’Arkéa, sur le fonctionnement du groupe (disparition de l’esprit mutualiste), sur les investissements à mille lieues de la Bretagne, sur le coût de la guerre avec la Confédération nationale du Crédit mutuel…
Une question pertinente : comment le fameux Jean-Pierre Denis, qui était secrétaire général adjoint de la présidence de la République pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, et qui n’a donc pas de ce fait la tripe mutualiste, a-t-il pu devenir président du Crédit mutuel de Bretagne ? Comment a-t-on pu convaincre des caisses locales – des pantins sans caractère – d’accepter l’intégration dans un machin dénommé « Arkéa », ce qui ne correspondait nullement aux intérêts des sociétaires, des PME et de la Bretagne ? Certes, Jean-Pierre Denis rêvait de devenir le patron d’une « grande » banque, avec les émoluments qui vont avec…
On remarquera que, par touches successives, tout est fait pour que la marque « Arkéa » remplace celle de « Crédit mutuel de Bretagne ». La Confédération nationale du crédit mutuel a voulu mettre un terme à ce tour de passe-passe. C’est pourquoi son conseil d’administration, lors de sa réunion du 2 février, a adopté une « décision de caractère général relative au renforcement de la cohésion du groupe Crédit mutuel ». Arkéa devra mentionner les termes « Crédit mutuel » dans sa communication institutionnelle et commerciale. Les groupes régionaux devront aussi soumettre leurs projets d’acquisition à l’autorisation de la Confédération (Le Télégramme, mardi 3 février 2021). En clair, le CNCM ne veut plus « l’utilisation seule de la dénomination « Arkéa » dans sa communication ; les dernières années, la taille du logo Crédit mutuel a fortement diminué (voire disparu) sur les documents de la banque. Et seule l’appellation Arkéa apparaît dans les activités de sponsoring sportif (bateau Arkéa Paprec, équipe cycliste Arkéa Samsic…). Par ailleurs, une autre disposition du texte prévoit de conditionner certaines acquisitions « significatives » à l’autorisation de la Confédération » (Le Figaro économie, lundi 25 janvier 2021). Il faut reconnaître que « Arkéa banque privée » fait fort avec la création récente de « First business coach », une offre de gestion de patrimoine pour les sportifs professionnels (Le Télégramme, Brest, samedi 13 février 2021). Du mutualisme à l’état pur…
Voilà qui désespère les dirigeants d’Arkéa qui dénoncent le « caractère centralisateur » de cette décision. Hélène Bernicot, directrice générale du Crédit mutuel Arkéa, estime que c’est la « proximité » qui répondra aux « grands enjeux de demain » (Ouest-France, Bretagne, mercredi 3 février 2021). C’est certainement pour répondre à ce besoin de « proximité » que « Arkéa capital », filiale dédiée aux activités de capital-investissement, vient d’ouvrir un sptième bureau à Lyon(Le Télégramme, mardi 16 février 2021).
L’opération « indépendance » n’est donc pas en bonne voie. Pour un libéral comme Jean-Pierre Denis, l’idéal serait de sortir du cadre mutualiste, d’échapper à ses règles, et de se débarrasser de la tutelle de la Confédération nationale du Crédit mutuel. Un « Arkéa » vaguement coopératif ferait l’affaire, avec des sociétaires complètement éliminés de la gouvernance et des administrateurs des caisses locales réduits à l’état de pots de fleurs décoratifs – ce qu’ils sont déjà. Et surtout la possibilité pour les dirigeants de faire du fric sans contrôle.
Un beau chantier pour Gael Briand, rédacteur en chef du Peuple breton ; il pourrait s’atteler à la tâche dans un prochain numéro. Un excellent moyen d’illustrer la devise du canard : « Aujourd’hui, être libre, c’est être informé ». Car publier un article complaisant et foireux n’est pas une obligation lorsqu’on est indépendant…
Bernard Morvan
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