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Sur la souveraineté alimentaire, autrement dit la localisation de la production en France, et plus généralement sur le bras-de-fer entre la grande distribution et les agriculteurs, Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), était l’invitée de l’émission de Julian Bugier Europe Soir, sur Europe 1, jeudi 18 février 2021. Mme Lambert représente une majorité d’exploitants agricoles, la FNSEA ayant remporté plus de 55 % des voix lors des élections de 2019 aux chambres d’agriculture. La voix de la FNSEA porte dans le monde rural. Or, Christiane Lambert avait « carte blanche » sur Europe 1 et elle en a profité pour pousser un « coup de colère » contre les géants de la distribution, à l’approche de la fin des négociations sur les prix entre producteurs et distributeurs.
Selon elle, les négociations se passent mal. L’année a été difficile pour le secteur agricole et « les distributeurs qui s’étaient engagés à jouer le jeu, eux qui ont bénéficié à plein de la fermeture des restaurants puisque leur chiffre d’affaires a augmenté de 6 % » ne respecteraient pas ces engagements, proposant des « baisses de prix ».
L’enseigne Leclerc
La présidente de la FNSEA avait pris comme exemple l’enseigne Leclerc le matin même sur les réseaux sociaux, écrivant : « Il fait sa pub pour un rôti de porc à 3,28 euros le kilo. A ce prix ce n’est pas une promotion c’est une braderie. » Pour la FNSEA, le travail des éleveurs est « bafoué ». Le fait de vendre à des prix aussi bas, « alors que les agriculteurs font sans cesse plus d’efforts dans tous les domaines », ce qui augmente leurs coûts de production, implique « une responsabilité forte de Michel-Edouard Leclerc » dans les difficultés du monde agricole et dans un bras-de-fer de plus en plus tendu.
Comment un exploitant agricole peut-il s’en sortir en vendant sa production à un prix destiné à permettre à la grande distribution de la revendre à prix cassés ? Avec de telles « promotions », il serait même moins onéreux pour un éleveur de ne pas la vendre. Le « juste » prix concernant l’exemple évocateur du rôti de porc est de 6 ou 7 euros le kilo. Pour Mme Lambert, les prix pratiqués sont « une insulte faite aux agriculteurs ». Par la voix de sa présidente, la FNSEA demande donc aux Français, eux qui « aiment leurs agriculteurs », de refuser que les « prix soient toujours tirés vers le bas », ce qui a pour effet de « tuer les exploitations agricoles ». Leur nombre a de fait baissé de près de moitié en moins de 30 ans. Un pays qui n’a plus de racines agricoles, dont les agriculteurs meurent à petit feu ou se suicident, est un pays qui n’a plus de souveraineté alimentaire. Début juin 2020, Macron avait pourtant pris fait et cause pour la souveraineté alimentaire. Des mots creux. La marque de fabrique de cet exécutif, Christiane Lambert le rappelait sur Europe 1 : « Il y a ce qu’ils disent et ce qu’ils pratiquent lors des négociations, qui est tout à fait différent ». •
Paul Vermeulen