NewsGuard déteste Breizh-info comme tout ce qui n’est pas mainstream. Il s’en est pris à nous récemment dans une nouvelle livraison. Ce serait un petit prurit sans importance si Le Peuple breton n’avait mordu à l’hameçon.
À vrai dire, il est un peu étonnant de voir un journal breton de gauche se faire le porte-voix de ce site américain qui s’est auto-déclaré pourfendeur de fake news. NewsGuard Technologies, Inc. n’est ni un service public, ni une association de bénévoles, ni une instance professionnelle, ni même une émanation d’un organe de presse comme les « Décodeurs » du Monde. C’est une société commerciale à but lucratif.
Elle a été créée en 2018 par deux hommes d’affaires américains, Steven Brill et L. Gordon Crovitz. Ils appliquent à l’internet le modèle économique de la ruée vers l’or rendu célèbre par Levi Strauss : ce ne sont pas les chercheurs d’or eux-mêmes qui font fortune mais ceux qui leur vendent des vêtements et des outils. Ils avaient déjà créé ensemble en 2009 une société destinée à aider les sites web à gagner de l’argent. Brill a par ailleurs créé des entreprises de presse et de télévision et publié des essais polémiques sur divers sujets (avocats, écoles, hôpitaux). Crovitz a été directeur de la société d’informations boursière Dow Jones et éditorialiste au Wall Street Journal.
Le principal de leurs actionnaires extérieurs est Publicis, l’agence de publicité multinationale créée en France par Marcel Bleustein-Blanchet. L’engagement de Publicis dans NewsGuard est le fait de Maurice Lévy, son PDG de 1987 à 2017. Vedette du patronat parisien, il a aussi dirigé l’Association française des entreprises privées (AFEP), alias le lobby des grandes entreprises. Il est membre du Siècle, club du gratin de la politique et des affaires mis en lumière récemment par l’affaire Olivier Duhamel.
Les prétentions morales n’excluent pas le sens des affaires
Le business de NewsGuard est la labellisation de sites web. Aux « bons », on décerne une étiquette verte, aux « mauvais » une rouge. Dotée à sa création de 6 millions de dollars versée par ses actionnaires, elle comptait réaliser 2 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel. En vendant des licences à des entreprises de télécoms et aux grands acteurs de l’internet. Ces derniers pourront ainsi « prouver » qu’ils luttent contre les fake news en affichant le label de NewsGuard.
S’y ajoute, au moins de la part de Publicis, un objectif avoué de censure par l’argent. Il s’agit de couper les vivres publicitaires aux sites dépourvus de l’étiquette verte de NewsGuard. « Les annonceurs se préoccupent de plus en plus de la sûreté de leur nom et ne veulent pas aider à financer les fake news et les côtoyer », déclarait Maurice Lévy. Les enjeux commerciaux de la labellisation sont donc énormes.
Quant au fond, nous n’allons pas perdre notre temps à relever une fois de plus les biais idéologiques et les erreurs factuelles de NewsGuard. Le Peuple breton a eu l’honnêteté de citer certaines des réponses que nous y avons apportées. D’une manière générale, NewsGuard – comme ses collègues en Inquisition – considère comme fake news tout ce qui s’écarte des opinions dominantes. Et invoque comme « preuve » ces opinions elles-mêmes !
Breizh-info forcément fake, le NYT forcément honnête
Exemple caricatural : il est reproché à Breizh-info d’avoir reproduit une vidéo « dans laquelle une ancienne généticienne affirme – à tort – que le virus responsable de la Covid-19 a été créé artificiellement ». Cette thèse existe ; la rapporter n’est pas y adhérer. Son auteure se trompe peut-être, comme une proportion énorme des gens qui se sont exprimés sur la pandémie. (À propos, NewsGuard n’a épinglé aucun média pour avoir relayé des élucubrations comme « le masque ne sert à rien », par exemple.) Mais affirmer qu’elle parle « à tort » est ridicule, tout simplement parce que l’origine exacte de l’épidémie est encore inconnue. L’OMS vient même d’envoyer une mission d’enquête en Chine dans l’espoir de la déterminer.
Qu’il nous soit permis de proposer au Peuple breton un petit exercice instructif. Comme nous l’avons relaté récemment, le New York Times a discrètement corrigé le 12 février un article qu’il avait publié le 8 janvier sur le décès du policier Brian Sicknick à Washington, « frappé à mort à coups d’extincteur par un manifestant ». Des sources policières lui avaient dit que… assurait le grand quotidien américain en janvier. Des sources policières lui disent à présent que c’était faux. La quasi-totalité de la presse mondiale avait repris cette fake new. Combien de journaux mettront autant d’énergie à rétablir la vérité qu’à propager le mensonge ? Combien des autres seront dénoncés par NewsGuard pour avoir maintenu l’affabulation ?
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