« L’intendant Sansho » est un chef d’oeuvre plastique de Mizoguchi… mais une terrible épreuve pour les vieillards. Je dirais même que c’est irregardable tellement l’angoisse est flambante dès les premières images. C’est à ne pas visionner à la nuit tombée et juste avant d’aller au lit. Brrrr ! J’ai fait des cauchemars. Vrai… D’autant qu’on part derechef s’identifier à la mère, à la fille, à la bonne et un peu moins au gamin. Et c’était la troisième fois que je regardais… Il est bon de revoir les chefs d’oeuvre de sa jeunesse.
Au lieu de ne rien faire, je me suis attelé à la lecture d’un monument : « Les Téméraires » de Bart Van Loo, chez Flammarion (la bonne maison). Je ne sais pas si vous avez lu ? mais le choc, à quatre-vingt-cinq ans est revigorant. Presque 700 pages, plus deux cahiers d’images en couleurs pour vous raconter la belle histoire des grands ducs de Bourgogne au temps de nos rois débiles : Jean le Bon (jambon), Charles VI, Charles VII (de Bourges) et le punais Louis XI. C’était le temps des grands peintres flamands parlant « thiois » (« la langue des Flamands d’alors », nous dit Le Soir – de Bruxelles, un grand journal) dont je vous épargne la liste difficilement prononçable pour des mécréants d’aujourd’hui — quand on n’a pas de descendants franco-belges, ce qui n’est pas mon cas. Bref, une belle promenade entre Bruges et Gand, la « ville tricheresse », Liège et Maastricht, des bords du Zwin pas encore ensablé aux rives enchantées de la Meuse. Une promenade en compagnie de Deschamps — pas l’aimable artiste du football, assistant de la reine Brigitte pour les « pièces jaunes » qui, cette année, sont « virtuelles » — non, Eustache Deschamp le râleur et son confrère Jean Froissart, deux paroliers de la légende du XVe siècle. Un régal vous dis-je. L’éditeur vous résume : « L’histoire du duché de Bourgogne, une aventure de fastes et de folies, de beauté et de violence… » Mais ça ne suffit pas. Jean sans Peur vint après Philippe le Hardi et avant Philippe le Bon, lequel engendra Charles le Téméraire… Tous Valois.
Comme je suis facétieux j’ai lu, au fil des pages, des allusions à ce qui enrichit notre vie de juste avant la Covid… Par exemple cette citation de Pierre Cochon (l’auteur de la Chronique normande) qui parle du risque de victoire des Gantois menés par Philippe Van Artevelde à la bataille de Rosebecque (27 novembre 1382) : si les Flamands eussent gagné, les bonnes gens « eussent esté gouvernés par merdaille et gens de néant » — ce qui est bien proche de nos « gens de peu »… Hi hi hi… On dirait qu’il parle des vilains « gilets jaunes »… Ou encore cette dame « plus très jeune » retrouvée dans les oeuvres dudit Deschamps ( L’Art de dictier) qui se lamente : « J’ay con estendu, large comme un cabas / Pour hébergier tout le charroy d’Arras »… à laquelle répond le poète sorti de l’oubli : « Je ne puis la queue mouvoir ». Ce qui est la dernière convulsion de son tempérament acariâtre. A cette époque, on mourait jeune. Le grand Eustache s’est éteint à soixante-quatre ans. Que l’auteur, malicieux historien de son état, se prénomme « Bart » ne m’étonne pas. J’y ai vu concomittance avec mon héros préféré des « Simpson »… Tsss…
Ennemi ou pas du genre humain, lisez, lisez, ce monument. On pourrait juste lui reprocher de citer un auteur contemporain inopportun qui a donné tant « d’amour » à la Bourgogne du XXIe siècle… page 128.
Je suis au désespoir. Le téléphone vous avertit : la fourniture du vaccinum n’étant pas assurée, rien à faire… Vous pouvez vous mordre les mains et vous coupez les doigts avec vos dents comme « le Zek » dans ce film de Tom Cruise, « Jack Reacher », c’est nib de résultat. Certains médecins de Molière, pendant ce temps, vont jusqu’à prôner une réduction des vieux à Narayama, les salauds. Pourtant, nous vivons une belle époque « franco-russe », je vous le dis. Car il ne faut pas confondre Spoutnik V et Novitchok…
MORASSE
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