Les élections de ce samedi 14 février ont confirmé l’ancrage des indépendantistes en Catalogne avec 74 sièges (+4).
Pourtant, en nombre de voix, le PSC-PSOE (socialistes « constitutionnalistes ») arrive en tête, d’une courte tête devant ERC (Gauche Indépendantiste), les deux formations engrangeant 33 sièges chacunes. Mais le PSC se sent bien seul dans le camp espagnoliste puisque les autres formations favorables au maintien au sein de l’Espagne ressortent moribondes du scrutin : Ciutadanos, la formation centriste et violemment anti-indépendantiste, perd 30 députés, le PP (droite espagnoliste) se partisocialise avec seulement 3 représentants dans la prochaine assemblée.
En fait, les opposants les plus farouches à l’indépendance semblent désormais préférer Vox, parti d’extrême-droite néo-franquiste qui propose « d‘interdire l’Indépendantisme » en tant qu’opinion. Mesure qui conduirait à la guerre civile en Catalogne tant la question est prégnante et divise de plus en plus une société qui se scinde progressivement en deux communautés. Vox fait une percée avec 11 députés et devient, de fait, la quatrième force de politique de Catalogne.
La ligne politique des néo-franquistes ne change pas avec la déclaration choc hier soir d’Ignacio Garriga, seul leader politique noir d’Espagne : « ils avaient dit que nous ne passerions pas, je leur dit que nous sommes passés et que nous allons continuer jusqu’à les déloger de toutes les institutions catalanes » en parlant des indépendantistes. Il y a encore du travail pour la formation espagnoliste qui demeure inexistante dans la Catalogne profonde et s’ancre essentiellement dans la population d’immigrés espagnols anti-indépendantistes. Un comble pour une formation…anti-immigration!
Malgré une remontada dans les sondages au cours des derniers jours de la campagne, Junts (droite indépendantiste) n’arrive pas en tête. Notons cependant que la majorité des comarques ruraux du pays, notamment au nord et au centre, continuent de voter Junts. La configuration habituelle des alliances fait, cependant, que Junts devrait participer au futur gouvernement présidé par l’ERC Per Aragonès.
Laura Borràs,candidate de Junts est soupçonnée de favoritisme. Image d’une société fracturée en Catalogne. pic.twitter.com/ScaZoy14Uy
— Breizh-Info (@Breizh_Info) February 14, 2021
Les gauchistes au centre du jeu
Rôle de composition pour une formation d’extrême-gauche : la CUP apparaît, une fois encore, comme le faiseur de roi. Avec 9 sièges (+5) et 6,6% des voix (contre 4,4% au dernier scrutin), les cupaires n’échapperont pas à un N-ième débat interne sur la stratégie à venir et leur participation ou non au futur gouvernement autonome. D’une manière ou d’une autre, ERC aura besoin des gauchistes pour former une majorité stable. Malheureusement, toute discussion avec la CUP tourne souvent à la course au maximalisme, la conférence de presse le poing levé d’hier soir fut un bon indicateur des futures exigences des cupaires.
Les catalans lassés des atermoiements des partis plus modérés comme ERC en matière d’indépendantisme devraient cependant avoir des représentants motivés et remuants en la personne des 9 députés CUP.
Victoire à la pyrrhus pour le PSC/PSOE
Salvador Illa et l’état-major PSC/PSOE étaient sur un petit nuage hier soir après la victoire des constitutionnalistes de gauche en nombre de voix. Avec 16 députés de plus qu’en 2017 et quelques milliers de voix d’avance, le PSC semble cependant représenter l’essentiel du camp espagnoliste, sachant, de surcroît, que le gouvernement de Pedro Sánchez à Madrid est pieds et poings liés à ERC et son « abstentionnisme » aux Cortès, n’entravant ainsi pas la fragile majorité PSOE.
Le résultat positif du PSC doit cependant être pondéré par sa localisation : à part en Val d’Aran (occitanophone) où le parti a un accord avec une petite formation occitaniste locale, et dans quelques secteurs épars, le PSC n’est réellement en tête que dans l’immense banlieue de Barcelone à majorité étrangère et « espagnole » (notamment andalouse) ainsi que sur une bande côtière surpeuplée et très espagnole en matière de peuplement. Partout ailleurs en Catalogne rurale et dans les grandes villes comme Girona règnent les formations indépendantistes.
Confirmation d’un indépendantisme ancré
A l’issue de ces élections et malgré une forte abstention et une certaine morosité dûe à la pandémie, les catalans confirment leur volonté d’indépendance. Les mois à venir devraient voir une bataille autour de la question de l’amnistie des prisonniers et d’un éventuel référendum légal, même si la crise sanitaire et la crise économique qui s’annonce atténueront les sempiternelles questions institutionnelles.
On voit cependant mal comment l’Espagne pourra tenir éternellement la Catalogne dans son giron.
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