Le mandéisme est une religion gnostique, abrahamique, baptiste et monothéiste. Avant le déclenchement de la guerre d’Irak, 65 000 mandéens, appelés sabéens par les musulmans vivaient le long de l’Euphrate et du Tigre dans la région de Bassorah, tandis qu’une petite minorité était installée dans le Khuzestan iranien. Depuis, ils ont été persécutés par le gouvernement iranien, par Daesh et par les chiites ; ils ne seraient plus que 5 000 dans l’Irak actuel, les autres ayant migré principalement aux États-Unis ou au Canada. 500 sabéens se seraient exilés en France dans la région de Tours.
Ils parlent un araméen qui se rapproche d’un dialecte de l’antique Babylone et n’est pas l’araméen de Palestine, la langue du Christ ( depuis 600 avant JC, les Juifs palestiniens n’utilisaient plus l’hébreu comme langue de tous les jours). L’origine du mandéisme est mystérieuse et les débats font rage entre les spécialistes. Les écrits des mandéens datent du XVIi ème siècle, mais une étude attentive de la chaîne de la transmission orale des textes fait remonter le mandéisme jusqu’au II siècle après Jésus-Christ. Quelques experts voient dans les mandéens des héritiers des elkasaïtes une secte judéo-chrétienne qui a connu un certain succès en Perse et en Mésopotamie. C’est au sein de cette religion qu’a grandi Mani, le fondateur du manichéisme. Néanmoins, l’origine elkasaïte semble peu probable, car les elkasaïtes se voulaient à la fois Juifs et Chrétiens alors que les Mandéens rejettent Jésus.
D’autres spécialistes font remonter la fondation du mandéisme à Dosithée, un Samaritain (Les Samaritains, encore présents à l’époque actuelle, pratiquent un judaïsme archaïque). Dosithée faisait partie des 30 disciples de Jean-Baptiste (ils étaient autant que le nombre de jours dans un mois lunaire). Après l’exécution du prophète, Dosithée a regroupé les fidèles du supplicié qui ont refusé de se rallier au christianisme alors naissant. Il aurait prétendu être le messie attendu par les Juifs et les Samaritains. En 36 après JC, il a provoqué un vaste rassemblement sur le mont Gazirim, le mont sacré des Samaritains. Inquiet devant une telle concentration de fidèles, Ponce-Pilate, le procurateur qui officiait à l’époque de Jésus, a ordonné une violente répression. Les principaux chefs de ce mouvement ont été exécutés, Dosithée, traqué par les Juifs, serait mort de faim en se cachant dans une grotte. Ponce-Pilate a été rappelé à Rome suite à ces événements pour s’expliquer devant l’Empereur.
Les partisans de Jean-Baptiste qui rejetaient le Christ se sont alors divisés en 2 groupes. L’un serait resté en Palestine sous la direction de Simon le mage, un personnage ambigu un temps tenté par le christianisme et qui a donné son nom à la simonie, car il aurait proposé à Saint Pierre de lui acheter le droit de faire des miracles. L’autre groupe aurait migré vers 37/38 en Mésopotamie où la doctrine naissante du mandéisme a été influencée par le mazdéisme, la religion des Perses. Après la conquête de l’Empire sassanide par les Arabes, les mandéens ont dû préciser leurs croyances afin de bénéficier de la protection accordée par l’Islam aux « religions du livre ». Le fait qu’ils vénèrent Jean-Baptiste, prophète reconnu par Mahomet, leur a permis de faire partie à côté des chrétiens et des Juifs des 3 groupes autorisés à pratiquer leur religion en terre d’Islam moyennant le paiement d’un tribut. Le Coran les cite en employant le nom de sabéens pour les désigner.
Les mandéens sont gnostiques, c’est-à-dire qu’ils mettent en avant la gnose (connaissance) doctrine qu’il faut étudier pour élever l’âme et la libérer de la matière. Néanmoins, leur théologie n’est pas fixée et on connaît beaucoup de versions de la création du cosmos. Les mandéens sont, comme tous les gnostiques, dualistes, ils mettent en avant une séparation nette entre la lumière et les ténèbres. Le monde matériel a été créé par le prince des ténèbres Pathil, mais avec l’accord de Dieu qui règne sur la lumière. Le corps appartient au monde matériel et l’âme à la lumière. Le but comme dans toute religion gnostique (comme le manichéisme et le catharisme) est qu’après la mort, l’âme se sépare du corps pour monter au ciel. Néanmoins, le corps qui a été voulu par Dieu représente une forme de perfection et n’est pas impur comme l’enseignaient les manichéens et les gnostiques chrétiens. Pour cette raison, les mandéens rejettent la circoncision et s’ils reconnaissent Abraham, ils ne le placent pas au rang de prophète. Ils rejettent de même Mahomet et Jésus. Selon une de leurs légendes, Jésus aurait demandé à Jean-Baptiste de le baptiser, mais les Juifs qui souhaitaient perturber cette cérémonie, aurait versé un colorant bleu dans l’eau du Jourdain afin de la rendre impropre au baptême. Heureusement, 2 anges seraient descendus du ciel avec une coupe d’eau permettant d’oindre le messie des Chrétiens.
Le baptême dans l’eau d’une rivière ou d’un fleuve est le principal sacrement du mandéisme. Il est renouvelé chaque dimanche ou lors des fêtes religieuses. Les mandéens ont pour symbole le Darfash (grande bannière en araméen) qui ressemble curieusement à une croix, mais il s’agit de deux rameaux d’olivier entrecroisés dont les pointes indiquent les points cardinaux, l’extrémité verticale montrant le ciel. Vers 1620, quand des missionnaires carmes envoyés par les Portugais d’Ormuz, sont venus évangéliser les mandéens, ils ont pris le Darfash pour une croix, d’où le surnom qu’ils ont donné aux sabéens de chrétiens de la Saint-Jean. Ils pensaient même dans un premier temps que le Jean révéré par ces sectaires était Jean l’évangéliste et non Jean-Baptiste.
Le mandéisme est une religion à part, ultime héritière en 2020 de l’effervescence gnostique des premiers siècles. C’est une religion en péril, dont le nombre de membres diminue inexorablement. Les mandéens qui ont émigré aux USA et au Canada ne peuvent pas en effet pratiquer leurs rites correctement.
Christian de Moliner
Illustration : DR
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Une réponse à “Les mandéens ou chrétiens de la saint Jean.”
Le passage : « Les mandéens sont, comme tous les gnostiques, dualistes, ils mettent en avant une séparation nette entre la lumière et les ténèbres. » ne me parait pas correct Les gnostiques adeptes de l’Evangile de Thomas ne sont pas dualistes. Emile Gillabert (1914 – 1995) l’a souvent affirmé dans ses livres.