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Un ministre danse et les étudiants déchantent. Vraiment l’épidémie de COVID aura été le révélateur cruel de la déliquescence de la politique étatique concernant la jeunesse. Comme oubliée, elle doit tout payer. L’incurie de ses parents, l’inconscience de ses grands-parents. Petits-enfants des déconstructeurs, enfants du divorce et de l’explosion, plutôt de l’assassinat, de la cellule familiale, la jeunesse se perd et s’enivre faute de s’enraciner et de se construire. On se cherche une nouvelle sexualité, on cherche chaque jour une nouvelle intersectionnalité, une nouvelle convergence de lutte et une nouvelle transcendance. Perdus dans le désespoir que causerait une planète malmenée par l’exploitation humaine, perclus d’angoisse devant un avenir qui s’annonce brutal, au mieux maussade, cette jeunesse ne sait plus à quel saint se vouer.
Comme en écho, l’université française se délite. Bâtiments vieillissants, égalitarisme créant un nivellement par le bas sans précédent, ce qui fut le symbole du bouillonnement intellectuel européen n’est plus que l’ombre de lui-même. Chargés de TD payés au lance-pierre, recherche en voie de clochardisation avancée, investissement dans d’absurdes études du genre et bienveillance coupable vis à vis de syndicats étudiants enclins à la démagogie, tel est le lot de l’université française. Magnanime, l’Etat leur concède quelques manifestations encadrées et quelques blocages de lycées car il faut bien que jeunesse se passe, pense du haut de son siège l’élite politico-médiatique pensant avec nostalgie à son passé trotskiste.
Dans ces conditions, comment imaginer l’état de cette jeunesse après un an de confinement, de cours à distance et de politique erratique sans le moindre bout de tunnel à entrevoir ? On se plaît à signifier à ces jeunes qu’ils ne sont pas malheureux comparé à ceux qui ont traversé 39-45, argument fallacieux. A-t-on expliqué à la jeunesse de la France occupée qu’elle peut s’estimer heureuse de ne pas avoir connu la Peste noire ou la chute de Rome. A chaque génération ses défis. Celle de nos grands-parents risquait sa vie sous les bombes. La nôtre la risque sous les antidépresseurs et une acédie des plus cruelle. Sans tomber dans une sorte de lyrisme adolescent, plutôt la guerre qu’une lente agonie de l’âme. Ce gouvernement incapable de procéder à un confinement sélectif des populations fragiles punit une génération entière car, de surcroît, il sait que sa base électorale repose sur le troisième âge. Ainsi, ces étudiants, privés de travail alimentaire au vu de la fermeture des établissements de restauration et des bars, des vacances organisées ou des animations culturelles, condamnés à passer leurs journées derrière un ordinateur dans l’espoir de suivre des cours et taraudés par la peur de l’échec s’isolent de plus en plus et prennent de plein fouet la perte de ce qu’on leur présentait comme une fin en soi : l’ivresse de la fête. La solitude de l’individu postmoderne lui explose donc à la figure. Le bruit des « after-works » des soirées étudiantes et des défonces en boîte n’est plus là pour masquer la réalité d’une vie passée à se fuir. Curieux retournement de situation qui aurait fait rire jaune Philippe Muray. Exit la génération festiviste, bienvenue à la génération lexomil.
Etienne Defay