Fédérer les Bretons n’est pas une tâche facile. Ce fut possible du temps de René Pleven et de Joseph Martray avec le Célib. Daniel Cueff, qui ambitionne de monter une liste aux prochaines élections régionales, aimerait « retrouver cet esprit ».
Daniel Cueff fut conseiller régional de mars 2010 à décembre 2015 ; il figurait alors sur la liste conduite par Jean-Yves Le Drian (PS) en tant que représentant d’une petite boutique dénommée « Bretagne écologie ». Mais la gloire médiatique lui fut acquise lorsque, en tant que maire de Langouët (commune au nord de Rennes), il signa un arrêté (18 mai 2019) qui limitait l’épandage des pesticides à moins de 150 mètres des habitations.
Ne s’étant pas représenté aux dernières élections municipales, il visait plus haut : les élections régionales. Mais pas question de s’allier avec les écologistes d’EELV : « Je ne les ai pas contactés et je n’envisage pas de le faire. Je souhaite conduire ma propre liste. » (Ouest-France, Bretagne, 3 – 4 octobre 2020). Il vient de franchir le Rubicon : « Oui, je suis candidat aux régionales. » ; il a officialisé sa candidature à Roscoff le 22 janvier dernier en présentant le nom de sa liste – « Bretagne, ma vie » – une liste qui se veut apolitique. Son modèle : « Le Célib qui, dans les années 1950, avait permis à des gens de retrousser leurs manches en laissant de côté leurs étiquettes pour sortir la Bretagne de sa misère agricole. Est-ce qu’on ne pourrait pas retrouver cet esprit et se mettre d’accord sur des challenges pour la Bretagne, notamment autour de l’évolution climatique ? » (Le Télégramme, Bretagne, mardi 12 janvier 2021).
On remarquera qu’il est de bon ton, ici et là, de faire référence au Comité d’études et de liaison des intérêts bretons ; c’est presque une mode. Mais le Célib, c’est d’abord l’affaire de deux personnages exceptionnels. Le premier, Joseph Martray, en eut l’idée et mit le comité sur les rails ; personnage important du Mouvement breton, breveté résistant, il recherchait un moyen de relancer la cause bretonne après la guerre 39 – 45. Le second, René Pleven, un des premiers compagnons du général de Gaulle à Londres, était une « star » – dixit Martray – de la politique sous la IVe République. Quinze fois ministre, deux fois président du Conseil, président du conseil général des Côtes-du-Nord, député de ce même département, il faisait figure de leader de la Bretagne aux yeux des élus – tout le monde, en particulier les députés et sénateurs, de droite et de gauche, se rangeaient derrière lui (sauf les communistes). Bien que surnommé le « menhir mou » par les journalistes parisiens, il savait s’imposer lorsque les intérêts de la Bretagne le commandait. C’est au cours d’un dîner débat organisé dans une brasserie parisienne que Pleven accepta de devenir président du Célib après que Martray eut montré, dans un exposé, la situation catastrophique dans laquelle s’enfonçait la Bretagne.
Peut-on mettre sur pied aujourd’hui quelque chose qui ressemblerait au Célib ? Difficile, faute de disposer d’un Martray et d’un Pleven. Bien sûr, il y a Jean-Yves Le Drian. Mais il n’est plus président de la Région, ce qui l’affaiblit considérablement et l’empêche de fédérer autour de lui tout ceux qui comptent en Bretagne. Et on ne peut pas dire que ses « progressistes bretons – Breizh Lab » soit une grande réussite… Notons également que l’élection du président de la République au suffrage universel et les élections législatives au scrutin majoritaire ne favorisent pas davantage une opération de type Célib. Les élus – et les autres – sont forcément divisés en deux camps : ceux qui soutiennent le gouvernement et ceux qui le combattent. Alors que l’esprit du Célib, c’est « unvaniezh » !
Bernard Morvan
Crédit photo :DR
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