Ce 11 janvier vers 20h30, pour la troisième fois en quatre jours, les armes ont parlé devant le Building, cette barre d’immeuble qui domine les Dervallières, quartier « sensible » à l’ouest de Nantes. La cage d’escalier du 12, rue Edmond Bertreux, a été visée déjà par 12 balles de calibre 12, le 7 janvier dernier vers 21h30, tandis que les tireurs, embarqués dans une voiture, tiraient le même soir, cinq minutes plus tard, sur un homme qui s’enfuyait rue Louis le Nain, tout près. Cette fois, la fusillade a fait deux blessés, dont un jeune de 15 ans à la carotide. Car le 12 abrite un point de deal très juteux, depuis près d’un mois.
Il y a quelques semaines, un autre point de deal tombait au 16, tout près – les dealers avaient même distribué des cartes de fidélité à leurs clients, offrant 20 € de marchandise après 10 achats, soit 2 grammes de résine de cannabis, 1.5 grammes d’herbe ou 0.5 grammes d’héroïne. Dans la cage d’escalier du 16, le deal, sous diverses formes, est actif depuis quatre ans au moins. Le 12 a été colonisé par un réseau de dealers pendant le premier confinement de 2020.
Mais dans le quartier, d’autres points de deal sont récurrents, au 10 de la même rue, mais aussi rue Jacques Callot, rue Louis le Nain, rue Watteau, rue Lorrain… en septembre 2020, dans un des immeubles du quartier, les guetteurs filtraient les entrées et demandaient aux riverains et à leurs invités de décliner leur identité et la raison de leur passage – des riverains dénonçaient alors des agressions en chaîne, ainsi qu’une insécurité qui avait explosé depuis 7 à 8 ans.
Des dealers d’origine extra-européenne
Au 12, on retrouve des dealers d’origine extra-européenne qui viennent d’ailleurs – en l’occurrence de Bellevue, un autre quartier « sensible » à l’ouest de Nantes, plus important que les Dervallières et qui compte plus de réseaux délinquants ; les guetteurs, dont un de 11 ans et un de 13, seraient issus du quartier. « Le trafic se passe dans l’escalier, à compter leur pognon. Y a la came et la petite balance à la vue de tous ; les dealers bloquent le passage dans l’escalier et l’entrée où ils rentrent leur scooter », explique un riverain.
Cependant, comme en avril, ils s’appuient sur des complicités dans la cage d’escalier – en l’occurrence un consommateur aussi connu des forces de l’ordre pour violences et infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS).
Selon nos informations, ledit locataire abriterait chez lui les dealers en cas de descente de police… ou attaque des concurrents. Chaque soir, les dealers et veilleurs trouvent aussi dans sa boîte à lettre, toujours ouverte, leur casse-croûte, dont ils laissent les boîtes en polystyrène joncher le sol du hall, leur « vacation » terminée sur les coups de 3 à 4 heures du matin. Le point de deal est ravitaillé par une voiture de couleur sombre, généralement en milieu d’après-midi et dans la soirée.
Des riverains s’insurgent contre la mainmise des dealers sur leur quartier et leur cage d’escalier – certains se sont faits menacer, traiter de « poukaves » (balances) et bousculer par les dealers ou leur complice plus local ; ce locataire, déjà connu pour violences, n’est néanmoins pas expulsé par Nantes Habitat malgré de nombreux signalements. Selon nos informations, une plainte aurait été déposée récemment contre lui, pour une énième agression. Par ailleurs, avant le Nouvel An, une pétition et un courrier des riverains ont été transmis à Nantes Métropole Habitat avec copie au préfet.
Les pouvoirs publics aux abonnés absents ?
Ce 11 janvier, la fusillade a fait deux blessés – dont un jeune de 15 ans touché à la carotide ; il a été soigné sur place par les pompiers avant d’être hospitalisé. Les riverains du quartier s’attendent au pire. « Ils viennent et tirent dix, douze coups de feu en début de soirée [juste après le début du couvre-feu] alors qu’il peut y avoir des voisins, des enfants dans le hall. On a eu de la chance de ne pas avoir de morts encore. Ça fait des semaines qu’on tire la sonnette d’alarme, qu’on prévient les pouvoirs publics, qui font l’autruche, Nantes Habitat renvoie la balle à la Tranquillité publique [qui dépend de la mairie de Nantes] et la police ; le 24 [décembre], plusieurs locataires ont appelé la police, personne n’est venu, y a jamais de véhicule disponible bien sûr – à croire qu’ils préfèrent venir relever les blessés graves et ramasser les balles. Un jour il va finir par y avoir un mort – qu’ils ne disent pas que personne ne les a prévenus ».
Louis Moulin
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