Il existe actuellement 4 religions révélées, à portée universelle : le judaïsme, le bouddhisme, le christianisme et l’Islam. Il en existait une cinquième qui a été à un moment fort populaire et qui a recruté de nombreux adeptes depuis la Gaule jusqu’aux côtes de Chine : le manichéisme.
Cette religion aujourd’hui totalement disparue a été prêchée par Mani (216-277) un prophète qui déplorait que les fondateurs du christianisme et du bouddhisme n’eussent pas laissé d’écrits derrière eux ; selon lui leur enseignement avait été altéré après leur mort par leurs disciples, aussi il a veillé à coucher soigneusement sa doctrine sur des parchemins. Par sa mère, Mani était apparenté à la dynastie parthe Arsacide qui régnait alors sur l’Iran, l’Irak et l’Arménie. Son père Patik, un noble parthe, aurait eu une vision alors que son épouse était enceinte : un ange lui aurait enjoint de renoncer à la viande, au vin et aux rapports sexuels. Patik avait alors quitté sa femme et rejoint une communauté elkasaïte, une secte judéochrétienne. Quand Mani a eu quatre ans, son père est venu le chercher pour qu’il vive avec lui. Mani aurait eu deux visions en 228 et en 240, correspondant aux âges symboliques de 12 ans et 24 ans. Il aurait été visité par un ange, son jumeau cosmique, qui lui a ordonné en 240 de quitter sa communauté et de prêcher la parole du Christ. Obéissant à cette injonction, Mani a voyagé en Inde sur les traces de Saint Thomas avant de se rendre dans le royaume indo-grec, un vaste état qui 500 ans après les victoires d’Alexandre s’étendait sur l’Afghanistan actuel et le Nord de l’Inde et était dirigé par des rois de langue grecque et de religion bouddhiste. En 242, Mani a rejoint la cour du roi Shapur I, deuxième souverain de la dynastie sassanide qui a renversé les arsacides en 224. Shapur I séduit par la doctrine de Mani lui a donné l’autorisation de prêcher librement sa foi dans son royaume. La nouvelle religion a pris rapidement son essor et a attiré de nombreux adeptes.
Mais tout a changé en 272 avec l’avènement du nouveau roi, Bahram I, fils du précédent qui a favorisé un retour au mazdéisme l’antique religion perse. Persécuté, Mani s’est réfugié au Khorasan où il comptait de nombreux disciples parmi les nobles locaux. Inquiet d’une possible rébellion, Bahram I a feint de se réconcilier avec Mani et l’a attiré dans sa capitale Ctésiphon où il l’a fait mettre à mort en 277. L’agonie du Prophète a été longue, 26 jours, le but étant de le faire mourir d’épuisement en le chargeant de chaînes. Ses adeptes percevront son exécution comme une transposition de la Passion du Christ et utiliseront le mot impropre de crucifixion pour parler de sa fin.
L’enseignement de Mani connut un essor fulgurant dans l’Empire Romain, dans l’Empire Perse, dans la péninsule Arabique, en haute Asie et en Chine. Il a notamment influencé l’islam. Saint Augustin, le célèbre Père de l’Église, a été manichéen avant de devenir catholique. En 762 le Khan des Ouïghours, un peuple turc habitant en Mongolie s’est converti au manichéisme. Ayant sauvé la même année l’Empereur de Chine, il obtint en récompense de ce dernier la liberté de culte pour le manichéisme. Cette religion rencontra un grand succès en Chine où Mani fut connu comme le Bouddha de lumière. Néanmoins, elle fut interdite dans ce pays en 840 aux lendemains de la défaite des Ouïghours face aux Kirghizes. Le manichéisme s’est maintenu jusqu’en 1342 chez les Ouïghours aux côtés du christianisme nestorien et du bouddhisme. Ce peuple fut, après cette date, converti de force à l’islam. En Chine, l’influence du manichéisme a persisté pendant plusieurs siècles par l’intermédiaire de sociétés secrètes. La dynastie Ming qui renversa en 1368 les Mongols fut aidée par la secte du Lotus Blanc qui intégrait dans sa doctrine des pratiques manichéennes.
La religion syncrétique de Mani est influencée par le christianisme le brahmanisme, le judaïsme, le bouddhisme et dans une moindre mesure par le mazdéisme la religion officielle de l’Empire sassanide. Elle se base sur la lutte cosmique de l’Empire des ténèbres, associé au mal, contre le royaume de la lumière qui personnifie le bien. De ce conflit l’Homme est né : son esprit appartient au monde de la lumière et est immortel, son corps appartient aux ténèbres et est mortel.
Selon le manichéisme, la mort a 2 facettes : l’homme attaché à la vie matérielle est incapable de libérer son esprit et se réincarnera dans un nouveau cycle. En revanche, celui qui a su se libérer des contingences matérielles, verra son esprit réintégrer le royaume de la lumière.
Les manichéens étaient séparés en deux groupes : d’une part, les élus qui passaient leur temps à prêcher, devaient mendier leur subsistance, étaient voués au célibat et à l’abstinence sexuelle. Ils étaient également végans. Ils avaient l’assurance qu’après leur mort, leur esprit revenait dans le royaume de la lumière. Il existait une hiérarchie religieuse chez les élus au sommet de laquelle se serait trouvé un « pape », mais ce fait est controversé.
Le groupe principal, les auditeurs avaient le droit de se marier, mais on leur déconseillait d’avoir des enfants. Ils devaient servir les élus et jeûner un jour par semaine. Après leur mort, les auditeurs pouvaient espérer être réincarnés en élus, mais le plus souvent il fallait plusieurs cycles de réincarnations pour atteindre ce niveau.
Le statut est déterminé à la naissance suivant les ancêtres et la famille de l’enfant. Un auditeur ne pouvait pas de son vivant être déclaré élu, mais un élu qui aurait violé gravement les lois de Mani pouvait être rétrogradé en auditeur. Le but du manichéisme de réintégrer tous les auditeurs et tous les élus dans le royaume de la lumière. Cette religion prône donc à l’instar de certains écologistes l’extinction de l’humanité.
La vie des manichéens était dure et réglementée. On leur recommandait de s’abstenir de manger de la viande et de fuir les plaisirs de la chair, mais les écarts à ces règles étaient tolérés chez les auditeurs. Les manichéens n’avaient pas le droit de tuer ou de blasphémer. Ils devaient prier 4 fois par jour (en ce sens ils auraient influencé l’Islam) pour chacune des positions du soleil. Ils devaient également faire l’aumône d’un septième des biens qu’ils possèdent. Ils devaient respecter les dix commandements de Mani qui réglementaient autant la vie sociale que religieuse. Ils étaient en outre contraints de se confesser publiquement tous les lundis
Les élus, outre les obligations des auditeurs, devaient impérativement suivre la règle des 3 sceaux qu’ils n’avaient en aucun le droit de briser. Le sceau de la main interdisait la participation aux activités pouvant donner la mort (chasse, guerre). Celui de la bouche représentait la discipline de la parole et celle du régime alimentaire qui se réduisait à la consommation d’herbes. Enfin, le sceau du sein proscrivait les relations sexuelles. Ils laissaient pousser leurs cheveux, portaient des vêtements blancs, priaient 7 fois par jour et la majeure partie de la nuit, s’isolaient les soirs de pleine lune. Mais leur principale tâche était d’enseigner la doctrine de Mani aux auditeurs.
Comme dans toutes les religions, une forme d’hypocrisie était courante chez les élus : nombre d’entre eux violaient allégrement les règles d’airain qui pesaient sur eux. En outre, l’attribution du statut aux nouveaux-nés créait des tensions et générait de la corruption.
Le catharisme, hérésie chrétienne a de nombreux points communs avec le manichéisme. Les fidèles de cette religion était divisés en parfaits et croyants, mais ce statut n’était pas déterminé à la naissance. Tous naissaient croyants et pouvaient devenir parfaits en recevant un sacrement appelé consolament. Les parfaits étaient végans et devaient pratiquer l’abstinence sexuelle, mais les plaisirs de la chair n’étaient pas bridés chez les croyants . Les cathares se voulaient chrétiens et prétendaient revenir aux pratiques de l’Église primitive. On pense qu’ils ont été influencés par les Bogomiles, une secte bulgare, héritière elle-même des hérésies paulicienne, de Marcion et de Valentin. Le manichéisme était également une source d’inspiration des bogomiles.
Christian de Moliner
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2 réponses à “Des végans de l’Antiquité : les manichéens.”
Article intéressant, mais pourquoi, diable, dès la première phrase, mettes-vous une majuscule à « islam » et pas aux trois autres religions ?
Navré j’ai fait un erreur. En principe on ne met de majuscules aux noms des religions