C’est une révélation inquiétante de la part des autorités de Singapour : elles auraient permis l’accès à la police aux données de traçage des cas contacts du Covid-19.
À Singapour, un recueil de données aux fins obscures
L’information va très probablement dégrader la confiance des citoyens de Singapour dans leur gouvernement. Ce dernier leur a effectivement menti. Ainsi, le système de traçage des contacts du Covid-19, censé n’être destiné qu’à des fins sanitaires, est finalement aussi accessible par les services de police singapouriens.
La révélation de cette autre utilisation des données collectées n’est pas une fantaisie glanée sur les réseaux sociaux mais bien un aveu de la part de Desmond Tan, ministre de l’Intérieur de Singapour, devant le parlement le 4 janvier dernier. Interrogé par un député sur cette éventualité de voir l’accès au système TraceTogether autorisé à la « Singapour Police Force », il a déclaré que « les forces de police de Singapour ont l’autorisation d’obtenir toutes les données, y compris celles de TraceTogether, pour des enquêtes criminelles ». Les choses sont donc on ne peut plus claires tandis que les autorités singapouriennes avaient assuré à plusieurs reprises auparavant que l’application n’aurait pour seul but que de lutter contre la pandémie de Covid-19 dans le pays…
Une large majorité d’habitants a déjà téléchargé TraceTogether
Suite à la reconnaissance de ce changement radical de cap, le ministre des Affaires étrangères de Singapour Vivian Balakrishnan a voulu jouer l’apaisement le lendemain, 5 janvier, en affirmant que, selon les informations en sa possession, la police n’avait eu recours qu’une seule fois jusqu’alors aux données de TraceTogether dans le cadre d’une enquête pour meurtre.
Le ministre ajoutant que lorsque « l’épidémie sera terminée et qu’il n’y aura plus besoin de traçage des contacts, nous clôturerons volontiers le programme TraceTogether ». Une application qui aura, par son efficacité, notamment inspiré la version que nous connaissons en France, à savoir StopCovid.
Mais, contrairement à l’Hexagone, le système de traçage a remporté un franc succès à Singapour puisque 4,2 millions de personnes l’ont téléchargé, soit environ 78 % des citoyens de la cité-État.
Quelle frontière entre liberté et sécurité ?
Pour l’ONG Human Rights Watch, ces informations « révèlent comment le gouvernement a exploité secrètement la pandémie pour renforcer sa surveillance et son contrôle sur la population », a ainsi déclaré son directeur pour l’Asie Phil Robertson.
En outre, pour expliquer le succès de TraceTogether, il faut préciser que les autorités singapouriennes ont conditionné l’accès à des endroits publics (administrations, centres commerciaux, lieux de culte…) au téléchargement de l’application de traçage.
Pour justifier l’autorisation d’accès aux données pour la police, Desmond Tan a ajouté également : « Nous n’empêcherons pas l’utilisation des données de TraceTogether dans des circonstances où la sécurité des citoyens est ou a été affectée, et cela s’applique à toutes les données ». Mais le flou autour de la définition de « sécurité des citoyens » a de quoi laisser perplexe, surtout lorsqu’elle tend à s’appuyer sur un outil de surveillance de masse…
Crédit photo : Wikimedia Commons (CC/ProjectManhattan) (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Singapour. Application de traçage du Covid-19 : de la lutte contre la pandémie au fichage policier ?”
Justement, le Forum Economique Mondial de Davos déménage à Singapour. Officiellement parce que la pandémie (dans laquelle il voit une opportunité !) y serait sous contrôle. Ou parce qu’y organiser des manifs sera beaucoup plus difficile ?