La série de bandes dessinées Murena, graphiquement superbe, dont le tome 11 vient de sortir, offre une vision de la Rome antique particulièrement crédible.
En 64 après JC., au lendemain du grand incendie de Rome, l’empereur Néron est en proie au doute. Lucius Murena, son seul ami, a disparu. Celui-ci aurait-il participé à un complot contre lui ? Mais Murena est entre les mains d’une intrigante, Lemuria, la sœur de Pison, qui l’a drogué afin de faire de lui l’objet de son plaisir. Lucius décide de la fuir et de rentrer à Rome. Mais, par l’effet de la drogue, sa mémoire est défaillante. Seul Pétrone peut l’aider. Pendant ce temps, Pison et d’autres proches de l’empereur préparent son assassinat pour prendre le pouvoir. Murena rencontre alors une redoutable gladiatrice, surnommée » l’Hydre « , qui détient un secret qu’elle ne peut partager qu’avec Néron…
La célèbre série de bandes dessinées historiques Murena, scénarisée par Jean Dufaux et dessinée par Philippe Delaby puis Theo Caneschi, décrit le règne de l’empereur Néron, de 54 à 68. Le personnage central, Lucius Murena, est imaginaire.
Dans les premiers tomes, l’empereur Claude regrette d’avoir négligé son fils biologique Britannicus au profit de son fils adoptif Néron, enfant de son épouse Agrippine. Il envisage de la répudier, pour se remarier avec Lollia Paulina. Mais l’impératrice Agrippine intrigue pour assassiner sa rivale, avec l’accord de Néron, malgré l’amitié de celui-ci avec Lucius Murena, fils de Lollia Paulina. Agrippine, par la suite, empoisonne Claude pour installer Néron sur le trône. Alors adolescent, Britannicus meurt à son tour dans des circonstances troubles. Néron devient de plus en plus la proie d’une folle cruauté. C’est à cette époque que se diffuse à Rome le christianisme. A la suite du grand incendie de Rome, survenu dans la nuit du 18 juillet 64, Néron décide de persécuter les chrétiens.
Seize tomes sont prévus. Le onzième vient de sortir. Il décrit la conjuration de Pison, complot visant à assassiner Néron. Outre Néron, on y croise son perfide conseiller Tigellin, Poppée l’impératrice, Titus Flavius Sabinus le Préfet de Rome, Pétrone l’écrivain, Lucain le poète, Sénèque le philosophe et, bien sûr, Caius Calpurnius Piso, dit Pison.
Certains albums ont même été édités en latin.
Jean Dufaux est l’un des scénaristes les plus prolifiques de la bande dessinée. Il a notamment créé des séries sur Venise au 18ème siècle (Giacomo C.), l’imaginaire médiéval (Complainte des Landes Perdues), et poursuivi la célèbre série Blake et Mortimer (L’Onde Septimus et Le Cri du Moloch). On n’oubliera pas de mentionner sa série fantastique se déroulant à Saint-Malo (Ombres). Avec le dessinateur Jacques Terpant, Jean Dufaux a consacré une bande dessinée à Louis-Ferdinand Céline (Le chien de Dieu) et adapté Nez-de-Cuir, roman de Jean de La Varende. Il a également obtenu le Prix international de la Bande dessinée chrétienne avec une bande dessinée dédiée à Charles de Foucauld (Foucauld, une tentation dans le désert).
Dans Murena, Jean Dufaux parvient, à la perfection, à mêler faits historiques et aventures imaginaires. Il maitrise véritablement ses diverses intrigues. Pour créer l’intrigue historique, il s’inspire des sources antiques (Suétone, Tacite…), ainsi que des romans Acté d’Alexandre Dumas, Quo Vadis ? d’Henryk Sienkiewicz et Moi, Claude de Robert Graves. Ainsi est restituée la société romaine et ses spécificités (luttes de pouvoir, importance de la religion et des arts, rôle de la sexualité…). Il dresse un portrait nuancé et subtile de Néron. Pour l’intrigue imaginaire, il fait évoluer le héros Lucius Murena, lequel devient, au fil des tomes, presqu’aussi torturé que Néron. Il dévoile ainsi les liens qu’entretiennent le pouvoir et la folie. On se demande si ce n’est pas sa rencontre avec Saint Pierre, bienveillant et charitable, qui pourra le sauver…
Les premiers tomes avaient été dessinés par le regretté Philippe Delaby, décédé en 2014. Ce maître de la bande dessinée historique, après avoir traité de l’histoire européenne (Bran Légende née des tourbillons des vents du nord, Arthur au royaume de l’impossible, Richard Cœur de Lion, L’Étoile polaire), avait obtenu le succès par les séries Complainte des Landes perdues (t. 5 à 8) et Murena.
Depuis le décès de Philippe Delaby, c’est Theo Caneschi, jusqu’ici connu pour la série médiévale Le Trône d’Argile, qui reprend le dessin de Murena, avec un style plus baroque. Il apporte son style très personnel à cette prestigieuse série. Les couleurs de Lorenzo Pieri sont splendides.
La série Murena existe en albums individuels ou en intégrale.
Kristol Séhec
Murena, t. 11, Lemuria. 46 pages. 12 euros. Editions Dargaud.
Illustrations : DR
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine