Le 2 octobre dernier, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé avoir pris la décision de rendre l’école obligatoire pour tous dès 3 ans, sous couvert de lutte contre les séparatismes.
Le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » prévoit donc notamment l’interdiction de l’Instruction En Famille IEF – sauf rares cas d’exception -, ainsi que le renforcement des contrôles pour les écoles privées hors contrats.
Ces orientations liberticides inquiètent grandement les associations de familles et bon nombre de professionnels de l’éducation et de l’enseignement car elles portent atteinte à la liberté de l’instruction – à valeur constitutionnelle – et menacent vivement la
diversité du paysage éducatif français.
Une pétition nationale a déjà recueilli plus de 124 000 signatures, des manifestations sont organisées partout en France (https://www.jipli.org/), les parlementaires sont très largement sollicités par les citoyens sensibles à ce projet de loi
liberticide,….
Parmi les initiatives qui se montent, une autre, symbolique, réunit une mère, Ophélie, et son fils, Victor, bientôt 10 ans. Ensemble, ils ont décidé de marcher depuis Cunlhat, dans le Puy de Dôme, jusque Paris, pour promouvoir la diversité éducative et la liberté d’instruction.
Partis le 2 décembre, Ophélie et Victor arriveront sur Paris – place du Châtelet – le mercredi 23 décembre vers 14h30.
Leur projet est à découvrir ici : https://www.marche-diversite-e
Elle écrit à Emmanuel Macron pour défendre la liberté d’instruction
Voici la lettre écrite avant son départ par la maman, Ophélie, à destination d’Emmanuel Macron.
La grande majorité des enfants français a la chance d’être entourée de nombreuses personnes impliquées avec beaucoup d’énergie et de dévouement: parents, enseignants, éducateurs, animateurs, etc.. Le paysage éducatif est très varié: écoles publiques, instruction en famille, écoles privées hors contrat et sous contrat…
Actuellement, les familles peuvent accompagner leur enfant en choisissant librement le mode d’instruction le plus adapté à leur enfant et en changer si nécessaire en fonction de ses besoins, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Je connais bien ces différents dispositifs éducatifs pour les avoir expérimentés en tant qu’enfant, étudiante puis en tant qu’enseignante. Chacun ont leurs atouts et leurs raisons d’être. Ils sont des creusets de créativité pédagogique pouvant s’enrichir mutuellement pour le plus grand bénéfice de tous les enfants. Cet automne, vous avez déclaré votre volonté d’interdire l’instruction en famille dans le cadre de la lutte contre le radicalisme. Le gouvernement a ainsi élaboré des articles correspondant à cette interdiction dans le projet de loi « confortant les principes républicains ».
Ce mode d’instruction pourrait être réservé sur autorisation à quelques rares enfants (par exemple pour handicap ou maladie…), alors qu’il s’agissait jusqu’à maintenant d’une liberté et d’un droit pour tous dans un cadre réglementaire. Monsieur le Président de la République, vous partez du principe que l’instruction en famille fragilise la société de par la radicalisation qu’elle est supposée permettre. Pourtant, les auteurs d’actes terroristes ont tous été scolarisés essentiellement à l’école publique et parfois même suivis par les services d’aide à l’enfance. Ces actes sont terribles. Ce constat permet d’affirmer au contraire de votre parti pris, que s’il y a volonté de radicalisation, elle dépasse la seule question du mode d’instruction. L’instruction en famille est légale officiellement depuis la loi sur l’instruction de Jules Ferry et elle est encadrée par des règles strictes. Les familles sont en lien avec l’inspection d’académie et les mairies.
Comme le montrent de nombreux textes officiels et études, dans leur immense majorité, elles respectent la loi et ont à coeur de mettre le bien-être de leurs enfants au centre de leur démarche éducative. A travers l’instruction, elles ont à coeur de promouvoir les valeurs de fraternité, de respect, de liberté, d’équité et d’ouverture au monde… Des dérives existent malheureusement partout. Ainsi, il n’est pas question d’interdire à tout le monde de circuler ou bien de couper carrément une route sous prétexte que certains prennent à l’occasion cette même route à contresens…
Comme vous l’a très justement indiqué la Ligue Internationale des Droits de l’Homme, la France a les moyens de développer un cadre juridique permettant de parer à ces dérives, de manière à éviter la suppression d’une liberté, toujours grave et injuste par essence. Ainsi, ces futurs articles de loi n’apparaissent ni nécessaires, ni adaptés, ni proportionnés, comme l’exige pourtant la constitution de notre République. Monsieur le Président, je suis une grande passionnée de l’enfance et de toutes les questions qui s’y rapportent. Je soutiens de tout mon coeur toutes les personnes qui s’impliquent auprès des enfants: les parents bien sûr qu’il faut épauler en tout premier lieu car leur rôle est absolument essentiel à l’épanouissement des enfants.
Je soutiens également les professionnels de l’éducation, lesquels sont profondément engagés dans des métiers parmi les plus difficiles au monde et qui sont eux aussi au coeur de ce qui fait notre humanité collective. Grandir nécessite l’énergie de tous! Soyons donc ensemble! À la manière de ce proverbe africain qui affirme qu’il faut tout un village pour éduquer un enfant. Grandir n’attend pas: il faut de la réactivité, de la souplesse et de la recherche: cette recherche devant viser les raisons profondes des difficultés rencontrées par chacun. Afin de favoriser la construction du vivre ensemble, les associations sont force de propositions pour faire face, main dans la main, aux difficultés qui peuvent exister et qu’il faut évidemment prendre en compte. En somme, grandir est une aventure difficile: les enfants ont besoin de diversité éducative afin de bénéficier du meilleur chemin adapté aux spécificités de chacun. Nous avons tous des vies fort différentes: c’est l’acceptation de la diversité qui permet à chacun d’évoluer au plus près de ses propres besoins tout en étant en harmonie avec la multitude.
La totalité des familles de France est concernée par votre projet de loi. On ne sait jamais d’avance les aléas et singularités qui peuvent émailler nos parcours de vie. Ainsi, de nombreux parents qui n’envisagent pas le moins du monde l’instruction en famille pour leurs enfants sont rassurés par le fait que ce droit immédiat existe en cas d’éventuel besoin et ce, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Je me lève et marche pour aller vous rencontrer, Monsieur le Président. Je vous demande donc de supprimer ces articles de loi liberticides et de maintenir le droit à l’instruction en famille dans ces termes précis, de le maintenir comme un droit pour tous.
Je me lève et marche contre une uniformisation éducative excessive et pour valoriser la diversité des chemins de vie pour grandir. Prenons soin de cette diversité: écoles privées sous et hors contrat, instruction en famille, école publique. Nous tous, engagés auprès des enfants, éprouvons un grand besoin de concertation et de considération de la part du gouvernement et des institutions. Cette concertation doit largement dépasser le cadre purement administratif et institutionnel et s’appuyer sur la réalité de nos vécus. Enfin, je me lève et marche pour favoriser la mise en lien de toutes les personnes concernées par les questions éducatives.
Les enfants ont tout à gagner à ce que nous puissions tous dialoguer ensemble. Cela me semble être une priorité. A mon arrivée, je vous confierai les mots collectés tout au long de la marche, mots de citoyens petits et grands exprimant leurs souhaits à propos d’éducation. A l’occasion de ces fêtes de Noël, j’ai confiance en vos capacités à apprécier cet élan collectif pour l’éducation d’aujourd’hui en faveur d’un monde meilleur demain.
Je vous en suis d’avance reconnaissante pour toutes les familles et tous les enfants et vous souhaite un joyeux et chaleureux Noël.
Ophélie Berbain, maman et enseignante
Illustrations : DR
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