Julian Angelov est le secrétaire organisationnel du parti bulgare VMRO (les initiales représentent les termes « foi », « morale », « patriotisme » et « responsabilité »), en français ORIM (Organisation Révolutionnaire Intérieure Macédonienne). Il siège depuis 2014 en tant que député national. L’ORIM fait partie de la Coalition des patriotes unis, qui a obtenu 15 % des voix lors des dernières élections législatives et est, en conséquence, la troisième force politique de Bulgarie.
Elle gouverne le pays avec le parti de centre-droit GERB. Le président de l’ORIM, Krasimir Karakachanov, est vice-Premier ministre et ministre de la Défense. L’ORIM dispose de deux députés au Parlement européen, qui appartiennent au Groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (ECR). Lionel Baland a interrogé Julian Angelov pour Breizh-Info.
Breizh-info.com : Le 8 octobre 2020, le Parlement européen a adopté une résolution sur l’État de droit à l’encontre de la Bulgarie. La Bulgarie est accusée de corruption, ainsi que de manque de justice, d’indépendance et de liberté. Ces accusations sont-elles fondées ?
Julian Angelov : Certaines des déclarations de la résolution du Parlement européen sur l’État de droit dans notre pays correspondent à la réalité, mais d’autres pas et certaines ont pour but de créer une fausse représentation de celle-ci. Cette résolution a été largement inspirée par deux membres du Parlement européen qui, dans leur désir de devenir populaires et de gagner un certain poids électoral dans notre pays, ont incité les agitateurs roses et verts du Parlement européen à traîner dans la boue la Bulgarie. Ce qui est étrange, c’est qu’il y a un représentant du parti socialiste bulgare au Parlement européen qui mène sa campagne électorale sur des questions telles que la Convention d’Istanbul [NDLR : Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique], le Pacte sur la migration [NDLR : Le Pacte mondial sur les migrations], etc. Les socialistes bulgares se font passer pour de grands patriotes et s’élèvent contre l’idéologie du genre, alors que leur famille politique au Parlement Européen, à savoir le Parti socialiste européen, est celle qui est impliquée en tant qu’agitatrice au sein du Conseil de l’Europe et du Parlement européen. Vous voyez l’hypocrisie.
Cette résolution parle de l’État de droit, mais en même temps a lieu une ingérence directe dans le travail de la plus haute cour de Bulgarie, la Cour constitutionnelle. Cette dernière a été critiquée pour sa décision de déclarer la Convention d’Istanbul inconstitutionnelle. Cependant, elle est également confrontée à la critique d’une autre de ses décisions – celle d’interdire l’OMO Ilinden [NDLR : un parti séparatiste qui défend une minorité]. Pourtant, ce chapitre est clos pour la Bulgarie, car le préambule de la Constitution consacre le principe d’une seule nation. En même temps, cette résolution parle aussi du fait que des groupes ethniques ne peuvent pas faire campagne dans leur langue maternelle. Qu’est-ce, sinon une nouvelle tentative de donner des droits et un sentiment de différence ethnique depuis l’extérieur ? Il est également question des droits des communautés LGBTI+ et d’autres groupes similaires qui n’ont jamais été discriminés, mais qui veulent montrer leur diversité à la société d’une manière particulièrement irritante et arrogante. Ils essaient depuis des années de discriminer la majorité. Tant que la Coalition des patriotes unis, dont nous faisons partie, sera au pouvoir au Parlement, cela ne réussira pas.
Breizh-info.com : Un autre point mentionné dans cette résolution est le refus de la Bulgarie de signer la Convention d’Istanbul. Quelle est votre opinion sur ces tentatives d’imposer une idéologie du genre ?
Julian Angelov : Depuis quelques années, nous assistons à des tentatives systématiques et de plus en plus agressives de changer la nature de l’Union européenne en tant que lieu où les personnes, les biens et les capitaux circulent librement, bien que cela soit clairement établi dans le Traité et fondé sur les valeurs de la démocratie, des Lumières et de la civilisation chrétienne. Il y a une tentative de révision de tout cela à grande échelle. Il s’agit d’une idée portée par l’idéologie de gauche, qui rompt avec les traditions et les règles du bon sens.
C’est nous, à l’ORIM, qui avons arrêté ce document scandaleux, qui cherche à introduire une idéologie du genre sous le prétexte, ostensiblement noble, de la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants. Il s’agit là d’un nouvel exemple de la politique stricte du Conseil de l’Europe en matière de discrimination positive en faveur de la communauté LGBTQI et de publicité et promotion de l’homosexualité. Nous nous opposons à l’imposition forcée du mariage homosexuel – une tendance qui a été méthodiquement et systématiquement poursuivie par les différents mécanismes de l’Union Européenne. Pour nous, c’est une politique qui est dirigée contre les fondements nationaux et chrétiens traditionnels de la famille et de la société bulgares. C’est une politique qui nous pousse définitivement dans la direction de l’autodestruction de tous les acquis de la civilisation européenne. Une telle manifestation, à un moment où l’Europe est confrontée au défi sans précédent de sa survie économique, politique et peut-être démographique, ne témoigne que d’une hypocrisie bien cachée. De tels développements dangereux remettent en question la légitimité du traité de l’Union Européenne.
Breizh-info.com : Le 24 novembre 2020, la Bulgarie a de nouveau été critiquée au Parlement européen pour de prétendues violations de l’État de droit. Pensez-vous qu’une campagne comme celle contre la Hongrie et la Pologne pourrait être lancée contre la Bulgarie ?
Julian Angelov : Le rôle original de l’Union Européenne est très différent de ce que nous voyons aujourd’hui. Nous assistons à l’imposition coercitive et arrogante de politiques étrangères aux États membres. Très souvent, cela se fait en imposant des pratiques et des règles qui sont étrangères aux valeurs traditionnelles et contraires aux systèmes juridiques. L’État de droit est une question importante pour toute société démocratique. Mais c’est précisément cette règle que le Conseil de l’Europe, le Parlement Européen et l’Union Européenne dans son ensemble ne doivent pas remettre en cause. En Europe, il existe depuis longtemps plusieurs vitesses. Et les pays du camp dit ex-communiste seront toujours considérés comme moins que les autres. C’est pourquoi nous sommes en faveur d’une Europe des nations et non d’une Europe des États fondateurs et des États qui leur succéderont.
Breizh-info.com : Le veto bulgare contre l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union Européenne constitue une autre divergence d’opinion avec celle-ci. Quelle est la position bulgare sur cette question ?
Julian Angelov : Il n’y a aucun moyen d’aider la Macédoine du Nord à entamer les négociations d’adhésion à l’Union Européenne, car elle n’adhère pas au Traité d’amitié et de bon voisinage de 2017. De plus, le discours de haine contre la Bulgarie en Macédoine du Nord ne s’arrête pas. La Bulgarie est favorable à l’intégration européenne des Balkans occidentaux, mais elle ne permettra pas que l’histoire soit déformée, elle ne permettra pas que les intérêts nationaux soient foulés aux pieds. Nous n’avons pas renoncé à aider nos compatriotes de Macédoine du Nord à faire partie de l’Union Européenne. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des intérêts nationaux bulgares !
À l’ORIM, nous insistons sur le fait que les politiciens de l’autre côté de la frontière doivent mettre fin à la propagande macédonienne et reconnaître la vérité historique. Il n’y a qu’une seule vérité et elle est basée sur des faits et des documents. Nous avons une histoire commune jusqu’en 1945 et les personnages historiques qui ont donné leur vie pour la libération du pays ne sont pas des Macédoniens naturels, mais des Bulgares qui sont nés dans cette région et qui ont défendu leurs frères. Macédoine est un nom géographique qui est situé dans les frontières historiques de la Bulgarie mère. Oui, aujourd’hui, la Macédoine du Nord est un État indépendant en vertu du droit international, mais cela ne donne pas aux politiciens de ce pays le droit de diaboliser les Bulgares et la Bulgarie et de nier notre histoire commune.
Nous ne permettrons pas que l’histoire bulgare soit volée sous la pression de la propagande serbe. Nous n’accepterons pas non plus qu’une langue macédonienne existe et soit complètement indépendante et authentique. Selon les recherches des historiens et des linguistes de l’Académie des sciences bulgare, il s’agit d’une forme dialectale du bulgare, ce que nous avons clairement et catégoriquement déclaré au sein de l’Assemblée nationale de la République de Bulgarie. Nous avons affirmé explicitement, qu’à partir de 2019, l’ORIM ne prendra aucune décision qui contredise la déclaration-cadre de l’Assemblée nationale.
Permettez-moi également de souligner que la Bulgarie a été le premier pays au monde à reconnaître l’indépendance de la République de Macédoine le 15 janvier 1992. La Bulgarie a mis en place des corridors humanitaires et de transport lors de l’embargo économique imposé par la Grèce en 1994-1995 en vue d’obtenir le changement du drapeau, de la Constitution et du nom de la jeune république. En 1999, la Bulgarie a fait don de 94 chars T-55 et d’autres armes à l’armée macédonienne, qui ne disposait alors que de plusieurs chars T34 inutilisables datant de la Seconde Guerre mondiale. Lors de la crise des réfugiés déclenchée par la guerre au Kosovo, le gouvernement bulgare a proposé aux autorités de Skopje de construire un hôpital militaire de campagne bulgare pour soigner les malades des camps de réfugiés et de créer un camp de réfugiés à Radusha, à 14 km de Skopje, où 3 000 réfugiés seraient logés et soutenus, nourris et soignés par la Bulgarie. En outre, la Croix-Rouge bulgare a envoyé une aide de 211 millions de levs sous forme de couvertures, de vêtements et d’autres matériels. Lors du déclenchement du conflit militaire dans les régions du nord du pays en 2001, la Bulgarie a défendu l’intégrité territoriale de la République de Macédoine.
Nous avons donc le droit d’exiger des garanties. Et pour nous, la seule garantie est que Skopje prendra des engagements spécifiques juridiquement contraignants sous la forme d’une annexe au traité sur la base de la déclaration-cadre de 2019, sinon la Bulgarie ne pourra pas accepter l’ouverture de négociations sur l’adhésion de la Macédoine du Nord à la famille commune de l’Union Européenne, car cela serait contraire à nos intérêts nationaux. Nous sommes convaincus qu’il n’existe aucune force extérieure capable d’exercer des pressions pour obliger un gouvernement bulgare à sacrifier nos intérêts nationaux séculaires en Macédoine.
Breizh-info.com : Entre juillet et septembre, des manifestations presque quotidiennes se sont déroulées à Sofia afin d’exiger la démission du Premier ministre Boyko Borisov. Soutenues par le président bulgare Rumen Radev et l’opposition socialiste, les manifestations semblent avoir perdu de leur force et des contre-manifestations ont même eu lieu. Qu’est-ce qui se cache derrière ces protestations ? Quelle est la situation politique actuelle ?
Julian Angelov : Actuellement, il n’y a plus de protestations, à l’exception de petits groupes de personnes qui continuent d’ignorer les règles de fonctionnement du siège national et se rassemblent sans masque pour marcher dans les rues et faire du vandalisme. Toutefois, je tiens à préciser que nous ne sommes pas contre le droit des gens à exprimer leurs opinions par des marches et des protestations pacifiques. Dès le début, lorsque de nombreuses personnes se sont réunies, nous leur avons dit que nous étions d’accord avec certaines de leurs demandes. Mais il y avait aussi des gens dans la rue qui voulaient simplement dire qu’ils étaient en désaccord avec certaines choses et politiques, alors qu’avec le temps, beaucoup a changé. Au fur et à mesure que les protestations progressaient, elles étaient alimentées par des personnes qui n’avaient qu’un seul souhait : que ce gouvernement tombe et qu’elles arrivent elles-mêmes au pouvoir, indépendamment des victimes indirectes, par exemple économiques, etc. Des choses se sont passées qui ont scandalisé les gens ordinaires qui sont venus sur la place et la protestation juste s’est donc complètement vidée de son sang. Cependant, après une série de provocations et d’affrontements organisés avec la police, les manifestants pacifiques se sont tout simplement retirés.
En ce qui concerne le président Radev, nous avons une position très claire et précise. La Bulgarie et le peuple doivent prendre l’initiative à la place des hommes politiques. Les luttes politiques, dans cette crise mondiale, sont totalement inutiles et n’aident pas à faire face à cette situation complexe. C’est pourquoi les guerres interinstitutionnelles doivent cesser.
Breizh-info.com : L’ORIM, au sein de la Coalition des patriotes unis, fait partie de la coalition gouvernementale de centre-droit. Qu’est-ce que le patriotisme a apporté au gouvernement bulgare ?
Julian Angelov : Beaucoup de choses ont été réalisées grâce à la participation au pouvoir des patriotes. L’une des grands résultats est l’augmentation de la pension minimale. Grâce à nous, la pression migratoire a également été stoppée. Nous avons mis en place un ensemble de mesures contre le parasitisme social de certains groupes marginalisés. Nous avons empêché la signature de la Convention d’Istanbul, le Pacte de migration, arrêté un certain nombre de textes provocateurs et scandaleux des communautés LGBTI+, la promotion de l’idéologie de genre dans les jardins d’enfants et les écoles, etc. Le gouvernement est devenu un leader dans la politique envers les Balkans occidentaux, et cela est dû à notre participation au gouvernement. Nous luttons et poursuivons constamment divers objectifs politiques pour soutenir la diaspora bulgare en dehors de la Bulgarie.
Je voudrais toutefois souligner un point très important, dont nous avons déjà discuté. La politique du gouvernement concernant l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union Européenne. Cette position ferme est également le résultat de la politique et du travail à long terme de l’ORIM en ce qui concerne nos frères à l’étranger. Je voudrais souligner une fois de plus que nous voulons que la Macédoine du Nord fasse partie de l’Union Européenne, mais pas tant que les politiciens de cette région mèneront une politique anti-bulgare.
Breizh-info.com : En 2017, la Bulgarie a connu un grave problème démographique, puisqu’elle a perdu en moyenne 50 000 habitants par an. Le gouvernement bulgare réussit-il à changer cette tendance ?
Julian Angelov : Nous continuons à travailler sur des dispositions visant à surmonter la crise démographique. Pour la première fois, l’État met en place un ensemble de mesures destinées à chaque famille, à chaque enfant. À partir de l’année prochaine, 50 % des fonds alloués aux municipalités pour le financement des jardins d’enfants seront utilisés pour exonérer les enfants des familles nécessiteuses des frais de scolarité et le reste de l’argent sera utilisé pour réduire les frais restants. C’est le premier pas vers les jardins d’enfants gratuits requis pour tous les enfants. La politique démographique est l’un des principaux axes du programme de l’ORIM. Au cours des quatre années au cours desquelles nous avons été au pouvoir, nous avons pris de nombreuses mesures pour promouvoir un taux de natalité ciblé et raisonnable.
Dans les endroits où l’ORIM est fortement représentée dans les conseils locaux (il s’agit d’une sorte d’assemblée locale élue), les mesures économiques visant à soutenir les jeunes familles avec enfants constituent déjà une réalité. Et maintenant, grâce à une initiative législative des députés de l’ORIM, tous les enfants du budget 2021 bénéficieront d’un allègement fiscal pour les parents.
Le Parlement a également accepté une autre de nos propositions : les enfants sans place dans un jardin d’enfants doivent être soutenus financièrement par l’État. Nous avons également garanti des fonds par le biais du budget de l’État pour la construction de crèches et de jardins d’enfants. Il s’agit d’un ensemble de mesures sérieuses visant à stimuler le taux de natalité. L’actuelle Assemblée nationale, dont l’ORIM fait partie, peut en être fière.
Lionel Baland
Illustrations : DR
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