Ils ont été nombreux ceux qui lors de la Seconde guerre mondiale se sont lancés pour de multiples raisons dans une politique de collaboration avec l’Allemagne, certains coopérant par intérêt personnel, d’autres par adhésion aux idées promues par Berlin, notamment cette croyance en une Europe renouvelée.
En France, ces derniers, les idéalistes, rejoignirent différentes organisations. On pense notamment au Parti populaire français de Jacques Doriot ou au Rassemblement national populaire de Marcel Déat, mouvements étudiés en profondeur par maints historiens. Le groupe Collaboration, cénacle intellectuel, reçut toutefois moins d’attention, probablement à cause de sa nature métapolitique, donc moins flamboyante. Ce laboratoire d’idées, créé en 1940 par Alphonse de Châteaubriant, jouit pourtant de l’adhésion de nombreuses personnalités de premier plan, auteurs, scientifiques ou hommes politiques. On retrouve ainsi des sommités telles que Pierre Drieu la Rochelle, Abel Bonnard, Ferdinand de Brinon et Georges Claudel, inventeur de la lumière au néon, en son sein.
En Bretagne, et plus particulièrement à Nantes, c’est cette organisation dédiée à un nouvel ordre européen qui fut la plus populaire de la nébuleuse collaboratrice, comptant à son apogée 1000 membres, alors que les autres ne purent réunir que quelques centaines de militants tout au plus.
Le mouvement Collaboration, de son nom complet Collaboration, groupement des énergies françaises pour l’unité continentale, a récemment été étudié dans un mémoire de maîtrise par l’historien Neven Ar Ruz qui s’est penché spécifiquement sur la branche nantaise et la section de la Loire-inférieure qui en dépendait. C’est ce travail que publiaient récemment les éditions Ars Magna, dans leur collection Devoir de mémoire sous le nom de Des Bretons pour l’Europe nouvelle.
C’est en février 1941 que Charles Martin fonda la branche locale du groupe Collaboration, réunissant de nombreux notables connus de la région. Le groupe axa son action sur des activités culturelles pour promouvoir l’amitié germano-française, organisant des concerts, des conférences, mais aussi des visionnements de films. Contrairement aux autres groupements qui collaborèrent, il ne s’agissait pas d’un parti politique avec uniformes et oripeaux, ou promouvant une doctrine établie, mais un regroupement de gens croyant à l’importance d’enterrer la hache de guerre et de mettre fin aux tensions entre les deux piliers de l’Europe. Ar Ruz remarque ainsi que si La Gerbe, journal du groupe, faisait la promotion de l’autonomie bretonne dans le cadre d’une Europe des patries charnelles, la branche nantaise se garda d’aborder le sujet, probablement pour éviter les frictions entre les membres, loin d’être unanimes sur la question.
Une des forces de ce travail universitaire est d’être détaché des passions de l’après-guerre et du manichéisme qui en résulte trop souvent. On apprend donc que Martin fut un interlocuteur des autorités allemandes, un poste privilégié qu’il utilisa pour aider les prisonniers français, commuer certaines condamnations à mort en peine de prison, etc. Il ne fut donc pas un traître au sens dans lequel les « libérateurs » l’entendaient, ce qui joua en sa faveur lors de son incarcération à la Libération.
Il y eut certes des aventures plus radicales en périphérie de ce groupe, avec la création de l’aile jeunesse Jeunes de l’Europe nouvelle ou la tentative de fonder un Front révolutionnaire national, mais au final, les membres de Collaboration étaient d’abord et avant tout des Bretons soucieux de leur avenir politique qui considéraient les Allemands comme l’interlocuteur le plus crédible à ce moment.
Neven Ar Ruz, Des Bretons pour l’Europe nouvelle, Ars Magna, 2020, 281 p.
Par Rémi Tremblay
Illustrations : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine