Pendant que l’attention médiatique se focalise sur le très controversé article 24 de la loi sécurité globale qui prévoit, dans certaines conditions, la pénalisation de la diffusion des images d’agents de police en cours d’intervention, d’autres dispositions de la loi sont tout aussi inquiétantes. Exemple celle qui permettra aux maires de participer au juteux racket des conducteurs au nom de la sécurité routière… et sans enquêtes préalables d’accidentologie ou autres.
L’objectif affiché est d’adapter les radars aux demandes des habitants, en permettant aux maires d’en installer plus vite et de façon plus réactive. En réalité, les maires pourront s’affranchir des accords des préfets et des enquêtes préalables aux installations. En réalité, remarque le site spécialisé Caradisiac, c’est encore très flou.
« Dans cet amendement, n’est nullement fait mention à un moment ou à un autre du terme « cinémomètre de contrôle routier », le nom savant et donc juridique du radar. On n’y parle pas davantage « de mesure » ou bien encore « d’instrument de mesure », capable de déterminer la vitesse à laquelle roule un véhicule. À la place, on évoque seulement le « contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules ». Or, pour cela, les caméras de vidéoprotection ou les systèmes informatiques couplés à des logiciels de lecture automatique des plaques d’immatriculation (LAPI), utilisés dans le cadre de la vidéoverbalisation suffisent à relever de manière automatisée les numéros d’immatriculation des véhicules ainsi filmés ».
En réalité, les modalités pratiques sont renvoyées à un décret à venir, en rajoutant un énième article législatif au déjà passablement épais CGCT (code général des collectivités territoriales) : « À titre expérimental, selon des modalités fixées par décret, le maire peut, par arrêté motivé, décider de l’implantation de dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules ».
Mal rédigé, flou, l’amendement déposé par divers centristes dont les plus connus sont l’élue occitane Sylvia Pinel et le centriste Charles de Courson a été discuté, mais non soutenu le 21 novembre dernier. La Ligue des Conducteurs s’en est attribuée le mérite, après que sa pétition contre cette disposition ait rassemblé 46.000 signatures.
Néanmoins, dans la mesure où certains maires des communes traversées par de grands axes se sont avérés intéressés par ce type de mesure (à Rimogne dans les Ardennes notamment) – et que les caisses des collectivités locales sont bien éprouvées par la « crise sanitaire » et ses conséquences économiques ou sociales, cette idée risque de revenir, mieux rédigée cette fois.
Néanmoins l’argument avancé par l’association 40 millions automobilistes d’un effilochage accéléré de l’unité de la réglementation à travers la France – avec des radars dans certaines communes et pas d’autres – est lui aussi parti pour durer. La carte de France des départements qui sont repassés aux 90 km/h sur les départementales fait déjà réfléchir à l’égalité devant la loi – ils sont concentrés sur la Loire et autour de l’Auvergne, ainsi que sur l’axe Paris – Belfort.
Louis Moulin
Photo d’illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine