Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage est la réalisation la plus significative de Jean-Marc Ayrault en quarante-cinq ans de carrière municipale à Saint-Herblain (1977-1989) puis à Nantes (1989-2012). Après maints retards calendaires, dérapages budgétaires et ratages techniques, il a été achevé en mars 2012.
Jean-Marc Ayrault comptait sur le Mémorial pour acquérir la notoriété internationale à laquelle il aspirait. Ambition déçue dès son inauguration. Une seule personnalité étrangère a accepté l’invitation : Nicéphore Soglo, ancien président du Bénin.
La municipalité nantaise a néanmoins continué à organiser au Mémorial une cérémonie annuelle. Elle a lieu le 10 mai. Pourquoi cette date ? Parmi leurs nombreuses « journées internationales », les Nations Unies ont instauré le 25 mars « Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves », le 23 août « Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition » et le 2 décembre « Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage ». Jacques Chirac a jugé indispensable d’y ajouter une « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions » (les « abolitions » concernant la traite et l’esclavage mais non leurs mémoires, cela va de soi), le 10 mai. La date fait vibrer les vieux socialistes : François Mitterrand a été élu président de la République le 10 mai 1981.
Droits saisonniers
Malgré cette référence, les cérémonies au Mémorial n’attirent pas les foules. Le vin d’honneur gratuit n’y suffit pas. Ni la présence, parfois, d’une personnalité un peu connue, comme Angela Davis en 2015. Pire, les commémorations sont l’occasion de manifestations suscitées par diverses associations antillaises, immigrationnistes ou droit-de-l’hommistes (ci-dessous le 10 mai 2018).
Johanna Rolland est peut-être lasse de prononcer ses discours devant des assemblées clairsemées. Pour les 10 mai 1921 et 1922, elle ne fait pas confiance à ses propres services ni aux associations : elle recherche un prestataire chargé de la « Coordination de la programmation culturelle de la commémoration de l’esclavage du 10 mai pour les années 2021 et 2022 ».
« Cette journée nationale, écrit-elle, s’inscrit dans la saison nantaise des droits humains ». Il y avait la saison des amours, la saison des pluies, la saison des soldes… il y a désormais la saison des droits humains. Une saison pas forcément ensoleillée : le prestataire coordinateur « devra tenir compte des contraintes politiques et techniques de la Collectivité », réserve lourde de sous-entendus dans une municipalité aux équilibres instables.
Armée mexicaine
Il devra aussi respecter les prescription d’un comité de pilotage formé de l’adjoint au patrimoine, de l’adjoint à la coopération décentralisée, de l’adjointe à l’égalité et à la lutte contre les discriminations et de l’adjoint aux relations internationales, et à celles d’un comité technique où figurent la direction du patrimoine et de l’archéologie, le Musée d’Histoire, la direction du développement culturel, la direction de l’éducation, la mission égalité et le service solidarités et coopérations internationales.
Et ce n’est pas tout. Le coordinateur devrait avoir pou interlocuteur majeur un « Comité de labellisation des Droits humains ». Ce comité Théodule est actuellement en cours de composition. Il aurait déjà dû être créé en novembre 2019 mais on comprend qu’une tâche aussi complexe demande du temps.
Enfin, le prestataire retenu « sera en lien avec » (« enchaîné à » aurait peut-être été davantage de circonstance) « les associations ou collectifs présents sur les précédentes commémorations », toujours prompts à s’entre-déchirer, et « les acteurs institutionnels nantais et nationaux », dont la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, toujours encalminée sous la présidence de Jean-Marc Ayrault.
Il est intéressant bien sûr que Johanna Rolland tienne à « rappeler que l’histoire et les mémoires de la traite et de l’esclavage trouvent des résonances dans le présent ». Il est dommage cependant qu’elle ne montre pas le même intérêt pour tous les aspects de l’histoire de Nantes qui pourraient résonner aussi fort.
Illustration : [cc] Cérémonie du 10 mai 2018 au Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes. Photo BI, droits réservés
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