Après l’adaptation en bande dessinée du « Cycle Chamonix » de Roger Frison-Roche, prônant les vertus des guides de haute montagne, les éditions du Rocher offrent une relecture de La piste oubliée. Sur les pas de Charles de Foucauld, une expédition scientifique et militaire part dans le désert à la recherche d’une ancienne civilisation disparue…
Roger Frison-Roche (1906-1999), guide de haute montagne, journaliste, moniteur de ski, explorateur, conférencier, reste connu pour son activité littéraire. Ses romans se déroulant en pleine montagne (Premier de Cordée, La Grande Crevasse, Retour à la montagne) ou dans le Sahara (La Piste oubliée, La Montagne aux écritures) racontent, dans de magnifiques cadres naturels, de véritables aventures humaines.
Les éditions du Rocher ont décidé de les adapter en bande dessinée, en commençant par le « Cycle Chamonix », consacré aux alpinistes. Alors qu’en 1942 Frison-Roche est correspondant de guerre aux côtés des Alliés sur le front de Tunisie, son célèbre roman Premier de cordée paraît en France occupée. Il décrit le courage d’un jeune homme, Pierre Servettaz, qui part récupérer le corps de son père foudroyé en pleine montagne, par d’épouvantables conditions climatiques. Après une chute, il est sujet au vertige. Pourtant, il espère encore devenir guide de haute montagne… Par une mise en scène classique, le scénariste Jean-François Vivier insiste sur les vertus des montagnards prônées par le romancier : fraternité, bravoure et dépassement de soi.
Le deuxième roman adapté en bande dessinée est La Grande Crevasse, publié en 1948. Il décrit une histoire d’amour tragique entre Zian Mappaz, jeune guide des Alpes, et Brigitte Collonges, une parisienne mondaine étrangère au milieu montagnard. Découvrant la randonnée puis l’escalade, Brigitte tombe amoureuse de Zian, son guide. Ce n’est qu’à la mort de Zian, après une chute dans une crevasse, que Brigitte comprend que leur amour était plus fort que leur différence culturelle. Paru en 1957, Retour à la montagne constitue la suite de La Grande Crevasse. Suite à la mort de Zian, les habitants de la vallée de Chamonix méprisent Brigitte. Celle-ci va organiser des secours pour des Allemands en difficulté dans la montagne, ce qui révélera son héroïsme aux yeux des guides. Cette chronique sociale évoque la difficulté de vivre ensemble lorsque les origines sont si différentes. Jean-François Vivier montre bien que la montagne est pour les épouses de guides une rivale dangereuse, contre laquelle il est vain de lutter.
Dans ces trois albums, le dessin réaliste de Pierre-Emmanuel Dequest, un brin statique, rend hommage par de vastes panoramas à ces sommets alpins aussi majestueux qu’impitoyables. Sa colorisation est particulièrement réussie.
Changement de décor avec La Piste oubliée, écrit en 1950. En 1928, le père de Foucauld est mort depuis une dizaine d’années, en plein désert du Sahara. Le grand sud saharien est à peine pacifié, les tribus de nomades s’affrontant encore. Akou Ben Ouhet, un jeune targui, a assassiné deux enfants d’une tribu antagoniste. Puis il a poignardé le brigadier qui l’avait arrêté et le ramenait au fort Laperrine de Tamanrasset pour qu’il soit jugé. L’armée française ne veut pas laisser ce crime impuni. Le lieutenant Beaufort, chasseur alpin novice du désert, se voit confier la mission de capturer l’assassin, qui s’est échappé vers l’Est du Hoggar. Afin de ne pas ébruiter qu’il mène une chasse à l’homme, Beaufort prend le prétexte d’assurer la sécurité de l’expédition scientifique dirigée par le professeur Lignac. Celui-ci recherche la « piste oubliée », jadis tracée par les caravanes chargées de richesses se dirigeant vers les Mines du roi Salomon. Beaufort choisit pour second Franchi, en raison de son expérience dans le désert. Mais ce dernier reste ensorcelé par Tamara, une belle targuia qui lui fait ingérer un poison pour le rendre docile. Sous une chaleur accablante, la caravane va lutter contre les évènements du désert (tempête de sable, attaque de frelon…), avant de découvrir les vestiges d’une civilisation antique.
Passionné par le Sahara, Frison-Roche voulait dévoiler les mœurs des peuplades du désert. Il se rendit pour la première fois dans le Sahara en 1935, qu’il explora à plusieurs reprises. Il en tira plusieurs ouvrages, dont La piste oubliée, qui constitue le premier volet de ce « Cycle Hoggar ». Parce que ces romans ne critiquent pas l’armée française tentant alors de pacifier les tribus touaregs, ils sont parfois considérés d’esprit colonialiste. Lignac explique à Beaufort que toute la philosophie des touaregs « tient en un proverbe : la main que tu ne peux couper, baise-la ! ».
C’est une nouvelle fois Jean-François Vivier qui bâtit le scénario, en respectant l’esprit de l’œuvre originelle. Les magnifiques dessins réalistes de l’italien Beniamino Delvecchio, agrémentés d’une belle couleur directe, nous plongent au fin fond du Sahara.
Le prochain album, La Montagne aux écritures, devrait permettre d’en savoir davantage sur la civilisation disparue du peuple des Garamantes.
Kristol Séhec
Premier de Cordée, La Grande Crevasse, Retour à la montagne, La piste oubliée. 14,90 euros chacun. Éditions du Rocher.
Crédit photos : DR
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