Passant, va dire aux fidèles que des Nantais ont résisté et ont gagné pour libérer la messe. La reprise des célébrations publiques, à partir de samedi – pour les messes anticipées du 1er dimanche de l’Avent – est une incontestable victoire des fidèles, qui à Nantes à partir du 8 novembre – et dans un nombre croissant de villes en France, sont entrés en résistance et ont manifesté leur volonté qu’on leur rende la messe. Néanmoins la jauge annoncée par le gouvernement (30 fidèles) fait débat au point qu’elle sera revue.
Parmi les diverses annonces de Macron mardi dernier – dont certaines sont déjà génératrices d’injustices et de tensions sociales à venir, réouverture des cafés et restaurants le 20 janvier prochain en tête – la réouverture des lieux de culte, avec une jauge de 30 personnes pour les célébrations publiques est passée un peu inaperçue.
Pourtant très en avance sur ce qui avait été prévu pour le gouvernement (Noël), elle est liée au succès indéniable du mouvement Pour la Messe – 72 rassemblements et des milliers de personnes mobilisées partout en France. Certains évêques (Chartres, Bayonne, Cambrai) avait rallié les manifestants, celui de Toulon avait écrit une adresse pour les soutenir, tandis que d’autres (Paris, Nantes, Rennes, Evreux, Valence) qui avaient condamné les manifestations ou s’en étaient « désolidarisés » s’étaient avérés incapables de les empêcher ou d’empêcher leurs curés de les rejoindre.
Bref, la révolte grondait. Cependant, les négociations entre l’État et les cultes – selon nos informations, les fidèles musulmans trouvaient aussi le temps long et certains envisageaient de venir manifester avec les catholiques – partaient sur une jauge de 4m² par fidèle et un remplissage au tiers des églises, en s’appuyant sur l’aire disponible.
30 personnes par messe, une jauge « absurde »
Le gouvernement avait annoncé une jauge de 30 personnes, toutes superficies confondues – tout en se gardant bien d’expliquer comment il justifiait la différence de traitement avec les cinémas et théâtres qui devraient rouvrir le 15 décembre avec des jauges bien plus importantes, des durées plus longues qu’une messe et des salles bien moins aérées et hautes de plafond – excepption faite de celles qui sont installées dans d’anciennes églises (deux à Nantes, le Grand T et le Cinématographe).
Mgr Touvet, évêque de Châlons – un diocèse où il n’y a pas de messe traditionnelle diocésaine ou autre, mais où néanmoins il y a eu des rassemblements pour la messe dès le 15 novembre – s’est étonné sur Twitter : « 30 personnes dans ma cathédrale, c’est ridicule et absurde. Elle fait 96 mètres de long et 25 mètres de large (transept 40 m) sur 30 m de hauteur, total 2500 m², avec 4 m² par personne, on peut mettre 600 personnes. Il faut apprendre à compter ! »
Les réactions étaient assez senties aussi sur le Forum Catholique. Pour Jejomau, « on continue de s’enfoncer tranquillement […] surtout prendre un bain de gel à l’entrée et à la sortie en n’oubliant pas le port du baillon, des gants mappa si possible et en attendant un vaccin miracle qu’il faudra se faire tous les six mois ». JVJ : « Un valeureux curé du diocèse du Mans multiplie les messes dès samedi soir et dimanche dans toutes ses églises […] A la campagne personne ne prendra sa voiture pour faire 15 ou 30 km et se faire refouler […] Si j’avais un évêque courageux, je prendrai le risque tout relatif d’aller encombrer sa cathédrale, mais comme ce dernier nous demandera de patienter et de trier les gobelets dans les poubelles ».
Catheter : « exclusif, la CEF demande aux curés d’organiser des loteries. Une loterie par messe : 30 gagnants à chaque fois. Le but est de compenser la baisse des quêtes et des dons ». Dans l’Oise, le père Michel Mallet : « 30 fidèles dans la cathédrale de Beauvais ou même à St Etienne qui est au moins aussi grande que la cathédrale, c’est tellement absurde que je me demande si l’association qui gère ces locaux va accepter de fournir le personnel de surveillance et le chauffage. » Pendant ce temps, d’autres curés s’insurgeaient sur le surcroit de messes à faire, notamment dans les grandes paroisses urbaines qui ont souvent plusieurs centaines de fidèles.
Pour une fois efficace et réactive – il faut dire que la fin de l’année approche, et les inquiétudes financières se font jour dans une bonne moitié des diocèses – la CEF (Conférence des Evêques de France) a émis un communiqué où elle s’est dite « déçue et surprise […] les catholiques sont conscients des enjeux sanitaires et sont capables de faire preuve d’une totale responsabilité […] La mesure […] paraît ignorer ce sens de la responsabilité dont ils ont déjà su faire preuve ».
Traduction entre les lignes : on a beau être près de Noël, les évêques ne sont pas contents du tout que le gouvernement les prenne pour des bûches. Parce que leurs fidèles et leurs propres curés risquent de les flamber dans la joie et la bonne humeur – esprit de Noël oblige.
Résultat, nouveau communiqué de la CEF mercredi: « Suite à l’incompréhension manifestée par les catholiques et d’autres quant au nombre de 30 personnes autorisées à assister à une célébration publique, Mgr Eric de Moulins-Beaufort [archevêque de Reims, président de la CEF] et Macron ont eu un échange téléphonique hier soir, 24 novembre. Il ressort qu’une jauge réaliste, tout en restant stricte, sera définie d’ici jeudi matin [26] pour une application en deux étapes, samedi 28 novembre puis après la réévaluation du 15 décembre ».
Il était temps. Devant l’absurdité de cette jauge de 30 personnes, certains collectifs de fidèles, qui avait contremandé leurs rassemblements de dimanche prochain, avaient décidé de les maintenir. Le confinement n’interdit pas de manifester, ce que les Nantais ont pu constater (quatre manifestations ce week-end, quatre de mardi à samedi), les messes et prières en plein air, elles, ne souffrent en effet d’aucune mesure limite pour l’assistance, ne sont pas interdites faute de loi pour les interdire, et on peut maintenant prendre l’air 3 heures dans un rayon de 20 kilomètres. De quoi faire une belle messe solennelle et chantée…
Louis Moulin
Crédit photo : Almicar/Wikimedia (cc)
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