Au conseil départemental de Loire-Atlantique, la gauche dispose d’une faible majorité (un canton). Ce qui permet à la droite de faire un rêve : devenir majoritaire aux élections départementales de 2021. Elle avait perdu ce département en 2004.
En 2021, il n’y a pas que les élections régionales ; les élections départementales figurent également au programme. En Bretagne, la Loire-Atlantique mérite une attention particulière puisque, en mars 2015, la gauche l’avait emporté d’une courte tête : 16 cantons pour le PS et ses alliés, 15 cantons pour l’union de la droite et du centre (Démocratie 44) : ce qui donnait 32 élus à la majorité et 30 à l’opposition, puisque chaque canton élit deux conseillers (un homme et une femme formant un binôme). L’an prochain, il suffira de peu pour qu le balancier penche en faveur de la droite ou, au contraire, renforce la position de la gauche.
Philippe Grosvalet (PS), président du conseil départemental de Loire-Atlantique, est donc déjà dans les starting-blocks. Les choses étant ce qu’elles sont maintenant (affaiblissement du PS et montée en puissance d’EELV), il se doit d’en tenir compte. D’où un discours et des initiatives adaptés à ce nouveau rapport de force à gauche : il ne faut pas fâcher les écolos si on veut s’en faire des alliés électoraux. Le meilleur exemple se trouve à Notre-Dame-des-Landes où le Département est propriétaire de 895 hectares de terres agricoles et l’État de 200. Grosvalet veut y favoriser le bio. D’où une mesure incitative : 75 euros par hectare et par an pour un bail rural classique, mais seulement 15 euros par hectare et par an si l’agriculteur opte pour le bio (Ouest-France, Loire-Atlantique, mardi 1er octobre 2019). Plus question de faire la guerre aux « zadistes » !
Autre déclaration qui ne peut que convenir aux écolos : « Nous avons connu Notre-Dame-des-Landes. Aujourd’hui les débats se portent sur Le Carnet, l’implantation d’Amazon ou encore la construction d’un méthaniseur géant dans le pays de Retz. » Il y aurait donc urgence, selon Grosvalet, un mettre un coup de frein à ces grands projets. Il faut changer de logiciel et « placer l’intérêt commun au-dessus de l’intérêt particulier » (Presse Océan, mardi 10 novembre 2020). On rappellera que l’artificialisation des terres ne dérangeait pas Grosvalet lorsque bétonner et goudronner Notre-Dame-des-Landes était à l’ordre du jour avec le projet de construction de « l’aéroport du Grand Ouest ». Le président du conseil départemental de Loire-Atlantique en était un chaud partisan, se bagarrant avec les écolos sur ce dossier.
Mais c’est du passé. Aujourd’hui, l’objectif est tout autre pour lui : gagner ces élections départementales – et conserver le job de président (donc le casse-croûte). D’où la nécessité de pratiquer l’union de la gauche avec un seul binôme ; ce qui exige de faire de la place aux écolos. « L’union est un combat », affirmait Georges marchais, le dernier grand secrétaire général du PCF. Au premier tour de 2015, les candidats d’EELV étaient présents dans dix-huit cantons sur trente et un : un seul en équipe avec le PS (Blain), huit en binôme exclusivement EELV et neuf en association avec un divers gauche (ou autre). Ils ne sont arrivés en tête que dans une seule commune : Notre-Dame-des-Landes (36,04% des suffrages exprimés). Cette fois, on pourrait donc se diriger vers des binômes PS – EELV. À Saint-Nazaire – 2 , Philippe Grosvalet « marié » à Annie Lannon, sa concurrente de 2015, ça ne manquerait pas de piquant ! « Paris vaut bien une messe », affirmait Henri IV.
Philippe Grosvalet « marié » à Annie Lannon ?
Philippe Grosvalet se veut optimiste puisque, dit-il, l’élection départementale « est souvent un prolongement de ce qui s’est construit au niveau communal ». Or, en la matière,, le bilan des municipales est « très positif pour la gauche ». La gauche « large, ouverte, diverse, pas sectaire, telle que je la conçois » (Presse Océan, lundi 7 septembre 2020). La belle époque du « monopole PS » est donc terminée… L’arrangement et la négociation s’imposeront si l’on veut conserver la majorité au conseil départemental. Mais les écolos ont de gros appétits…
Tous ces changements agacent Gatien Meunier (LR), président du groupe démocratie 44 au conseil départemental. Pour lui, cela est révélateur d’un « Parti socialiste aux abois ». « Philippe Grosvalet et le PS sont manifestement en campagne et semblent prêts à tous les reniements et revirements. » (Presse Océan, mardi 27 octobre 2020). Le leader de la droite départementale a raison de souligner que la situation du PS n’est pas brillante. Pourtant, prétendre que le « PS est aux abois » semble excessif. Aux dernières élections municipales, on a pu constater, une nouvelle fois, que le PS demeurait imbattable dans les grandes villes bretonnes (Brest, Nantes, Rennes) – sociologie oblige. Pour les élections départementales, en Loire-Atlantique, il dispose de fiefs solides : les sept cantons nantais, les deux cantons de Saint-Herblain, les deux cantons de Rezé, les deux cantons de Saint-nazaire. On voit mal la droite réussir une percée dans ces secteurs qui rendent la tâche facile à la gauche : 13 cantons sur les 16 indispensables pour obtenir la majorité. On remarquera que Gatien Meunier se garde bien d’aller tenter sa chance à Saint-Nazaire, par exemple. Il préfère se faire élire tranquillement dans le canton de La Baule – Escoublac, sans effort particulier. Voilà un gendarme qui n’a pas le goût du risque – en rentier de la politique… Davantage notable que militant.
Bernard Morvan
Crédit photo : Pymouss44/Wikimedia (cc)
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