Les pandémies sont-elles inéluctablement condamnées à se multiplier en raison des atteintes à la vie sauvage, notamment via les marchés ouverts d’animaux ou encore l’élevage intensif ?
Actions humaines sur la biodiversité et pandémies : un lien de causalité ?
Le Covid-19 est-il un simple avant-goût des pandémies qui nous attendent à l’avenir ? Cette perspective anxiogène n’est en tout cas pas écartée par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité (IPBES). Cette dernière a publié un rapport le 29 octobre dernier qui a été présenté à l’ONU.
Selon les 22 experts internationaux à l’origine du document, il y a un lien indissociable entre la multiplication des zoonoses, à savoir les maladies ou infections qui se transmettent des animaux vertébrés à l’homme, et la dégradation anthropique de la nature.
Un constat dont la Fondation 30 Millions d’Amis rappelle de son côté qu’il a déjà été partagé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) dans une synthèse publiée le 15 mai 2020 : « La science met en évidence de façon croissante des corrélations entre (…) perte de biodiversité et des services de régulation associés et émergence, ou augmentation, de la prévalence des maladies infectieuses ».
Des pandémies plus meurtrières à l’avenir
Dans son rapport, l’IPBES annonce que les futures pandémies apparaîtront plus souvent, se propageront plus rapidement, causeront plus de dommages à l’économie mondiale et tueront plus de personnes que Covid-19. Mais il existerait cependant une solution pour déjouer ce futur potentiellement peu joyeux : modifier l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses en passant de la réaction à la prévention.
« Nous nous appuyons toujours sur les tentatives de contenir et de contrôler les maladies après leur apparition, par le biais de vaccins et de thérapies. Nous pouvons échapper à l’ère des pandémies, mais cela exige de mettre davantage l’accent sur la prévention en plus de la réaction », précise Peter Daszak, président de l’atelier de l’IPBES.
Pour les 22 scientifiques, le risque de pandémie peut être considérablement réduit en diminuant les activités humaines qui entraînent la perte de biodiversité, par une plus grande conservation des zones protégées et par des mesures qui réduisent l’exploitation non durable des régions à forte biodiversité. Cela permettra de réduire les contacts entre la vie sauvage, le bétail et l’homme et aidera à prévenir la propagation de nouvelles maladies, indique le rapport.
Quelles politiques pour réduire les risques ?
Ainsi, le Covid-19, qui est au moins la sixième pandémie sanitaire mondiale depuis la Grande Pandémie de grippe de 1918, a, à l’instar des autres pandémies, trouvé son origine dans des microbes portés par des animaux. Mais, selon l’IPBES, « son émergence a été entièrement déterminée par les activités humaines ». En sachant que l’on estime à 1,7 million le nombre de virus « non découverts » actuellement présents chez les mammifères et les oiseaux, dont 827 000 pourraient être capables d’infecter l’homme…
Aussi le rapport préconise donc d’intervenir en amont des pandémies, jugeant la conception et la distribution rapides de nouveaux vaccins et de nouvelles thérapies comme étant une « voie lente et incertaine » aux conséquences humaines et économiques très importantes.
Avec l’ouverture de pistes de réflexion suite à la publication de l’IPBES, la Fondation 30 Millions d’Amis est elle aussi montée au créneau au début de ce mois de novembre en demandant « aux décideurs publics d’agir en conséquence et d’adopter des mesures fortes immédiatement ». En réclamant notamment que la création d’aires protégées fasse l’objet d’évaluations ou encore que les risques de pandémie soient systématiquement intégrés dans les études d’impact des grands projets de développement.
Sur le plan de la consommation enfin, la fondation engagée contre la souffrance animale rappelle les préconisations des scientifiques : « promouvoir une agriculture et une alimentation durables », « taxer la consommation de viande », ou encore, « éduquer et sensibiliser tous les acteurs de la société, en particulier les jeunes générations, sur les origines des pandémies ».
La facteur de la démographie mondiale ignoré
Si les critiques sur la déforestation, sur l’élevage intensif et sur les marchés ouverts d’animaux sauvages (les images de celui de Wuhan ayant largement circulé sur les réseaux sociaux au début de la pandémie de Covid-19) sont largement partagées, la question de la taxation de la consommation de viande suscite en revanche beaucoup plus de scepticisme.
Dans une interview accordée à Ouest-France le 17 novembre, Benjamin Roche, biologiste et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier ayant participé à la rédaction du rapport publié par l’IPBES, revient plus en détail sur cette idée : « Il s’agit de faire en sorte que les activités économiques à fort risque pandémique soient les moins économiquement viables. C’est-à-dire taxer les différentes activités économiques à fort risque pandémique. Bien sûr, la consommation de la viande parce que cela appelle de la déforestation, et donc une perte de biodiversité. Cela concerne aussi l’interdiction du commerce de certaines espèces de la faune sauvage parce qu’on sait qu’elles peuvent transporter beaucoup de virus ou de microbes aux populations humaines. Mais l’idée, c’est vraiment d’arriver à identifier quel est le juste niveau de taxe et le juste niveau de restriction pour prévenir l’émergence de pandémies, pour que ce soit durable dans le temps. »
Mais les précisions manquent quant aux types de viandes potentiellement sujettes à taxation. Doit-on y voir là le début d’une volonté d’éradication totale de la viande dans notre consommation au nom d’une politique de prévention contre les épidémies ? Il est encore trop tôt pour se prononcer.
Enfin, on peut s’étonner que le facteur de la démographie mondiale ne soit pas évoqué dans la réduction de la pression de l’humain sur la biodiversité…
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine