Qui n’est pas gaulliste aujourd’hui ? D’un bout à l’autre de l’échiquier politique, on se réclame maintenant du général de Gaulle. Et l’actuel président, monsieur Macron, n’est pas le dernier, on l’a vu, à se ranger derrière sa bannière. Mais n’est-ce pas là un incroyable paradoxe, car ce phénomène de récupération se développe au sein de la classe politique alors même que celle-ci n’a jamais été aussi éloignée des idéaux gaulliens.
En effet le général de Gaulle, c’est d’abord le refus de la fatalité. «La France a perdu une bataille, elle n’a pas perdu la guerre », proclame-t-il en 1940. Et, alors qu’elle était de fait vaincue, il réussit, par un tour de force exceptionnel, à placer notre pays à la table des vainqueurs de 1945. Une aptitude à changer le cours de l’histoire par la force de la volonté qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas l’apanage des politiciens d’aujourd’hui, lesquels se rangent tous peu ou prou sur la ligne imposée de l’étranger par la super-classe mondiale.
De Gaulle, c’est aussi une claire conscience de ce qu’est l’identité française : «un peuple blanc, une religion chrétienne, une culture gréco-latine». Autant de notions violemment rejetées par la classe politique actuelle, monsieur Macron en tête, qui voit la France comme une communauté pluriculturelle et multi-ethnique où nous devons « vivre ensemble » avec d’autres peuples et d’autres cultures au nom des « valeurs de la République ».
Le chef de la France libre s’illustre encore par une vision politique qui rejetait la suprématie des deux blocs américain et soviétique pour œuvrer à l’indépendance de la France aussi bien par la puissance militaire que lui procure l’arme nucléaire que par une diplomatie active en direction des pays non-alignés. Quelle est aujourd’hui la vision de monsieur Macron et de ses concurrents ? Il n’y en a pas et la France ne recherche plus ni la puissance ni l’indépendance. Pis, la classe politique semble ignorer la nouvelle donne du monde actuel marquée par le choc des civilisations. Dès lors, faute de lucidité et de volonté s’avère-t-elle incapable de tracer un chemin qui permettrait à notre nation de continuer à exister dans le monde qui vient. D’ailleurs, dès aujourd’hui, notre nation ne pèse plus sur la scène internationale et sa diplomatie n’est plus fondée sur l’action mais sur le verbe.
Le fondateur de la Ve République était de plus porteur de l’impératif de souveraineté. Souveraineté nationale comme il l’a montré à maintes reprises sur la scène européenne et atlantique, mais aussi souveraineté populaire en plaçant la volonté du peuple au cœur de nos institutions à travers l’élection du président de la République au suffrage universel et le recours au référendum. Une souveraineté qu’il plaçait au-dessus de sa personne puisque, lorsqu’il s’est senti désavoué par les Français, il a aussitôt démissionné. Faut-il, là encore, souligner combien cette souveraineté est aujourd’hui bafouée par la classe politique et combien nos compatriotes se trouvent dès lors soumis. Soumis non seulement à des volontés étrangères européiste et mondialiste, mais encore assujettis sur leur propre sol au politiquement correct imposé par les juges et les médias.
De Gaulle était également habité par le souci de la grandeur. La grandeur dont nous avons hérité à travers une histoire glorieuse, la grandeur qu’il nous faut cultiver par fidélité aux valeurs de notre civilisation. Et donc la grandeur que les dirigeants de la nation se doivent de refléter par leur style et leur mode de gouvernement. Incarnant la France, ils ne doivent pas s’enliser dans les questions subalternes mais exprimer une vision, ouvrir une voie et affirmer une volonté. Aussi leur attitude comme leurs discours doivent-ils être empreints de retenue, de mesure et de distance. Mais ils doivent être par ailleurs pleins de force, de sens et de clarté. « La grande politique, ce sont des idées simples appliquées aux grandes choses» disait Napoléon, dans une formule que l’on pourrait qualifier de gaullienne avant l’heure.
Aujourd’hui, il n’y a plus rien de tel : la scène politique n’est plus peuplée que de personnages qui s’agitent d’un bout à l’autre du territoire et ne se préoccupent que de communication, cherchant presque servilement la faveur des médias et les bons chiffres des sondages. La grandeur comme la fierté leur sont étrangères, eux qui n’hésitent pas à reconnaître de prétendues culpabilités à notre pays et à demander pardon en son nom.
De Gaulle est peut-être revendiqué par tout le monde, personne cependant n’incarne les valeurs et la posture qui étaient les siennes. Et cet unanimisme, loin de servir ceux qui s’en réclament, ne contribue qu’à souligner tout ce qui fait défaut aujourd’hui aux dirigeants de la France.
Alors l’engouement pour De Gaulle n’est-il peut-être pour les Français qu’une volonté inconsciente de retrouver tout ce qu’il incarnait afin que la France redevienne une grande nation.
Bruno Mégret via Polemia
Une réponse à “Bruno Mégret : « De Gaulle, revendiqué par tous, suivi par personne »”
Monsieur Megret nous a habitué à la pertinence de ses analyses. Celle ci ne déroge pas à la règle.