Premier point dur de ce 9e Vendée Globe : le passage d’un front actif cette nuit qui va apporter sa moisson de rafales et de mer croisée. Cap à l’Ouest, une partie de la flotte a opté pour le choc frontal afin de bénéficier ensuite de conditions « favorables » au portant. Plus au Sud, l’autre groupe, emmené par le nouveau leader Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family), préfère se protéger de l’âpreté des éléments. En cette fin d’après-midi, tout le monde progressait au près. Les échappés de l’Ouest commençaient déjà à ressentir le souffle de ce coup de chaud dans les voiles, avec 25 noeuds de vent et des creux importants.
Les philosophies divergent, les routes aussi. En ce deuxième jour de course, les 32 marins en mer* forment un groupe disparate : les uns longeant au plus près les côtes espagnoles, à l’intérieur du DST du Cap Finisterre (dispositif de séparation de trafic), les autres s’échappant au large à la rencontre du vent fort. Chacun s’est fait une idée de la manière dont il va aborder le front de ce soir. Les marins ont choisi en leur âme et conscience où placer le curseur : aller au front ou faire preuve de prudence.
Vers l’Ouest, la route la plus efficace, mais la plus exposée
Ils sont une petite dizaine à partir « au baston » : Armel Tripon, Thomas Ruyant, Louis Burton en tête, avec à leur vent, un autre petit groupe composé de Sébastien Simon, Boris Herrmann, Alex Thomson et Clarisse Cremer. Ce sont eux qui devraient affronter ce soir les conditions les plus dures. Le vent de Sud-Ouest va prendre de la puissance au fil de la journée, jusqu’à atteindre les 35 nœuds moyens autour de minuit (45 noeuds dans les rafales). Et le terrain de jeu va sérieusement se cabosser avec 4 à 5 mètres de creux qui arriveront aux trois quarts de face après le passage du front.
En fin d’après-midi, le vent de Sud avait déjà pris du coffre – 25 nœuds – sans que les bateaux ne parviennent vraiment à accélérer… Ces occidentaux espèrent que ce ne sera qu’un mauvais moment à passer pour bénéficier ensuite d’une route optimale, au portant, pour négocier une 3e grosse dépression dans le sud des Açores, entre jeudi et vendredi.
Au sud, la route la plus lente, mais la plus prudente
« Il faut être sage. Ce n‘est pas là que le Vendée Globe se gagne, mais c’est là qu’il peut se perdre » lance Damien Seguin, joint pendant l’émission Vendée Live ce midi, juste après avoir plongé pour dégager un filet de pêche pris dans la quille de son bateau. Et ils sont plusieurs à rejoindre son analyse. Nicolas Troussel, jusque-là proche des occidentaux, n’a pas hésité à traverser le plan d’eau et à parcourir plus de 35 milles cette nuit pour rallier les sudistes. Un revirement coûteux également consenti par Yannick Bestaven qui a modifié sa trajectoire pour passer à l’intérieur du DST du cap Finisterre, au point d’apercevoir la terre.
C’est le choix de la raison. D’autant que la fatigue est là après ces deux premières journées de course certes ensoleillées, mais mouvementées. Les navigateurs ne sont pas encore totalement amarinés. Ils sont en déficit de sommeil et d’énergie. Au point que Jean Le Cam avouait ce matin avoir fait un « K.O » : il s’est écroulé, endormi pendant plusieurs heures, sans entendre sonner son alarme et s’est réveillé en panique, obligé de virer en catastrophe à 7 milles de la Corogne. « L’idée, c’est d’aller dans le Sud pour ne pas se prendre une trop grosse branlée. Le front s’échappe vers le Nord, je préfère assurer le coup, car il y aura de la mer et des grosses rafales. Je préfère faire du Sud, même si ce n’est pas le plus efficace » résumait-il au téléphone.
Au centre, le compromis
Entre ces deux extrêmes, le reste de l’armada joue le compromis. Charlie Dalin, Jérémie Beyou, Kevin Escoffier et Sam Davies sont de ceux-là. Et ils étaient les plus rapides en milieu d’après midi. Derrière eux, Isabelle Joschke qui a également incurvé sa route, assumait totalement sa voie de la sagesse : « J’ai l’intention d’être prudente et d’aller dans des conditions que je considère comme étant maniables » avouait la navigatrice contactée en visio ce mardi matin.
Thêta : une dépression sous surveillance
Elle porte un nom qui semble sorti d’un roman de science-fiction – en réalité, il s’agit de la 8e lettre de l’alphabet grec – et elle a des airs de dépression tropicale. C’est Thêta. Elle se situe au sud des Açores et demeure sous la surveillance de la direction de course et de la cellule météo du Vendée Globe. Elle concernera la flotte dès jeudi.
Les alizés ne sont pas pour tout de suite et ils vont se mériter !
*Des nouvelles de Fabrice Amedeo
Dans le port des Sables d’Olonne, la réparation sur la fissure de mât de Newrest-Art & Fenêtres est en bonne voie. L’équipe technique en a profité pour vérifier l’intégralité du bateau. Fabrice a prévu de reprendre la mer ce soir à 22h15. Il devra repasser la ligne de départ, soit laisser la bouée Nouch Sud à tribord.
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