Les jugements des chambres régionales des comptes sont rarement palpitants. Ce sont souvent des histoires de fonctionnaires qui, pressés par leurs supérieurs, ont coché la mauvaise case. Le jugement des comptes de l’École des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire (EBANSN) n’échappe pas à la règle. Prononcé le 30 septembre, il a été publié voici quelques jours par la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. Il fait suite à un rapport très critique sur la gestion de l’EBANSN ; il en est une conséquence logique, tout comme l’éviction de son président de la liste municipale de Johanna Rolland. En revanche, le directeur de l’école, Pierre-Jean Galdin, est toujours en place, à la grande surprise de bien des connaisseurs du dossier !
La chambre avait relevé de nombreuses écritures irrégulières dans les comptes de l’établissement. Et pas pour de simples achats de crayons de couleur. Le principal litige portait sur le versement en 2017 d’une « prime de service public » aux agents de l’EBANSN, pour un montant total de 122 369,98 euros ! L’école avait considéré que son personnel avait droit à la même prime que les agents municipaux de Nantes, alors qu’elle n’était plus un établissement public de la Ville.
Fautes avérées, remises gracieuses à prévoir
Dans de tels cas, bien entendu, la responsabilité retombe fatalement sur un lampiste – en l’occurrence « Mme X. », comptable de l’EBANSN, qui avait eu le tort de faire ce que M. Galdin, ordonnateur des dépenses, lui avait dit de faire. À l’issue d’un raisonnement très fouillé, la Chambre conclut que « la comptable a manqué à ses obligations en matière de contrôle de validité de la dette et ainsi engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire, à hauteur de la somme de 122 369,98 € pour l’exercice 2017 ». Dur, dur.
Néanmoins, un tour de passe-passe devrait sauver la mise à Mme X. L’EBANSN s’est doté d’un plan de contrôle hiérarchisé de ses dépenses (CHD). Ce plan ne prévoit pas de contrôler la prime litigieuse. Normal puisqu’elle n’aurait pas dû exister… Et donc, miracle : « il convient de s’en tenir au fait qu’un plan de contrôle ne prévoit pas de contrôler la prime en cause pour admettre que ledit plan a été respecté ». Ni vu, ni connu ! Conséquence heureuse : « ainsi la comptable pourra se voir accorder une remise gracieuse totale ». Ou comment ramener à zéro 122 369,98 euros d’argent public…
À côté de ce plat principal, le paiement irrégulier de 3 322,67 euros de frais de déplacement fait figure de zakouski. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, Mme X. est déclarée débitrice de cette somme. Quoique… Le plan de CHD vient à nouveau à la rescousse. Il ne prévoyait qu’un contrôle « sélectif », et la comptable avait vérifié l’un des mandats payés. Un seul, et sans rien voir, mais ce n’est pas grave : « les principes du contrôle sélectif de la dépense ayant été respectés, bien que le contrôle opéré ait été défaillant, la comptable pourra bénéficier d’une remise gracieuse intégrale » (bis) sur décision ministérielle.
Le directeur passera-t-il à nouveau entre les gouttes ?
Même sanction avec perspective de non-sanction pour 13 755,44 euros de frais de déplacement payés sans justificatifs valables. Là encore, le plan de CHD ne prévoit qu’un contrôle sélectif. La comptable a contrôlé trois paiements, elle n’a toujours rien remarqué mais « les principes du contrôle sélectif de la dépense ont été respectés, bien que le contrôle opéré ait été défaillant ». D’où possibilité de remise gracieuse totale (ter).
Reste quand même des avances sur frais de déplacement payées irrégulièrement, à hauteur de 17 078,72 euros. Mais puisque les déplacements ont bien eu lieu, l’EBANSN n’a pas subi de préjudice financier. Donc pas de responsabilité ? Si, étrangement, au terme d’un calcul complexe, Mme X. est tout de même redevable d’une somme dont elle ne pourra demander remise et qui s’élève à… 331,50 euros.
Pour la petite histoire, on trouvera en annexe du jugement la liste des dépenses litigieuses (ci-dessous un petit extrait). Les plus considérables concernent souvent des voyages au Texas, où l’école a ouvert une antenne. Une dizaine de dépenses intéressent personnellement le directeur de l’EBANSN, l’intouchable Pierre-Jean Galdin. Intouchable ? Peut-être le nouveau président de l’EBANSN, le communiste Aymeric Seassau, se montrera-t-il plus sévère que son prédécesseur socialiste David Martineau…
Illustration : école des Beaux-arts de Nantes, photo BI, droits réservés
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