C’est un petit évènement insolite. Le Courrier Picard rapporte qu’un couple d’Irlande du Nord, en hommage aux combattants d’Ulster tombés durant la Première guerre mondiale, a baptisé leur petit garçon, né le 21 octobre, du prénom de « Somme ».
« Céline Jasiak, première adjointe au maire de Bertrancourt (près d’Albert, dans la Somme) n’en a pas cru ses yeux. Il y a quelques jours, elle a reçu un faire-part venu tout droit d’Irlande du Nord pour lui annoncer la naissance d’un petit garçon, le 21 octobre, à la maternité du Royal Hospital de Belfast. Rien d’inhabituel jusque-là, sauf que ses parents ont décidé d’appeler le nouveau-né « Somme ». Des parents passionnés d’histoire La lettre lui a été envoyée par Marty Pollock, l’heureux tonton, habitué à fréquenter les champs de bataille du département et le village de Bertrancourt, historiquement très lié à l’Irlande du nord » explique le quotidien.
.« Ils sont passionnés par l’histoire de la Grande Guerre et de la 36e division d’Ulster, qui a combattu dans la Somme, notamment à Thiepval, pendant le conflit. Ils ont voulu s’en inspirer pour rendre hommage à tous ceux qui sont partis pendant cette triste période » raconte Céline Jasiak.
Si ça avait été une fille, ils l’auraient baptisé « Poppy » (coquelicot, la fleur symbole du souvenir chez les Britanniques). Les parents économisent actuellement pour venir en séjour en France, lorsque la situation sanitaire leur permettra, pour plonger dans le passé de leurs ancêtres de la 36ème division d’Ulster.
For God and Ulster. L’histoire de la 36ème division d’Ulster dans la bataille de la Somme
Opposé à toute idée d’autonomie en Irlande, l’avocat de Dublin Sir Edward Carson met en place une milice paramilitaire de 85 000 hommes majoritairement protestants et de la province d’Ulster en janvier 1913 afin de contrer les initiatives des nationalistes majoritairement catholiques. L’UVF (Ulster Volunteer Force) sera son nom (qui sera ensuite repris par des groupes paramilitaires loyalistes durant les Troubles en Irlande du Nord), et le début de la Première guerre mondiale marquera une forme de pause des hostilités entre loyalistes et nationalistes irlandais, qui de leur côté rejoindront principalement la 16ème Division tandis que les unionistes forment la 36ème.
Le 1er Juillet 1916 marque le jour de la première grande offensive de l’armée britannique en France. « Les Alliés franco-anglais avaient pour objectif de briser les solides lignes allemandes dans la Somme et ainsi mettre fin à l’interminable guerre de position. La journée est incontestablement un échec avec les pertes gigantesques en hommes. Les Britanniques perdent 57 000 soldats dont 19 240 morts soit 60% des officiers. Jamais dans leur histoire militaire, ils ne perdront autant d’hommes en une seule journée. En quelques heures, est fauché l’équivalent des pertes britanniques durant les guerres de Crimée, des Boers et de Corée réunies. Alors que pour beaucoup, il s’agit d’une journée noire, les Nord-Irlandais voient surtout dans ce 1er Juillet 1916 leur jour de gloire » indique le site Leparatonnerre qui raconte l’histoire de ces soldats d’Ulster tombés en France.
« La 36ème Division d’Ulster est mise à contribution sur le secteur de Thiepval pour s’emparer de la fortification Schwaben (en référence à la région allemande, la Souabe) surnommée par les Britanniques « la place forte du diable ». Le 1er Juillet 1916, après les tirs d’artillerie, les Nord-Irlandais partent à l’assaut à 7H30. Contrairement à d’autres unités, la 36ème est perçue comme une unité déjà aguerrie par les entraînements alors qu’elle n’était qu’une milice. L’état major est moins strict envers les Nord-Irlandais que les autres troupes. Cette liberté de manoeuvre s’avère plus judicieuse en comparaison avec les autres désastreux assauts britanniques tout le long de la ligne de front. Les Nord-Irlandais réussissent à atteindre rapidement leur objectif. Les pertes sont cependant terribles. Un soldat décrit la scène comme « une émeute de Belfast mais sur le haut du Vésuve ». La 36ème est relevée après deux jours d’intenses combats.
Le bilan est effroyable : Plus de 5000 hommes (soit environ 1 homme sur 4) ont été tués, blessés, portés disparus ou faits prisonniers.
Aujourd’hui, dans les quartiers loyalistes de Belfast, de nombreuses fresques rendent hommage à ces hommes tombés sous les balles en France. Et les grandes parades loyalistes sont également l’occasion de leur rendre hommage.
Pour en savoir plus sur cette bataille, lire l’article de Philippe Lerat ici https://www.persee.fr/doc/irlan_0183-973x_1980_num_5_1_2216
Pour en savoir plus sur l’UVF première époque, nous vous recommandons deux livres dont un en deux tomes (en anglais) : Carsons Army: The Ulster Volunteer Force 1910-22 (Anglais) de Timothy Bowman et Ulster will fight, de David Truesdale
Illustration : DR
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