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Seule la prise d’Alger en 1830 a mis fin à la piraterie barbaresque.

Les États barbaresques ( cet adjectif est une déformation de berbère mot lui-même issu de barbare) comprenaient en 1800 le Maroc, les « régences » d’Alger, de Tunis et de Tripoli. Si on excepte le Maroc qui n’a jamais été occupé par les Turcs, les autres états étaient en théorie vassaux de l’Empire ottoman, mais étaient en fait indépendants. Une partie de leur économie était basée sur la guerre de course. Les corsaires d’Afrique du Nord traquaient les bateaux de commerce occidentaux ; les cargaisons des vaisseaux saisis étaient vendues tandis que les équipages devaient être rachetés par leur pays d’origine et en attendant croupissaient dans des bagnes sordides. Les Barbaresques opéraient également des razzias le long des côtes méditerranéennes et atlantiques ; ils allaient jusqu’en Amérique du Sud ou en Islande.

Ils ne s’en prenaient pas aux pays ayant une forte marine de guerre, comme la Grande Bretagne, mais principalement à ceux qui pouvaient difficilement se défendre. Les jeunes États-Unis, qui avaient perdu la protection britannique, virent plusieurs de leurs vaisseaux pillés ; ils durent signer un traité inégal et accepter de verser aux 3 régences de 1794 à 1800, un tribut annuel de 65 000 francs-or (1 million d’euros). Ils ont dû également donner 3 navires qui ont servi par la suite à la guerre de course. En 1800, Tripoli a exigé une augmentation de près de 40% du tribut,mais le gouvernement américain a refusé. Il fit construire à la place une flotte de guerre  qui ne fut opérationnelle qu’en 1804. Celle-ci sous le commandement de Stephen Decatur entreprit le blocus de Tripoli, mais n’obtint la capitulation de la régence libyenne qu’en s’emparant avec l’aide de mercenaires grecs et turcs de la ville de Derna. Un traité protégeant les biens américains fut alors signé par tous les États barbaresques. Pourtant en 1812, la régence d’Alger profita de la guerre entre la Grande Bretagne et les USA pour s’en prendre à nouveau aux bateaux américains.

En 1815, une escadre américaine sous le commandement de Decatur devenu héros national fut envoyée en Méditerranée. Lors de la bataille du cap Gata, le fleuron de la marine algérienne fut capturé. Après une deuxième victoire décisive remportée au cap Palos, la flotte américaine mit l’ancre devant Alger qu’il menaça de bombarder. Des négociations s’engagèrent, les navires algériens capturés furent rendus alors que tous les prisonniers américains (au nombre de 10) étaient libérés. Un nombre important de captifs chrétiens furent échangés contre 500 marins algérois. La régence d’Alger paya une indemnité de 10 000 dollars tandis que le tribut était définitivement aboli.

Lors des négociations menant au traité de Vienne (1815) on chargea les Britanniques de mettre fin à la piraterie en Méditerranée.  Londres fit alors pression sur les États barbaresques pour qu’ils renoncent à la course contre les navires occidentaux et pour qu’ils libèrent leurs esclaves chrétiens. Tripoli et Tunis acceptèrent de se conformer à ces exigences. Alger fut plus réticent, même s’il signa un traité prohibant l’esclavage. Cependant, le massacre par les Algériens de 200 pécheurs maltais, sardes et siciliens qui étaient sous la protection de la Grande Bretagne indigna l’opinion publique britannique. Une flotte anglo-hollandaise mouilla en 1816 en face d’Alger. Après des négociations infructueuses, un bombardement de la ville amena la capitulation du Dey (le dirigeant de la régence d’Alger). 1083 esclaves chrétiens furent libérés sans contreparties. Après cette date, la piraterie barbaresque resta un problème récurrent, même si elle était en déclin ; elle entraîna un nouveau blocus d’Alger par les Britanniques en 1824. Cette intervention contrairement à la précédente fut un échec. Les Algériens se crurent dès lors invincibles.

L’intervention française en 1830 a pour lointaine origine par le non-paiement du blé algérien fourni à la France en 1797 par l’intermédiaire de deux négociants algérois Bacri et Busnach. Excédé par les atermoiements français, le dey d’Alger donna en 1827 à notre ambassadeur un coup d’éventail. Pour venger cet affront diplomatique, la France entreprit alors un blocus d’Alger qui se révéla vain, les bateaux de corsaires barbaresques sortant sans problème du port.  Deux navires romains qui étaient sous la protection de la France furent saisis en 1827 par des pirates algériens, ce qui déclencha une guerre navale entre notre pays et la régence d’Alger. Pendant 3 ans de multiples tentatives de négociations eurent lieu, mais échouèrent toutes du fait de la mauvaise volonté du dey. En 1829, le souverain algérien fit même canonner un vaisseau transportant un ambassadeur alors qu’il quittait le port, au mépris des règles diplomatiques en vigueur.   Comme les bombardements et les blocus avaient montré leurs limites, le gouvernement français décida logiquement de s’emparer de la ville d’Alger pour détruire un état prédateur qui malgré les traités signés ne cessait d’attaquer les navires occidentaux et de réduire leurs équipages en esclavage (3 bagnes existaient encore en 1830 à Alger)

On voit que la prise d’Alger n’est pas un acte arbitraire d’une nation s’attaquant à plus faible qu’elle, mais que la France n’avait guère le choix des moyens pour régler un problème qui avait entraîné en 15 ans quatre interventions navales infructueuses. L’expédition contrairement à ce que peuvent raconter les historiens algériens était légitime et si l’ONU avait existé à cette époque, elle l’aurait peut-être (sans doute ?) approuvée. De peur d’attirer une intervention française, la Tunisie abandonna définitivement la guerre de course après 1830. Tripoli retomba en 1835 sous la dépendance de l’Empire ottoman qui interdit esclavage et piraterie

Une fois signée la convention avec le Dey se posa la question du devenir de la conquête. On ne voulait pas la rendre à la Turquie de peur de revenir à la situation précédente. Certains voulaient créer un royaume dirigé par un prince Kabyle ou Arabe. D’autres envisageaient de découper l’Algérie et d’en offrir des morceaux à tous les pays européens, l’Espagne récupérant Oran, la France gardant Alger, l’Autriche, Naples, la Sardaigne et la Grande Bretagne obtenant chacune un port. Pour finir, sans que personne ne le décide vraiment, la France acquit une nouvelle colonie. L’annexion n’eut lieu officiellement qu’en 1848, lorsqu’on découpa l’Algérie en 3 départements, mais Louis-Philippe et Napoléon III envisagèrent de créer à côté des zones occupées par les Européens un vaste État autochtone en Algérie qui serait vassal de la France. Peut-être que cette solution, plus respectueuse des musulmans, aurait évité la haine qui s’est exprimée entre 1954 et 1962 et aurait permis une cohabitation plus harmonieuse entre les communautés.

Christian de Moliner

Illustration : DR
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