Le 6 juin 2019, j’avais partagé avec mes amis un article intitulé « la dette US pour les nuls». L’article d’aujourd’hui a pour but de faire un nouveau point de situation et de mesurer l’évolution constatée sur les seize derniers mois alors même que les dettes des pays occidentaux (USA et UE) explosent en raison de la crise sanitaire.
La dette US totale comprend : les dettes des ménages, des étudiants, des entreprises, des États de l’Union, des institutions locales de tous niveaux , des institutions financières et enfin la dette fédérale.
Au 31 mai 2019 cette dette totale se montait à 74 000 milliards de dollars soit 350% du PIB US, 85% du PIB mondial, 22 fois le PIB français…
16 mois plus tard, au 30 Septembre 2020 cette dette totale a explosé. Elle se monte à 82 140 milliards de dollars soit 420% du PIB US, 95% du PIB mondial, 30 fois le PIB français.
Sur ce montant considérable, la dette fédérale, celle de l’État US, dont on parle le plus souvent en géopolitique, n’est que de 26 822 milliards de dollars (137% du PIB US) au 30 septembre 2020. Elle n’était que de 22 356 milliards de dollars (105,5% du PIB US) au 31 mai 2019. Elle a donc augmenté de 4 466 milliards de $ en 16 mois soit, en moyenne, de 280 milliards de $ par mois.
Le rythme d’augmentation de la dette fédérale était encore de 3 milliards de $ par jour en mai 2019 : il a été, en moyenne, de 9 milliards de $ / jour sur les 16 derniers mois.
Les étrangers ne se bousculant plus vraiment pour être créanciers des USA, c’est donc la planche à billet US qui accélère considérablement le rythme…
Par conséquent, cette dette fédérale est, pour la part la plus importante (73,6%), détenue par les Américains eux mêmes (fonds de pensions, épargne des citoyens, compagnies d’assurance, institutions financières privées ou étatiques). Ce pourcentage est en augmentation rapide puisqu’il n’était que de 71%, il y a 16 mois. En clair, cette dette fédérale qui explose s’« américanise » de plus en plus et de plus en plus vite.
En cas de crash, ce sont donc les citoyens US qui en subiront directement les plus lourdes conséquences. L’état social et sociétal du pays étant, aujourd’hui, celui que nous connaissons tous, 300 millions d’armes à feu étant en libre circulation dans un pays où la population est divisée en deux parties quasi égales, très hostiles l’une à l’autre, chacun peut imaginer les conséquences concrètes d’une faillite dans un pays qui compte beaucoup trop sur le crédit pour éponger ses déficits budgétaire (4 230 milliards de $) et commercial (830 milliards de $).
Les États et particuliers « étrangers » ne détenaient que 7 087 milliards de dollars de dettes américaines au 31 juillet 2020 (dernier chiffre officiel connu) soit 26,4% de la dette fédérale US et 8,6% de la dette totale. C’est à la fois peu et beaucoup, notamment en cas de crise économique mondiale résultant d’une faillite US.
Quels sont les continents et les pays les plus exposés au produit toujours plus toxique que devient la dette US ? Source : https://ticdata.treasury.gov/Publish/slt3d.txt
Dette fédérale US détenue, hors USA, par continents et grands pays, en milliards de dollars.
Continents dates | 31 mars 2019 | 31 Juillet 2020 | Evolution sur 16 mois |
Total Asie
dont Chine + Hong Kong dont Japon |
3 532
1 328 1 078 |
3 852,9
1 340 1 293 |
+ 320,9
+ 12 + 215 |
Total Europe
dont UE (+UK) |
1 855
1 481 |
2 144,4
1 737,1 |
+ 289,4
+ 256,1 |
Total Amérique latine
dont Brésil |
467
311 |
429,4
266 |
– 37,6
– 45 |
Total Caraïbe
dont Îles Caïman |
348
219 |
335,4
213 |
– 12,6
– 6 |
Total Canada | 99,6 | 133,9 | + 34,3 |
Total Afrique
dont Afrique du Sud dont Maroc |
61
12 4,8 |
61,4
12,9 4,1 |
+ 0,4
+ 0,9 – 0,7 |
Total Océanie
dont Australie |
46,7
39,3 |
50,5
42,8 |
+ 3,8
+ 3,5 |
Total Organisations Internationales | 63 | 79,3 | + 16,3 ???? |
Total Général | 6 472,3 | 7 087,2 | + 614,9 |
Ce tableau appelle les commentaires suivants : Il apparaît que le premier créancier des USA reste très nettement l’Union européenne (UE+UK) qui détient 1 737 milliards de dollars de dette US, montant en hausse constante. Cela montre, à ceux qui en doutaient, à quel point l’UE lie son destin à celui de son allié US.
On constate également l’importante exposition à la dette US de ses «alliés» japonais, canadiens et australiens, eux même, par ailleurs, très endettés.
La Chine semble plus prudente, puisqu’elle ne cherche plus à s’exposer davantage.
En clair, en cas de crise économique (monétaire et/ou boursière) partant des USA, c’est l’UE qui, après les USA, se trouverait la plus affectée par les conséquences immédiates d’un effondrement du dollar, de la bourse et/ou de l’économie US.
Il est vrai que la Chine perdrait, avec les USA, son troisième partenaire commercial, derrière l’UE et l’Asean, et serait durement affectée, elle aussi. Mais la Chine dispose d’un immense marché intérieur et surtout d’un gigantesque marché eurasiatique en développement rapide qui lui permettrait sans doute de s’en sortir moins mal que d’autres. Elle dispose aussi d’un régime fort et d’une population plus apte à «encaisser» les temps difficiles…
Par ailleurs, si s’endetter pour investir est parfois souhaitable en période de forte croissance, cela peut devenir problématique en cas de récession, situation qui sera celle des USA en fin 2020 : surendettement + récession + division du pays ne feront pas « bon ménage » en 2021.
Exposition des pays de l’UE (+ UK) à la dette US en milliards de $
Pays | Au 31 mars 2019 | Au 31 Juillet 2020 | Evolution en 16 mois |
UK | 317,1 | 424,6 | + 107,5 |
Irlande | 277,6 | 330,8 | + 53,2 |
Luxembourg | 230,2 | 264,7 | + 34,5 |
Belgique | 186,6 | 211,9 | + 25,3 |
France | 109,6 | 130,3 | + 20,7 |
Allemagne | 78,1 | 78,3 | + 0,2 |
Hollande | 44,5 | 71,2 | + 26,7 |
Suède | 47,9 | 40 | – 7,9 |
Italie | 44 | 42,6 | – 1,4 |
Espagne | 40,9 | 41,9 | + 1 |
Pologne | 33,9 | 42,5 | + 8,7 |
Danemark | 16,1 | 19,2 | + 3,1 |
Finlande | 6,48 | 5,6 | – 0,88 |
Portugal | 2,6 | 5,1 | + 2,5 |
14 autres pays | 45,42 | 28,3 | – 17,12 |
Total UE | 1 481 | 1 737 | + 256 |
Rien de bien surprenant à ce tableau. L’engagement UK, principal allié, voire complice des USA, est trois fois supérieur à celui de la France pour un PIB équivalent. Il ne cesse d’augmenter. Le Royaume Uni continue donc, plus que jamais, de lier son destin à celui des USA de manière indéfectible (et risquée…)
L’Allemagne, avec un PIB supérieur de 30% à celui de l’UK se montre beaucoup plus prudente en s’exposant 5 fois moins.
Le Benelux détient presque autant de dette US que l’Allemagne …..
La France qui s’exposait moins que l’Allemagne le 30 avril 2017 (élection du président Macron) à 67 milliards contre 75 à l’époque, s’expose désormais beaucoup plus à 130,3 milliards contre 78,3…… alors que son PIB est d’un tiers inférieur à celui de l’Allemagne. Cherchez l’erreur ….. La France prend donc «des risques» non négligeables pour son bon allié US.
Il est vrai que la France n’a désormais guère le choix. Alors que sa dette explosait déjà depuis l’an 2000 (voir vidéo d’1mn 45 publiée par le journal Le Parisien) et qu’elle avait reçu plusieurs avertissements de Bruxelles à ce sujet : sa bourse (CAC 40) est sous contrôle du fond de pension américain BlackRock, fondé par des membres de la diaspora new-yorkaise.
A noter que les documents de référence présentés ci dessus sont tous antérieurs à la pandémie et à la nouvelle «couche de surendettement» que la France va devoir rajouter à un bilan économique et financier macronien déjà très lourd… La France deviendra donc, plus qu’hier, l’otage de ses créanciers et perdra le peu de souveraineté qui lui reste.
Comme tous les fonds de pension US, BlackRock détient aussi de la dette US en quantité non négligeable. Si le système US de l’endettement « à la Madoff » venait à s’effondrer, BlackRock serait évidemment impacté, et donc le CAC40 aussi. On comprend tout l’intérêt de la France à soutenir le système fou de la dette US « à la Madoff » dont l’effondrement provoquerait le sien…
Il est vrai aussi que notre pays est soumis aux pressions très fermes de lobbies transnationaux d’obédience néoconservatrice et mondialiste, très engagés dans la finance internationale, qui le «contraignent» quelque peu pour ce qui concerne ses politiques économique, financière, sanitaire et, bien évidemment, sa politique étrangère. Les images ci après, peu glorieuses pour le président français, mais très « révélatrices », ne devront jamais être oubliées. Voir: https://www.youtube.com/watch?v=DrdNl2EP4zc
Notons enfin que la Russie s’est débarrassée de presque toutes ses réserves de change en dollar pour acheter de l’or et limiter ainsi son exposition au produit toxique que sont devenus le dollar, arme de sanctions massives, et la dette US. Elle ne détient plus que 5 milliards de dollars de la dette US (26 fois moins que la France).
En conclusion : Les Occidentaux ont bien conscience que le système de l’endettement sans limite ne peut pas durer éternellement. Au forum de Davos de Janvier 2020, ils ont évoqué avec les parties eurasiatiques l’intérêt d’un grand « Reset » (Grande réinitialisation) . Il s’agirait de remettre les compteurs à zéro, de repartir sur de nouvelles bases, sur un nouveau «contrat social», avec l’engagement d’adopter des comportements plus vertueux. Les modalités de ce grand « Reset » devaient être négociées et approfondies au forum de Davos de Janvier 2021 dont elles devaient constituer le thème central. Ce forum est d’ores et déjà reporté à l’été 2021 pour cause de Covid. Notons bien que l’idée de ce grand « Reset » est une idée de source mondialiste et occidentale… et que l’occident a gouverné sans partage l’économie mondiale durant trois quarts de siècle pour la mener là où elle se trouve aujourd’hui……
Pour négocier à son avantage ce grand «Reset économique», (proposé par les occidentaux qui voient venir l’effondrement et cherchent à «sauver les meubles»), il faudra se présenter en position de force. Seule la Chine le sera vraiment en début d’année 2021. Acceptera-t-elle de redonner aux occidentaux une chance de conserver le «leadership» et la gouvernance de l’économie mondiale en acceptant un «grand Reset» qui serait à leur avantage? Rien n’est moins sûr, car la Chine sait qu’il lui suffit, d’attendre pour que ce leadership lui tombe entre les mains par la simple obsolescence d’un système de gouvernance économique mondial dirigé, à leur profit, par les occidentaux, depuis trois quarts de siècle.
La Chine connaît, par ailleurs, la duplicité de l’occident, sa condescendance et ses ingérences permanentes dans les affaires d’états souverains. Elle les supporte de plus en plus mal. Elle n’apprécie pas non plus, avec beaucoup d’autres pays, des BRICS et de l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) notamment, l’utilisation comme arme du dollar, l’extraterritorialité du droit US et les sanctions unilatérales qui ont été appliquées, à maintes reprises, par tout ou partie du camp occidental sur tel ou tel pays. (Iran, Venezuela, Russie, Syrie, Chine …..)
On me dit parfois :« l’explosion de la dette n’est pas un problème dans la mesure où l’on sait bien qu’elle ne sera jamais remboursée. Une bonne petite guerre permettra de remettre les compteurs à zéro, comme après la crise de 1929.»…
Mais une éventuelle « fuite en avant » se ferait aujourd’hui à notre détriment. Les Occidentaux ne seront plus demain, en 2021, comme ils l’étaient encore hier, en l’an 2000, en situation d’entreprendre une guerre mondiale et de la gagner. Le centre de gravité du monde a déjà basculé : la messe est dite.
Général (2s) Dominique Delawarde
Illustration : DR
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Une réponse à “Explosion de la dette US : quelles conséquences prévisibles ?”
Tout élastique tendu à l’extrême finit par péter. Donc ça pétera. C’est juste une question de temps. Il n’y a aucune chance que les Etats-Unis rétablissent la situation à temps. Tout simplement parce que l’opinion publique la méconnaît totalement. Positifs et sûrs d’eux, voire arrogants, les Américains sont quasi incapables de voir leurs faiblesses, donc de consentir les énormes efforts nécessaires pour y remédier.
Et le jour ou ça pétera, ils auront besoin de coupables. Soit à l’extérieur, et ce sera très dangereux pour la paix du monde. Soit à l’intérieur, et la guerre civile n’est pas une éventualité à exclure.