Les médias bien-pensants nous serinent que seuls les « Blancs » sont coupables du crime de colonialisme, qu’ils sont seuls à être assez pervers pour mettre en couple réglée un autre pays. Pourtant, l’histoire nous démontre abondamment le contraire.
En 1591, le sultan du Maroc décide d’envoyer une expédition contre l’empire Songhaï qui contrôle l’actuel Mali. Ses buts sont purement impérialistes : mettre la main sur les mines de sel de Teghaza et sur les nombreuses mines d’or que l’empire Songhaï est censé abriter. Un autre objectif et non des moindres est de se procurer des esclaves pour les champs de canne à sucre du Maroc.
Le sultan met sur pied une armée de 1000 arquebusiers renégats (des chrétiens devenus musulmans) de 1000 arquebusiers andalous (des musulmans expulsés d’Espagne) de 500 spahis (arquebusiers à cheval ) ainsi que de 1500 piquiers marocains. S’y rajoute l’intendance : 600 sapeurs et 1000 hommes conduisant 8 000 chameaux et 1000 chevaux. Les pertes de l’expédition sont importantes pendant la traversée du Sahara, aride et peu hospitalier. Ils atteignent néanmoins le Niger, le fleuve autour duquel l’empire Songhaï s’est organisé. Cet État est affaibli, car il sort d’une grave guerre civile et la légitimité de son souverain l’Askia Ishaq II est contesté. Un détachement marocain livre une première bataille indécise à Kabara près de Tombouctou. Les Songhaïs restent maîtres du terrain et jettent dans le fleuve les arquebuses récupérées les considérant comme des armes de lâches.
Ishaq II qui s’attendait à une attaque plus à l’Ouest dans le Songhaï utile, se porte au-devant des envahisseurs avec son armée. Il rencontre ses ennemis à Tonbidi à 50 kilomètres de Gao. Le nombre de combattants dans chaque camp est sujet à polémique de 4 000 à 22 000 Marocains contre 30 000 Songhaïs. Mais ces derniers ont dû laisser en arrière d’importants effectifs pour contrôler les opposants à Ishaq II. L’artillerie marocaine joue un rôle de premier plan dans la bataille en détruisant les fortifications ennemies , ce qui oblige les songhaïs à déclencher une attaque frontale, appuyée, selon une tactique éprouvée, par la charge d’un troupeau de zébus. Ces animaux sont décimés par la mitraille et sur le conseil de ses généraux, Ishaq II se retire du champ de bataille. Après son départ les charges de cavalerie songhaïe sont bloquées par l’artillerie adverse. La contre-attaque marocaine oblige les guerriers songhaïs à se regrouper sur la route de Gao avant que l’infanterie du sultan ne porte le coup de grâce. Néanmoins, la défaite n’est pas une déroute et des escarmouches ont lieu jusqu’à la nuit. Cependant, l’empire Songhaï implose après Tobbidi probablement parce qu’il était miné de l’intérieur par les rébellions. Le corps expéditionnaire marocain entre dans Gao la capitale ennemie 15 jours plus tard. Ishaq II propose en vain 100 000 besants d’or et 1 000 esclaves pour obtenir la paix. Il est renversé, mais ses successeurs sont incapables de contenir les Marocains. Battus à plusieurs reprises, ils se lancent dans une guérilla meurtrière qu’ils cessent en 1599 avant de s’installer plus au sud et de signer un traité de paix tardif en 1630.
La région devient alors plus plusieurs décennies le pachalik de Tombouctou. Les élites lettrées et les Ulémas sont massacrés ou forcés à l’exil. La partition du Maroc à partir de 1610 entre plusieurs pouvoirs concurrents rend très lâche le contrôle de ce pays sur sa nouvelle province. Son pacha devient indépendant de fait et prête une lointaine allégeance à la dynastie Ssaadienne puis alaouite (l’actuelle) en payant un tribut constitué en partie par des esclaves noirs. En 1618, pour la dernière fois le Maroc envoie 400 hommes de renfort dans sa conquête.
Les militaires marocains installés dans la région (principalement les renégats chrétiens) épousent des femmes indigènes et forment une nouvelle caste dirigeante, les Armas. Ceux-ci sont en proie aux dissensions, des caïds émergent qui se disputent le poste de pacha. Pour finir de nombreuses petites entités indépendantes se constituent et le pacha ne contrôle plus que Tombouctou et sa région. Les Touaregs s’infiltrent progressivement dans la province, Tombouctou tombe entre leurs mains en 1787 et les Armas perdent tout pouvoir réel en 1825.
De nos jours, malgré leur petit nombre (20 000) les Armas ont conservé une place prépondérante dans la hiérarchie sociale. Un chef arma a signé le traité de reddition de Tombouctou en 1898 et de nos jours la chefferie traditionnelle de Goa est toujours dévolue à un arma.
En 1956, existait au Maroc un courant prônant le grand Maroc ; il revendiquait l’intégralité de la Mauritanie, le nord du Mali, une partie du Sahara algérien et le Sahara occidental. Si quelques hommes politiques mauritaniens de premier plan ont soutenu ces prétentions, aucun Malien n’a jamais appuyé ces revendications qui sont purement colonialistes.
Christian de Moliner
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2 réponses à “Afrique. Le colonialisme avant les Européens : quand le Maroc annexait le Mali pour son or et pour ses esclaves”
« En 1956, existait au Maroc un courant prônant le grand Maroc »
Je ne suis pas sûr que ce courant ait disparu. En tout cas, il n’y a pas besoin de remonter jusqu’au années cinquante.
Il est certain que le trapézoïde actuel appelé Mali est totalement incohérent. Néanmoins, ce n’est pas le Maroc qui apporterait un progrès dans ce sens,mais bien la Mauritanie, qui, dans le silence, ne se débrouille pas mal.