L’affaire Chloé Briot ne sera pas enterrée. Agression sexuelle, ou dérive comportementale ? La justice devra trancher. La jeune soprano lyrique, titulaire du premier rôle (« La Femme ») dans L’Inondation, un ouvrage du compositeur franco-italien Francesco Filidei créé à l’opéra-comique parisien, salle Favart, en octobre 2019, puis redonné à Rennes et à Nantes en janvier et février 2020, multiplie ses dénonciations dans la presse. Elle est passée par BFM ce dimanche.
Plainte avait été déposée en justice précédemment, soutenue par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, dans un communiqué du 8 septembre. L’article 40 du code de procédure pénale y est invoqué, celui qui impose à « toute autorité constituée » de signaler les crimes et délits dont elle a connaissance. Chloé Briot s’était plainte des agissements et dérives à caractère sexuel ou sexiste de son partenaire lyrique lors des reprises de l’opéra à Rennes et à Nantes. L’administrateur de la scène rennaise, Matthieu Rietzler, dit avoir imposé des précautions, ce qui ne semble pas avoir été le cas au même degré de la part du directeur de la scène nantaise Alain Surrans.
« Je ne veux plus vivre ça. »
Chloé Briot insiste, dans la publication professionnelle La Lettre du Musicien : « Je sais ce que je risque. Si je ne suis plus embauchée, tant pis. Je ne veux plus vivre ça. » En toile de fond, une certaine omerta propre au milieu des artistes lyriques, pour des comportements plus fréquents qu’avoués. La cantatrice assure en effet recevoir « tous les jours un ou deux messages de collègues – peu importe le corps de métier dans l’opéra : techniciennes, danseuses, chanteuses – qui me racontent ce qu’elles ont vécu ». D’où l’urgence, selon elle, de dénoncer « la loi du silence qui règne à l’opéra ».
Mais la justice est lente, et Chloé Briot risque, en ces saisons de raréfaction des spectacles lyriques, de ne pas retrouver d’engagement avant une ou deux années. Quant à son partenaire non nommé par elle, qui l’aurait qualifiée de « chieuse » et de « coincée du cul », il s’estime victime d’une dénonciation calomnieuse et a déposé plainte en ce sens. Il a par ailleurs été déprogrammé de la reprise de L’Inondation, salle Favart, prévue en 2023. La participation de Chloé Briot a, quant à elle, été confirmée.
Le monde lyrique est décidément très agité ces temps-ci. En 2018, le tout-puissant James Levine a été remercié sans indemnité par le Metropolitan Opera de New York, après quarante ans d’une collaboration historique et sur plaintes de trois jeunes gens. En février dernier, le ténor espagnol Plácido Domingo, soixante-dix-huit ans, dénonçait son contrat de directeur et chef de l’opéra de Los Angeles à la suite de l’accumulation d’une vingtaine de dossiers de chanteuses l’accusant de malversations sexuelles ou sexistes. Il mettait ainsi fin à une carrière américaine pourtant encore prometteuse et brillante.
En France, les sœurs Camille (violoniste) et Julie (violoncelliste) Berthollet dénonçaient en février dernier les attitudes ambiguës de chefs d’orchestre et autres profs ou collègues envers les instrumentistes d’orchestre ou de musique de chambre. Montée de la pudeur chez les dames ou libération de l’impudeur chez les messieurs ? La clarté n’est pas encore faite. S’il faut un juge par affaire, le milieu musical ne sortira pas si tôt de ses propres obscurités.
Jean-François Gautier
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